III – L’APPRÉCIATION SUR STOCK DANS LE CALCUL DES MARGES COMMERCIALES
Pour calculer les marges commerciales au sens de la comptabilité nationale à partir des données comptables d’entreprises (système intermédiaire), il convient de retirer l’appréciation sur stocks (plus précisément l’appréciation sur stocks commerce). Ce point n’est ici pas mis en cause. En revanche dans le calcul des marges par produit se pose un problème d’articulation entre la ventilation par produits des marges et la déduction de l’appréciation.
La méthode actuellement appliquée répartit d’abord selon les divers produits la marge au sens de la comptabilité d’entreprise (appréciation comprise), puis on en déduit une appréciation sur stocks commerce pour chaque produit. C’est la méthode la plus simple puisque l’appréciation est d’abord calculée par produits avant qu’on en déduise une appréciation par sous-secteurs commerciaux. Mais cette méthode tend à produire des résultats aberrants, conduisant à une forte instabilité des marges pour certains produits, et on démontre en outre, par cette note, qu’elle est fautive sur le plan théorique. L’imputation de l’appréciation sur stocks n’est évidemment sensible que pour les quelques marchandises susceptibles de subir des fortes variations de prix, à la hausse ou à la baisse, à des rythmes infra-annuels, ce qui est bien évidemment le cas des produits pétroliers et aussi de quelques autres produits.
1/ la théorie
a) le cas d’un seul produit.
Soit un commerçant qui achète le produit au prix p et le revend au prix pv = (1+m)p, avec donc un taux de marque m.
Au cours de l’année il a acheté une quantité (physique) qa de ce produit et a revendu une quantité qv .
La variation de son stock de marchandise est s1- s0 (stock final – stock initial).
On suppose qu’il n’y a pas de pertes donc, en quantités physiques, on a :
s1- s0 = qa – qv.
Si on applique les règles de la comptabilité nationale (principe de l’inventaire permanent = les différents éléments de la variation de stocks sont évalués aux prix du jour de l’inventaire), cette variation de stock (Ds) doit être valorisée au prix d’achat p.
En valeur on a donc Ds = p * (s1 – s0) = p* (qa -qv)
On définit la marge commerciale (mc) par :
Marge = ventes -coût d’achat des marchandises vendues et :
coût d’achat des marchandises vendues = achats – variations de stocks marchandises d’où :
Marge = ventes – achats + variations de stocks marchandises ce qui donne :
mc
= pv * qv – p*qa +Ds
= (1+m) p * qv – p * qa + p * (qa-qv)
= (1+m) p *qv – p * qv
= m *p *qv
Donc la marge est égale au coût d’achat des marchandises vendues (p*qv) multipliée par le taux m, à condition toutefois que le stock soit bien mesuré conformément aux principes de la comptabilité nationale :
Ds = p * ( s1 – s0) = p* (qa -qv).
Or le problème vient de ce que la mesure du stock en comptabilité d’entreprise est différente :
DsCE = p1* s1 – p0*s0 ( p0 et p1 sont les prix respectifs en début et fin d’exercice).
L’écart est l’appréciation sur stocks (ASS) Ainsi la marge calculée dans ESANE à partir des données comptables d’entreprises inclut l’appréciation sur stocks et doit donc être corrigée. Pour estimer convenablement la marge commerciale, il convient de déduire cette ASS de la marge issue d’ESANE.
b) Le cas de plusieurs produits
Si on a maintenant non plus un seul produit, mais plusieurs, se pose la question de la ventilation de la marge entre ces produits. Pour cela on dispose en général de la ventilation des ventes par produits, de la marge globale, au sens ESANE , et d’une estimation des stocks et de l’appréciation par produits. La ventilation des marges par produits doit alors s’appuyer sur une hypothèse. On peut envisager celles de taux de marges égaux par produits : il faut alors ventiler les marges proportionnellement aux ventes.
Cette hypothèse peut paraître forte, et on peut lui préférer l’utilisation de taux de marges distincts par produit, estimés a priori par une autre méthode. Cependant si on souhaite se recaler sur la marge comptable, on voit facilement que cela revient à ventiler cette marge proportionnellement non plus aux ventes brutes, mais à des ventes pondérées, les coefficients de pondération étant les marges estimées « ex ante ». L’introduction de telles pondérations ne changera pas fondamentalement les conclusions développées ci-dessous ; on se contentera donc d’examiner le cas d’une ventilation proportionnelle aux ventes.
Le problème ici est l’articulation de la correction pour appréciation sur stocks avec la ventilation des marges. La comptabilité privée d’où est issu ESANE et un premier calcul des marges, comptabilise les achats, les ventes et les stocks finaux aux prix du jour des différents événements, donc, négligeant les appréciations sur stocks au jour le jour, elle intègre effectivement le montant de ces appréciations dans le calcul de la marge commerciale :
Marge commerciale (en comptabilité privée, c’est à dire évaluée en intégrant l’ASS) = Ventes – Achats + Variations de stocks marchandises.
Comme dans les données de comptabilité privée, les ventes et les stocks finaux sont calculés respectivement aux prix des ventes et aux prix en fin d’exercice et les stocks début aux prix d’achat, l’ASS est effectivement incluse dans ces ventes et dans ces stocks finaux et donc dans la marge commerciale d’ESANE, il convient donc de retirer l’ASS des données « marges » d’ESANE pour passer aux données « marges » de la comptabilité nationale. Les appréciations dues aux fluctuations de prix au jour le jour sont déjà incluses dans les ventes et donc à ce titre, incluses dans le calcul de la marge ; mais il faut les retirer de l’appréciation sur stocks, c’est à dire des stocks finaux au sens de la comptabilité privée.
2/ la pratique
Il ne s’agit pas, pour l’examen de l’appréciation sur stocks (ASS), d’examiner le « niveau » des marges, mais leur évolution entre les comptes annuels. Les très fortes évolutions constatées sur les produits pétroliers par exemple, proviennent notamment de l’évolution des appréciations sur stocks,
Examinons d’abord ce que cela donne sur un exemple fictif : on prend le cas d’un commerce qui vend deux produits avec des taux de marge a priori égaux, mais des variations de prix, et donc des ASS différentes : Pour cette ventilation , on peut concevoir deux méthodes :
1ère méthode: on ventile les marges au sens ESANE puis on retire l’ASS par produit.
2ème méthode: on retire l’ASS globale puis on ventile les marges par produit.