Résumé
Le Covid-19 et ses variants rendent la reprise économique fragile. Certains facteurs économique sont difficiles à quantifier : la flambée des prix des matières premières en partie expliquée par des difficultés d’approvisionnement (exemple des composants pour l’industrie); la hausse des taux d’intérêt très bas qui pourrait mettre à mal l’économie des États très endettés comme la France. Si la reprise économique est fragile, la crise actuelle a remis en question toute l’économie mondiale fondée sur le développement sans précédent des chaines de valeur. Tandis que se profile la nécessaire transition énergétique. En 2021, le PIB a augmenté de 7% en volume, ce qui permet à l’activité de retrouver son niveau de 2019 en fin d’année. L’emploi salarié privé et public dépassait de 300.000 postes son niveau d’avant la pandémie. L’économie française serait ainsi non seulement en passe de surmonter le choc le plus violent qu’elle a subi depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais elle en sortirait renforcée. La réalité est toute différente : cette reprise amplifie des faiblesses structurelles de l’économie française : dettes publiques (+17% par rapport au PIB en 2020, soit beaucoup plus que sa croissance en 2021) ou privées, dépenses publiques en forte hausse, échanges extérieurs très dégradés surtout sur les produits industriels, etc… C’est pourquoi on la qualifie de fragile.
The Covid-19 and its variants make the economic recovery fragile. Some economic factors are difficult to quantify: the surge in raw material prices partly explained by supply difficulties (e.g. components for manufactured goods industry); the rise in very low interest rates which could undermine the economy of highly indebted states such as France. While the economic recovery is fragile, the current crisis has called into question the entire global economy based on the unprecedented development of value chains. At the same time, the necessary energy transition is emerging. In 2021, GDP increased by 7% in volume, allowing activity to return to its 2019 level by the end of the year. Private and public sector employment was 300,000 jobs above its pre-pandemic level. The French economy would thus not only be on the way to overcoming the most violent shock it has suffered since the Second World War, but it would also emerge stronger. The reality is quite different: this recovery amplifies the structural weaknesses of the French economy: public debt (+17% of GDP in 2020, i.e. much higher than its growth in 2021) or private debt, public expenditure in sharp increase, very degraded foreign trade, especially in industrial products, etc. This is why it is described as fragile.
SOMMAIRE
II – L’ANNÉE 2020 DANS LE MONDE
III – UNE REPRISE INÉGALE SELON LES PAYS
IV – L’EXTRAORDINAIRE ACCUMULATION DES DETTES DANS LE MONDE
Résumé
° Nombre d’économistes considèrent que la crise actuelle est passagère et universelle [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page). Comment ne pas être étonné que ceux-ci n’aient pas vu les difficultés de l’économie française (échanges extérieurs déficitaires, endettement des agents sans précédent, hausse des prix, rupture de stocks d’approvisionnement,..) malgré la forte reprise en 2021? Comment s’évertuer à faire des prévisions économiques sans préciser clairement que celles-ci sont très dépendantes des variants et des confinements à répétition? Comment attendre des entreprises qu’elles investissent si elles n’anticipent pas des comportements favorables des consommateurs en matière d’achats sans compter les risques de fermetures liés à un autre confinement? Comment demander aux passagers d’acheter des billets d’avion si ils s’inquiètent d’être mis en quarantaine à leur arrivée à l’étranger, à supposer qu’ils fassent une croix sur les billets achetés en 2020 mais non utilisés faute d’avions cloués au sol, et souvent non remboursés?
° Le déblocage de l’épargne des ménages, accumulée en 2020, est un élément clé de la reprise économique française. Mais les ménages sont ils prêts à dés-épargner pour consommer dans les années à venir? Le principe d’Équivalence de Ricardo n’est-il pas en partie applicable aux ménages français : ne pas puiser complétement dans leur épargne accumulée en 2020 pour pouvoir payer ces impôts futurs du fait d’un déficit de 9,2% du PIB en 2020 et d’une dette à 112,9% du PIB en 2021 (voir page Dette publique) ? Dès lors que les agents économiques se comportent de manière rationnelle, une politique de relance (distribution de revenus financée par la dette publique) ne les pousserait pas à consommer, mais plutôt à épargner, en prévision de hausses d’impôts futures. Il y aurait, sous certaines conditions, équivalence entre l’augmentation de la dette publique aujourd’hui et l’augmentation des impôts requise demain pour le remboursement de cette dette et le paiement des intérêts.
° Il y a donc bien eu 6,8% de croissance en 2021 (mais le niveau moyen du PIB en 2021 se situe 1,5% en deçà de son niveau moyen en 2019), accompagné de créations d emplois. et de nombreuses créations d’ entreprises (tableau suivant). D’autres résultats positifs ont été enregistrés : en 2021, les entreprises en France ont signé un total de 718.000 contrats d’apprentissage (+37%), un record après une année 2020 déjà record (+42% par rapport à 2019). Ce chiffre s’explique d’abord par les décisions gouvernementales, et par les aides accordées pendant la crise sanitaire facilitant l’emploi des jeunes.
1/ Mais cette reprise est un peu en trompe l’œil.
° D’abord, comme pour les années passées, cette hausse des créations d’entreprises est principalement due à l’essor des immatriculations d’entreprises individuelles sous le régime du micro-entrepreneur. Celles-ci s’accroissent de 17 % en 2021, soit 93 400 immatriculations supplémentaires, et atteignent 641 500 créations. Les créations ont ainsi plus que doublé depuis 2017, année précédant le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires ouvrant droit au régime. On peut se demander si les fortes créations de petites entreprises ne sont pas en partie liées à une progression modérée des rémunérations dans le secteur privé?
Nombre de créations d’entreprises depuis 2010
° Ensuite, c’est surtout une croissance des services dont la production (mais la mesure-t-on toujours correctement – voir page Vers un Tableau entrées-sorties idéal et mondial?) a presque retrouvé son niveau moyen de 2019. C’est beaucoup moins une croissance de biens : -5.6% par rapport à 2019 dont – 27% pour les matériels de transport (tableau suivant). Or ceux-ci comprennent l’industrie automobile et aéronautiques, deux des 4 « top-sectors », c’est-à-dire les secteurs d’activité qui constituent les piliers de l’économie française en référence au commerce extérieur (voir page échanges extérieurs).
° La production repart nettement (+ 7,3 % après – 8,0 %). Le rebond de la production est particulièrement marqué dans la construction et dans les services principalement marchands (+ 7,4 % après – 7,3 %). En particulier, l’activité accélère dans les services d’information-communication (+ 9,2 % après + 1,6 %). D’autres branches d’activité rebondissent vigoureusement en 2021, comme le commerce (+ 6,7 % après – 6,2 %) ou les activités scientifiques, techniques et de soutien (+ 7,6 % après – 5,6 %). Enfin, le rebond est incomplet dans les branches encore fortement marquées par l’empreinte de la Covid-19 en 2021 : hébergement-restauration (+ 14,8 % après – 35,1 %), services de transport (+ 12,0 % après – 16,6 %) et services aux ménages (+ 12,7 % après – 22,6 %). Les services non marchands, de santé notamment, rebondissent quant à eux fortement (+ 6,7 % après – 4,3 %).
° Le rebond est plus limité pour la production de biens : + 5,8 % après – 10,4 % en 2020. La production n’augmente que de 3,7 % (après – 28,3 % en 2020) dans les matériels de transport et de 3,1 % (après – 27,6 %) dans les raffineries. La reprise est toutefois plus marquée dans l’industrie agroalimentaire (+ 4,0 % après – 2,8 %), dans les biens d’équipement (+ 10,7 % après – 11,2 %) et dans les autres biens manufacturés (+ 8,0 % après – 9,2 %). Enfin, la production agricole est relativement atone en volume (+ 0,4 % après – 2,5 %). Néanmoins, la hausse des prix agricoles (+ 8,0 % après + 0,9 %) entraîne une forte augmentation de la production agricole en valeur (+ 8,4 % après – 1,6 %).
° On observe que la production manufacturière avait baissée en 2009 de -11,5% soit un peu moins qu’en 2020. Aussi l’écart entre la baisse de la production globale en 2009 (-4,9%) et celle de 2020 (-8,6%) provient des services : -7,6% en 2020 contre -3,2% en 2009. Le temps est fini où les services, notamment les services aux particuliers, jouaient le rôle d’amortisseurs des crises économiques.
° Le choc a aussi été très fort en 2020 dans l’industrie aéronautique, les transports aériens, le tourisme. Frontières fermées, aéroports vides, compagnies aériennes à l’arrêt, les conséquences de la crise du Covid-19 ont frappé de plein fouet et au premier chef, les constructeurs d’avions et le transport aérien. Le marché de l’arien est en berne. En six mois de crise due au coronavirus, l’aéronautique, autrefois championne des créations d’emplois, est lourdement retombée dans le rouge.
Production par branche aux prix de l’année précédente chaînés variations t/t-1(en %), données CVS-CJOSource : Insee
° Enfin au premier trimestre 2022, le PIB marque le pas (0,0 % en variation trimestrielle, après +0,8 %), en lien avec la faiblesse de la demande intérieure : la consommation des ménages recule nettement (–1,3 % après +0,6 %), tandis que la formation brute de capital fixe (FBCF) ralentit légèrement (+0,2 % après +0,3 %) [2]. Au total, la demande intérieure finale hors stocks contribue négativement, à hauteur de –0,6 point, à l’évolution du PIB (après +0,5 point le trimestre précédent).
° La production totale (biens et services) ralentit au premier trimestre : +0,5 %, après +1,0 % au trimestre précédent.
° Ce ralentissement provient notamment de la production en services marchands (+0,4 % après +1,8 %), en particulier dans l’hôtellerie-restauration (–4,0 % après +1,2 % au trimestre précédent) vraisemblablement sous l’effet de la vague épidémique de Covid-19 notamment en janvier (hausse du télétravail, baisse de la fréquentation des établissements, etc.). À l’inverse, la production poursuit sa progression dans la branche « information-communication » (+1,9 % après +2,0 %). La production de services aux entreprises retrouve quant à elle un rythme plus modéré (+0,8 % après +1,4 %). Enfin, la production se redresse légèrement dans les services non marchands (+0,3 % après –0,1 %), en particulier dans les soins de santé en lien avec la vague épidémique. Cet effet est partiellement compensé par la réduction en volume des services d’éducation liée à la fermeture de certaines classes. La production dans la construction ralentit quant à elle pour le troisième trimestre consécutif mais demeure en hausse (+0,3 % après +0,5 %).
° La production en biens est plus dynamique début 2022 : +1,1 %, après deux trimestres consécutifs de stabilité. La production des branches manufacturières augmente nettement (+2,2 % après +0,2 %), notamment pour les « autres produits manufacturés » (pharmacie, métallurgie, chimie, etc.). À l’inverse, la production en « énergie, eau, déchets » recule de nouveau nettement ce trimestre (–2,6 % après –1,3 %), notamment la production d’électricité.
Biens et services : équilibre ressources-emplois : aux prix de l’année précédente chaînés, variations t/t-1(en %), données CVS-CJO
° S’agissant de la formation, l’OCDE reconnaît les bienfaits des différentes mesures prises par le gouvernement en matière de formation, mais appelle à aller (beaucoup) plus loin. “Les réformes récentes ont amélioré l’accès à la formation professionnelle et sa qualité, mais la crise a retardé leur mise en œuvre. Le plan de réduction des tensions de recrutements, annoncé en (septembre) 2021, est bienvenu. Néanmoins, même avant la crise, la transition des jeunes vers le monde du travail était difficile”, L’OCDE insiste notamment sur la nécessité d’intensifier les efforts pour la formation des plus jeunes et des profils peu qualifiés. En effet, le plan d’investissement dans les compétences (PIC) et le plan de relance, qui prévoient des investissements massifs dans la formation, ont une échéance en 2022. “Il en va de même pour le soutien à la reconversion des salariés des secteurs en difficulté et à leur transition vers de nouveaux emplois”, ajoutent les auteurs du rapport, qui appellent à mettre en place un nouveau programme pluriannuel d’investissement dans la formation et la mobilité professionnelle.
° Concernant les jeunes, près de 80.000 jeunes sont sortis du système scolaire sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges en 2018. Ils sont souvent ni en études, ni en emploi, ni en formation pour de longues périodes ; et ils viennent généralement des milieux les plus défavorisés”. Quant aux jeunes actifs, ils sont “souvent recrutés pour des emplois temporaires”. “Ces deux phénomènes accentuent la probabilité d’obsolescence et de dépréciation des compétences, alors que la France est l’un des rares pays européens pour lesquels l’âge requis pour accéder au revenu minimum est plus élevé que l’âge de la majorité”,
L’insertion des jeunes sur le marché du travail est difficile en France
° Mais surtout plusieurs indicateurs sont au rouge.
Évolution de l’emploi salarié privé : en milliers données CVS en milliers en fin de trimestre
Taux d’épargne trimestriels des ménages en % (données désaisonnalisées et corrigées des variations saisonnières)
Source : Eurostat
2/ Dix caractéristiques de la crise actuelle
° Cette reprise est ainsi loin d’être acquise à moins d’un retour à la normale inespéré. La crise économique actuelle n’a rien à voir avec les précédentes. Cette crise a une dimension environnementale, démographique, sanitaire aussi bien qu’économique (voir encadré ci-dessous).
° S’agissant de l’économie, la crise a de multiples facettes passées, présentes ou futures :
° En outre la crise actuelle est certes universelle mais elle affecte plus ou moins les pays. Il en va de même pour la reprise économique. De même que les entreprises productives s’en sortent mieux que celles moins productives, on a l’impression que les États « forts » (commerce extérieur excédentaire, déficit public limité, chômage limité, industrie florissante, etc…) avant la crise le redeviennent après : Allemagne, Chine, pays du Nord de l’Europe et dans une certaine mesure les États-Unis. Alors que les autres pays « plus faibles », dont probablement la France, ont plus de mal à remonter la pente malgré la forte reprise en 2021.
° En ce sens la crise actuelle rappelle en partie celle de 1929 par son ampleur, sa divergence selon les pays, sa difficulté à la résoudre au niveau mondial avec la montée des nationalismes, et plus probablement sa durée (si on admet qu’elle n’est pas terminée). Elle n’a rien à voir avec le premier choc pétrolier de 1973 (baisse du PIB en 1975), ni avec la crise financière de 2007 des subprimes puis des dettes publiques, même si celle-ci a entraîné un net ralentissement de la croissance des échanges mondiaux depuis 2009 (voir page chaînes de valeur mondiales). Tout au plus la crise économique de 2020 est lié à un choc exogène contrairement aux crises de 1929 et de 2009 où les aspects financiers et monétaires sont primordiaux. Mais il y a bien des gagnants et des perdants.
° Pour compléter ce tableau, la crise du coronavirus ne frappe pas une économie en parfaite santé même si la période 2015-2019 a été une période de regain des marges des entreprises [3] :
° On note aussi que la crise de 1929 survient 10 ans après la grippe espagnole, une pandémie qui a fait des ravages bien plus considérables en terme de décès que le Covid 19 ( 2,5 % à 5% de la population mondiale). Et la grippe de Hong-Kong qui a fait près d’un million de décès dans le monde entre 1968 et 1970 n’a pas été vraiment commenté par les médias malgré quelques arrêts importants dans l’économie. La santé humaine liée à une pandémie ou à une crise écologique devient ainsi prioritaire même si la pandémie du Covid 19 aurait et a provoqué bien plus de décès que la grippe de Hong-Kong et qu’il fallait trouver des vaccins à tout prix.
° On se reportera aux diverses pages pour l’analyse de la conjoncture de certaines activités en 2020 (pages Comptes de l’industrie, Comptes des services,…) ou pour des aspects des finances publiques (pages Dette publique, Dépense Publique).
° À partir de plusieurs travaux, on propose dix caractéristiques de la crise actuelle, notamment en France.
° Et si il y avait un graphique (parmi d’autres) à retenir de la crise de 2020, ce se serait le suivant : jamais depuis les crises du dix-neuvième siècles, une crise économique n’avait autant sinon plus affecté les services que l’industrie (caractéristique n°6), et ce même si certains secteurs comme ‘l’automobile et l’aéronautique sont très affectés.
La pandémie a déclenché un déplacement de la consommation des services vers les biens, en particulier aux États-Unis [4]
3/ Des scénarios plus que des prévisions
° Aujourd’hui, est il encore possible de faire des prévisions économiques à trois mois ? les réponses aux conséquences du coronavirus sont déjà en place et les filets de sécurité sont certes nombreux. Au niveau national, la protection sociale est considérable, sans commune mesure avec ce qui existait en 1929, et ce qui existe encore aujourd’hui aux États-Unis.
° L’indemnisation du chômage partiel et l’aide annoncée aux artisans indépendants a limité les défaillances d’entreprises et peuvent soutenir la reprise de la demande après la crise. Le « quoi qu’il en coûte » a évidemment un coût : des dizaines de milliards d’euros. Mais au niveau européen, une compétition monétaire aggravante n’est plus à craindre. Même si la solidarité financière européenne n’est pas si facile à organiser entre les pays du sud et les pays du nord, la BCE a annoncé 750 milliards d’euros de rachats de dettes en 2020 (voir page Dette publique).
° En outre, le budget à long terme de l’UE, associé à NextGenerationEU — l’instrument temporaire destiné à stimuler la reprise —, constituera le plus vaste train de mesures de relance jamais financé par l’UE. Une enveloppe globale de 1 800 milliards d’euros devrait contribuer à reconstruire l’Europe de l’après-COVID-19 : une Europe plus verte, plus numérique et plus résiliente.
° Tous les gouvernements ont été sur une double crête de choix : d’une part, prioriser l’urgence sanitaire ou l’urgence économique pour décider de la sortie du confinement. D’autre part, alerter la population sur le degré réel de la gravité des situations sanitaire et économique mais aussi la rassurer par la capacité des gouvernements à les sauver. La peur risque de freiner la reprise de la demande à cause d’une épargne de précaution accrue. La confiance est sans doute plus apte à faire accepter par la population les mesures drastiques dont les pays ont besoin.
° Aussi l’OCDE comme l’OFCE mettent en place des scénarios plus que des prévision (s’agissant par exemple de l’évolution du taux d’épargne des ménages en 2021-2022) montrant par là qu’ils subsiste de grosses incertitudes.
° D’abord, les prévisions internationales de l’OFCE et de l’OCDE sont réalisées sous l’hypothèse que la progression de l’immunité collective permettra une levée significative des contraintes dans l’ensemble des pays à partir de l’été 2021 ce qui n’est pas acquis avec l’arrivée de nouveaux variants (Delta puis Omicron).
° Selon l’OFCE, la croissance mondiale serait alors de 5,5 % en 2021, ce qui fait plus que compenser la baisse en 2020 [5]. Dans les grands pays développés, la croissance serait de 3 % en Allemagne, 4 % en Italie, 6 % au Royaume-Uni, compensant une partie de la chute d’activité observée en 2020. Les États-Unis enregistreraient quant à eux une reprise supérieure à la récession de 2020 (6 % après -3,5 %).
Le soutien public au revenu disponible des ménages en 2020 a conduit à une forte accumulation d’épargne. Fin 2021, l’épargne additionnelle, du fait de la crise de la Covid-19, hors épargne de précaution, atteindrait 9 points de revenu disponible en Allemagne. Cette épargne se situerait autour de 12 points de revenus en Italie et en Espagne, à près de 15 points au Royaume-Uni et 16 points aux États-Unis.
° En 2022, la conjoncture mondiale dépendra fortement de l’utilisation par les ménages de cette « épargne-Covid » accumulée. Si un cinquième du surcroît d’épargne est consommé en 2022, la croissance serait de 5,5 % en Allemagne et en Italie, d’environ 8 % en Espagne et 6 % aux États-Unis. Si cette même épargne n’était pas consommée, la croissance serait alors de 4 % en Allemagne et en Italie, d’environ 6 % en Espagne et 4 % aux États-Unis. Les implications pour la dette publique sont importantes.
° Ainsi les prévisions pour 2022 dépendent de manière cruciale de l’utilisation de l’«épargne Covid» accumulée par les ménages selon l’OFCE. Dans un scénario où 20 % de ce surplus d’épargne est consommé, la croissance française serait de 6 % en 2022, le taux de chômage à 8,7 % et la dette à 115 % du PIB. Dans le cas où cette « épargne-Covid » n’est pas du tout consommée, le taux de croissance serait de 4,3 %, le taux de chômage de 9,4 % et la dette publique à 117 % du PIB en 2022
° Selon l’OCDE, le déploiement des vaccins à l’échelle mondiale demeure inégal et des restrictions subsistent dans certains pays et certains secteurs.
4/ .. et en France ?
° Certains économistes ne sont guère optimistes. « La crise de 2008, ce n’était rien du tout [6] ». Il est d’ailleurs intéressant de constater que peu de gens se rendent compte de l’ampleur de la crise actuelle, grâce aux mesures prises par l’État, qui a joué son rôle d’assureur en dernier ressort et évité que les revenus des entreprises et des ménages ne s’effondrent. Il faut cependant rappeler que, pour cela, l’État a emprunté et ainsi reporté le sacrifice à plus tard, car il faudra à un moment rembourser cette dette par des augmentations d’impôts. M. Friedman, prix Nobel d’économie disait » : « There is no free lunch ». Le test PCR est-il gratuit? L’installation du compteur Linky est-elle gratuite? etc…. Il y a la face cachée de la gratuité : d’une part, elle pousse à la surconsommation; d’autre part, la facture est présentée tôt ou tard, via l’impôt ou le chômage ou les prix.
° Quel sera aussi le destin de l’activité aéronautique dans les dix prochaines années, fleuron de l’industrie française ? Il est difficile de répondre. D’autant qu’il faut tenir compte dans ce secteur des questions liées au changement climatique. Si tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut baisser les émissions de CO2 dans l’aéronautique, personne ne sait le faire technologiquement. En outre, le développement des instruments de travail à distance va probablement avoir un effet négatif sur la demande de transport aérien et, en conséquence, sur le carnet de commandes d’Airbus.
° Certes il y a des plans de recherche et développement pour l’avion du futur. Parce qu’on va investir massivement pour trouver les technologies qui permettront à l’industrie aéronautique de rebondir. L’investissement en recherche est un moteur de l’activité économique. Il est aussi probable que le carnet de commandes d’Airbus se regarnisse quand la crise sera terminée. Il y a des inquiétudes mais aussi des raisons d’espérer.
° Quel sera l’avenir du transport aérien, du tourisme, d’autres industries comme l’automobile ?
° Un pays peut-il sortir de la crise sans priorité (politique) industrielle quand de grands groupes industriels sont ainsi vendus à des entreprises étrangères ? Le fait que la France n’ait pas été capable de produire un vaccin efficace, le fait qu’elle n’ait pas eu de masques en mars et avril 2020 et que l’on ne sache pas comment en produire autrement qu’artisanalement, tout cela a été un choc pour les Français. Cela a rappelé crûment que le libre-échange à tous crins, sans stratégie industrielle, poserait des problèmes (voir page Désindustrialisation par pays). Faut-il que l’État repense sa façon d’investir dans des secteurs stratégiques pour assurer notre indépendance, qu’il y ait une véritable politique industrielle comme l’entendait Édith Cresson, seule Premier Ministre à s’y être intéressée ?
° Le passage sous pavillon étranger d’entreprises industrielles stratégiques françaises, victimes d’attaques prédatrices de concurrents internationaux, est un thème on ne peut plus moderne. Le groupe Lafarge-Holcim a été renommé récemment Holcim, la composante suisse du groupe. Les exemples où les groupes français sont la partie lésée du mariage sont nombreux ces dernières années. La fusion, puis la scission entre Technip et FMC initialement présentée comme un « mariage entre égaux » en est aussi un bon exemple. En 2017, le Français Technip (13,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 32.500 employés) et son concurrent américain FMC (6,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 16 500 employés), fusionnent. Mais trois ans plus tard, les deux sociétés se séparent. L’activité sous-marine, la plus rentable, est pour la partie américaine. Et l’activité déclinante d’ingénierie pour la partie française.
° Mais l’achat le plus retentissant de la dernière décennie reste l’offensive de General Electric sur Alstom Power. General Electric arrive à ses fins en septembre 2015 et prend le contrôle d’une partie d’Alstom. Alors qu’il avait promis de créer 1 000 emplois en France, le géant américain annonce en 2017 la suppression de 350 emplois à Grenoble, et de plus d’un millier à Belfort en 2019. La grande perdante est la souveraineté économique de la France en matière nucléaire (turbines d’alimentation des centrales nucléaires). À moins que l’entreprise EDF rachète d’une partie de l’activité nucléaire de GE Steam Power acquise en 2014 par General Electric ?
° Faut-il plus que jamais que l’État joue son rôle en investissant dans des capacités de production de biens et services stratégiques ? Ici aussi le débat s’oriente trop vers les vaccins. Dans celui des satellites par exemple, avoir un système de GPS indépendant, c’est essentiel pour de nombreuses activités. L’État peut renforcer son rôle de stratège en investissant massivement dans des technologies prometteuses, mais sans oublier les industries de base presque à l’abandon en France : sidérurgie, industries mécaniques (biens d’équipement), électriques et électroniques, etc,… .
5/ Enfin que faire de la dette publique ?
° La pandémie de Covid-19, plus grave récession mondiale depuis 1945, a suscité d’importantes mesures budgétaires et des réponses fortes et rapides de la part des banques centrales. Les interventions de prêteur en dernier ressort (l’entité vers laquelle on peut se tourner pour obtenir des fonds en urgence, après avoir épuisé toutes les autres possibilités). et les achats massifs d’actifs par les banques centrales s’imposaient d’autant plus que la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle est asymétrique. En effet, une politique monétaire expansionniste a des effets plus limités qu’une politique restrictive, notamment en raison de la rigidité à la baisse des taux débiteurs bancaires.
° La Banque centrale européenne (BCE), en particulier, a lancé un vaste programme de soutien comprenant un nouveau programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP), l’extension et le maintien des programmes d’achats d’actifs existants, l’assouplissement des conditions des opérations ciblées de refinancement de long terme et un assouplissement sans précédent des normes en matière de garanties. Ces mesures visent à garantir que tous les secteurs bénéficient de conditions de financement favorables leur permettant d’absorber le choc négatif.
° Du coup la France ne s’est jamais désendettée depuis quarante ans. La dette est un instrument important : emprunter a permis à l’État de lisser le choc macroéconomique. Mais cette politique d’endettement n’est soutenable à long terme que si, durant les bonnes années, l’État est capable de rembourser. La bonne question n’est donc pas de savoir quand il faudra rembourser, mais quelles sont les conditions pour se désendetter. La soutenabilité à long terme de nos finances publiques est cruciale. Il faut trouver un mécanisme de gouvernance pour que les politiques résistent à la tentation de profiter des bonnes années pour appuyer davantage sur l’accélérateur. La crise actuelle ne serait rien par rapport à celle à laquelle la France serait confrontée si elle faisait défaut sur sa dette.
1/ Les agrégats macro-économiques en 2020 et 2021
a) Le PIB et ses composantes
En 2021, le produit intérieur brut (PIB) rebondit de 6,8 % en euros constants, après la chute de l’année 2020 (– 7,8 %) (tableau suivant). En moyenne sur l’année, le PIB demeure donc inférieur de 1,5 % à son niveau moyen en 2019. En 2020, l’activité affiche un recul historique en France.
La baisse du PIB est bien plus forte en 2020 qu’en 2009 (-2,9%). Les exportations diminuent plus en 2020 (-15,8%) qu’en 2009 (-10,9%) Il reste que la crise de 2009 est d’une autre ampleur que celle de 1975, avec par exemple une baisse de la production manufacturière de 11,5% en 2009 et de la FBCF des ménages de 12,5%, évolutions presque comparables à celles de 2020.
Le PIB et les opérations sur biens et services
Du côté des emplois finals, le rebond est principalement tiré par la demande intérieure : la consommation effective des ménages contribue pour les deux tiers au rebond du PIB (avec une contribution de + 4,2 points), complétée par l’investissement (+ 2,6 points) et la consommation collective des administrations publiques (+ 0,2 point). En revanche, les échanges extérieurs de biens et de services demeurent dégradés, et le solde des échanges extérieurs ne contribue qu’à hauteur de 0,1 point à la croissance du PIB ; enfin, les variations de stocks y contribuent négativement (– 0,3 point). [7], [8].
La contribution d’un agrégat à l’évolution du PIB est obtenue par la différence entre cet agrégat en volume l’année N et sa valeur en N-1, divisée par la valeur du PIB en N-1. La somme des contributions des agrégats à l’évolution du PIB est ainsi égale à la croissance du PIB.
Contribution à la croissance du PIB en volume en %
b) La consommation retrouve presque son niveau d’avant-crise
La consommation effective des ménages rebondit nettement en volume en 2021 (+ 6,0 % après – 6,5 %) et se rapproche de son niveau d’avant‑crise en moyenne sur l’année (– 0,9 % par rapport à 2019). La hausse de la dépense individualisable des administrations publiques au profit des ménages (+ 8,4 % après – 5,7 %), qui comprend notamment les tests et vaccins contre la Covid-19, y contribue nettement.
Le rebond est moins marqué pour les dépenses de consommation des ménages (+ 5,2 % après – 6,7 %). Du côté des achats de biens (+ 3,9 % après – 3,3 %), la consommation des ménages continue d’augmenter fortement en biens d’équipement (+ 6,9 % après + 7,2 %) mais reste encore nettement en retrait en matériels de transport (+ 5,6 % après – 13,1 %). Enfin, le rebond est plus modéré en services (+ 6,6 % après – 10,8 %), notamment du côté des services toujours affectés par l’épidémie : services de transport (+ 16,3 % après – 40,9 %), hébergement-restauration (+ 15,1 % après – 34,1 %) et services aux ménages (+ 13,9 % après – 22,4 %). À l’inverse, la consommation des ménages en construction (petit entretien du logement notamment) rebondit nettement (+ 13,7 % après – 8,5 %). La consommation des ménages est enfin marquée par une accélération des prix : +1,6 % (après + 0,9 % en 2020), tiré notamment par les prix de l’énergie (+ 9,0 %), des services de transport (+ 3,5 %) et de la construction (+ 2,2 %).
La consommation collective des administrations publiques progresse nettement en volume (+ 2,8 % après – 0,8 %), en raison du retour à la tendance des heures travaillées, après une baisse en 2020 liée notamment au premier confinement.
c) L’investissement dépasse son niveau d’avant-crise
La formation brute de capital fixe (FBCF) repart fortement en 2021 (+ 11,5 %, après – 8,2 % en 2020) et dépasse ainsi de 2,3 % son niveau moyen de 2019. Les investissements en services marchands, notamment en information-communication (+ 10,2 % après + 2,9 %) ou en services juridiques, techniques et de recherche et développement (+ 7,5 % après – 1,9 %), y participent particulièrement, comme ceux dans la construction (+ 14,3 % après – 13,5 %). La reprise de l’investissement des entreprises non financières leur permet de dépasser en 2021 leur niveau d’avant‑crise. En revanche, la FBCF des administrations publiques ou celle des institutions financières restent en retrait par rapport à l’avant‑crise.
En 2021, les entreprises et les administrations publiques ont moins stocké que l’année précédente, et les variations de stocks contribuent négativement à la croissance du PIB (– 0,3 point).
d) Les échanges internationaux rebondissent partiellement
Les échanges extérieurs, très affectés par la crise sanitaire en 2020, rebondissent sans retrouver leur niveau de 2019 : en volume, les exportations progressent de 8,8 % en 2021 (après – 16,8 % en 2020) et les importations de 8,0 % (après – 12,8 %).
Du côté des biens, la situation est contrastée : le rebond est assez marqué dans l’industrie agroalimentaire (+ 12,3 % après – 5,5 % pour les exportations, + 5,1 % après – 2,4 % pour les importations), dans les biens d’équipement (+ 9,7 % après – 12,2 % pour les exportations, + 13,2 % après – 8,9 % pour les importations) et dans les autres biens manufacturés (+ 6,9 % après – 8,1 % pour les exportations, + 6,2 % après – 7,2 % pour les importations). En revanche, les échanges n’ont que très peu repris dans les matériels de transport (+ 3,9 % après – 33,1 % pour les exportations, + 3,9 % après – 20,9 % pour les importations).
Les échanges d’énergie (hydrocarbures bruts et raffinés, électricité) demeurent également dégradés en volume (+ 12,4 % après – 19,1 % pour les exportations, + 10,8 % après – 17,6 % pour les importations). Toutefois, en raison de la forte hausse des prix (+ 54,1 % pour les exportations, et + 55,6 % pour les importations qui sont plus importantes en volume), la facture énergétique se détériore nettement en valeur : – 41,4 milliards d’euros (Md€) en 2021, après – 24,1 Md€ en 2020, soit un creusement de 17,3 Md€.
Le déficit en biens, hors énergie, se creuse également (– 10,3 Md€ supplémentaires en 2021).
Au total, après la correction (CAF-FAB), le déficit commercial en biens se creuse de 24,8 Md€ (voir page Correction CAF-FAB).
Du côté des services, le rebond en volume est plus net du côté des exportations, notamment pour les services aux entreprises (+ 9,8 % après – 13,2 % pour les exportations, + 4,9 % après – 11,7 % pour les importations) et les services de transport (+ 19,1 % après – 14,2 % pour les exportations, + 12,6 % après – 23,6 % pour les importations). Les échanges de services de transport sont également marqués par de fortes hausses de prix : + 39,1 % pour les exportations, + 15,0 % pour les importations. Ainsi, le solde extérieur sur les échanges de services en valeur s’améliore fortement : il s’élève à + 17,4 Md€ en 2021 après – 2,8 Md€ en 2020, soit une amélioration de 20,2 Md€, dont 14,1 Md€ provenant des services de transport, notamment du fret maritime.
Enfin, les dépenses des touristes repartent sans retrouver toutefois leur niveau de 2019 : les exportations progressent de 18,1 % après – 48,5 % en 2020, et les importations de 18,5 % après – 46,5 %. Le solde extérieur des dépenses des touristes s’améliore légèrement mais demeure en retrait : il s’élève à 8,3 Md€ en 2021, après 6,9 Md€ en 2020 et 15,1 Md€ en 2019.
In fine, malgré une contribution positive en volume, le solde global des échanges extérieurs (biens et services) se détériore en valeur avec la hausse plus forte des prix d’importations : il atteint – 48,6 Md€ en 2021, après – 45,4 Md€ en 2020.
d) L’épargne des sociétés non financières rebondit fortement
En 2021, la valeur ajoutée (VA) des sociétés non financières (SNF) augmente vivement (+ 9,7 % en valeur après – 7,7 %), soit une hausse de 114,2 Md€. La rémunération des salariés rebondit dans les mêmes proportions avec une hausse de 68,9 Md€ (après – 46,7 Md€ en 2020). En outre, les impôts nets des subventions sur la production baissent de 22,8 Md€ sous l’effet principalement des mesures mises en œuvre dans le cadre du plan de relance, ainsi que des subventions versées par le fonds de solidarité. Ainsi, l’excédent brut d’exploitation (EBE) rebondit de 68,1 Md€ (après – 50,6 Md€ en 2020). Le taux de marge se redresse de 2,5 points pour atteindre 34,3 %, après une baisse modérée en 2020 (– 1,5 point).
Le solde net des revenus reçus de la propriété des SNF augmente fortement, de 29,6 Md€. En effet, si les revenus versés par les SNF progressent de 58,9 Md€, les revenus reçus sont en hausse de 88,5 Md€ en raison de la progression très soutenue des dividendes et bénéfices réinvestis d’investissements directs français à l’étranger, qui sont notamment portés par les bons résultats des grands groupes cotés (voir page chaînes de valeur mondiales).
Ainsi, l’épargne brute des SNF bondit de 89,7 Md€, après – 41,9 Md€ en 2020 ; dans le même temps, l’investissement augmente, mais dans une moindre mesure (+ 39,7 Md€). Au total, les SNF dégagent une capacité de financement positive en 2021 (+ 38,3 Md€, après – 17,6 Md€ en 2020). Le taux d’autofinancement des SNF gagne 16,5 points (après – 8,4 points en 2020) et dépasse les 100 %, pour la première fois depuis l’année 2004.
Quelques éléments du tableau économique d’ensemble, en milliards d’euros en %
Source : Insee, comptes nationaux, base 2014.
e) Le pouvoir d’achat des ménages progresse
En 2021, le revenu disponible brut (RDB) des ménages accélère (+ 4,0 % en euros courants, après + 1,1 % en 2020), soit une hausse de 59,2 Md€. Dans le même temps, le prix de la dépense de consommation finale accélère (+ 1,6 %, après + 0,9 % en 2020), du fait principalement du rebond des prix énergétiques (+ 9,0 % après – 4,1 %). Ainsi, le pouvoir d’achat du revenu disponible augmente de 2,3 % en 2021 (après + 0,2 % en 2020). Cette hausse inclut l’effet de la croissance de la population. Une fois ramenée au niveau individuel et en tenant compte de l’évolution de la taille des ménages, le pouvoir d’achat par unité de consommation rebondit nettement : + 1,9 %, après – 0,3 % en 2020.
En 2021, la structure du RDB des ménages retrouve un profil plus usuel après une année 2020 affectée par la crise sanitaire. Les revenus d’activité et, dans une moindre mesure, les revenus du patrimoine contribuent à la hausse du RDB (à hauteur respectivement de + 4,4 points et + 0,7 point). À l’inverse, la baisse des prestations sociales en espèces, qui avaient fortement augmenté avec la crise en 2020, freine l’augmentation du RDB (– 0,6 point). Enfin le rebond des revenus stimule la hausse des impôts, notamment l’impôt sur le revenu, ce qui atténue en retour la hausse du revenu disponible (– 0,6 point).
En effet, les revenus nets d’activité rebondissent fortement (+ 7,4 % après – 3,9 %) avec la reprise économique : les salaires nets et les revenus des entrepreneurs individuels (revenu mixte net) sont en nette hausse (+ 7,5 % et + 6,8 %). Les revenus de la propriété rebondissent (+ 6,9 % après – 7,8 %), en particulier les dividendes reçus (+ 15,3 % après – 8,2 %).
En revanche, les prestations sociales en espèces se replient légèrement après une hausse exceptionnelle en 2020 (– 1,5 % après + 9,3 %). Elles diminuent sous l’effet principalement de la baisse du chômage partiel et des prestations d’assurance-chômage. Cette baisse des prestations est partiellement compensée par la mise en place de l’indemnité « inflation ». Enfin, les pensions restent structurellement en augmentation.
Les dépenses de consommation des ménages rebondissent en valeur (+ 6,9 % après – 5,9 %) plus fortement que la progression du RDB (+ 4,0 % après + 1,1 %), si bien que le taux d’épargne des ménages, qui avait atteint un pic en 2020, baisse de 2,3 points pour s’établir à 18,7 % du RDB. Il reste néanmoins à un niveau nettement plus élevé que sa moyenne entre 2009 et 2019 (14,9 %).
Le RDB des ménages ne rend pas compte de l’ensemble des ressources dont ils disposent. En effet, le coût de certains biens et services est pour l’essentiel pris en charge par la collectivité : éducation, santé, aides au logement versées aux locataires, notamment. En 2021, le revenu disponible ajusté des ménages, qui englobe ces dépenses, progresse plus rapidement que le RDB (+ 4,6 %) sous l’effet notamment de la forte progression des dépenses de santé.
f) Le besoin de financement de la Nation se réduit fortement
Le déficit des échanges extérieurs continue de se creuser en 2021 de 3,2 Md€, après une dégradation de 22,0 Md€ en 2020.
Cependant, le solde des opérations de répartition rebondit très nettement de 50,9 Md€ après une chute de 18,6 Md€ en 2020. Ce rebond résulte principalement du solde des revenus de la propriété, notamment les dividendes et les bénéfices réinvestis reçus par les multinationales françaises de leurs filiales à l’étranger, mais aussi du financement européen du plan de relance.
Au total, le besoin de financement de la Nation se résorbe de 2,1 points de PIB après s’être dégradé de 1,8 points en 2020 pour atteindre 0,4 % du PIB en 2021 (soit 10,0 Md€).
2/ Comment s’est réparti le coût macroéconomique de la crise sanitaire ?
Entre 2019 et 2020, le revenu national a diminué de plus de 150 Md€, soit un recul de 6,3 %. Ce chiffre est la contrepartie en valeur monétaire du recul du PIB en volume (-7,9 %). Rapporté à la taille de la population, il correspond à un revenu monétaire amoindri de près de 2 300 euros par habitant [8].
a) La perte de revenu national entraînée par la pandémie a été supportée entre 70 % et 80 % par l’État et le reste par les entreprises
Le recul du revenu national indique la baisse des revenus tirés des productions recensées par les comptes nationaux, en tenant compte du solde des revenus et transferts effectués avec le reste du monde. Au niveau macroéconomique, il mesure la baisse du revenu disponible pour les trois grands groupes d’agents de l’économie : les entreprises, les ménages et les administrations publiques.
Une première question est de savoir qui a supporté cette baisse de revenu national. Les administrations publiques en sont le premier porteur, pour plus de 70 % du total. Dans le graphique suivant, les sociétés incluent les sociétés financières, et les ménages les entrepreneurs individuels et les institutions sans but lucratif au service des ménages. La répartition du revenu disponible reflète l’affectation « primaire » du revenu entre agents (rémunération des salariés, revenus de la propriété…) et la distribution « secondaire » de revenu induite notamment par le système « fiscalo-social ».
Évolution du revenu disponible brut – En 2020 en Md€ (Source : Insee, comptes nationaux)
Ce constat reflète l’idée déjà bien comprise que les finances publiques ont été un puissant amortisseur des revenus privés pendant la crise, tant de façon « automatique » (les prélèvements baissent mécaniquement lorsque les revenus diminuent et certaines prestations augmentent) que par le jeu des dispositifs de soutien adoptés en réponse à la pandémie.
Le reliquat de la perte de revenu national a été assumé par les entreprises, même si la perte de revenu subie par celles-ci a été nettement moindre que celle de leur production. On peut en outre noter que le partage de la perte de revenu national passe à 80 % environ pour les administrations publiques et se réduit d’autant pour les entreprises si l’on tient compte des aides publiques comptabilisées en transferts en capital (comme la fraction des reports de cotisations qui ne serait pas recouvrée), non intégrées au concept classique de revenu disponible.
Enfin, le revenu disponible des ménages a été intégralement préservé et a même globalement un peu augmenté. Toutefois, après prise en compte de l’évolution des prix et de celle de la structure des ménages, le pouvoir d’achat « par unité de consommation » est resté stable.
Naturellement, cette répartition macroéconomique entre grandes catégories d’agents masque de fortes disparités entre les agents eux-mêmes. Certaines personnes ont perdu leur emploi ou plus généralement vu leurs revenus d’activité limités du fait de la crise, notamment les artisans et commerçants, et sans doute les jeunes. Ainsi, 22 % des ménages déclarent que leurs revenus ont diminué par rapport à l’avant crise . Au niveau des entreprises, les pertes de production dans les 20 % de secteurs les plus affectés expliquent l’essentiel du recul du PIB (Insee, 2021d), et au sein même de chaque secteur existent de fortes disparités entre entreprises
b) Une perte de revenu qui a « déjà été payée » pour près de moitié par le recul de la consommation
On sait que pendant la crise sanitaire la consommation a beaucoup reculé car elle a été contrainte tout comme la production par les restrictions visant à contenir l’épidémie. Au niveau de la nation dans son ensemble donc, le choc de revenu s’est traduit environ pour un peu moins de la moitié par une baisse de la consommation, et pour le restant par un recul de l’épargne nationale, par construction puisque l’épargne est par définition l’écart entre revenu et consommation. Ainsi le coût macroéconomique de la crise, pour la seule année 2020, a été déjà pour un peu moins de moitié globalement assumé sous la forme d’une moindre consommation par les différents agents. Cela signifie donc aussi qu’une grosse moitié ne l’a pas été.
Partage du recul du revenu disponible brut national entre consommation et épargne – En 2020 en Md€ (Source : Insee, comptes nationaux)
Il apparaît aussi que la baisse de l’épargne nationale recouvre des mouvements de sens contraire : d’une part, les ménages ont dégagé un flux d’épargne positif plus élevé en 2020 qu’en 2019 (pour plus de 95 Md€), compte tenu de ce que leur revenu a été préservé tandis qu’ils ont effectivement moins consommé. D’autre part, l’épargne dégagée par les entreprises, et surtout par les administrations publiques, s’est nettement repliée. Au passage, on notera qu’on peut difficilement conclure de l’observation du seul surcroît d’épargne des ménages que ces derniers sortiraient « plus riches » de la crise. Ce surcroît est en quelque sorte la contrepartie, et seulement partiellement, de la dégradation de la situation financière des autres agents, surtout les finances publiques. Derrière les agents au sens de la comptabilité nationale se trouvent en effet toujours in fine des ménages : les entreprises sont détenues par des personnes (parfois des non-résidents) et les engagements pris par les administrations publiques reposent en fin de compte sur les capacités contributives aux charges publiques.
Évolution de l’épargne des agents – En 2020 en Md€ (Source : Insee, comptes nationaux)
3/ L’impact de la crise sanitaire sur l’organisation et l’activité des entreprises
Le premier confinement lié à l’épidémie de Covid-19 au printemps 2020 a provoqué un recul historique de l’activité : 73 % des sociétés déclarent une baisse de leurs ventes supérieure à 10 %, et 35 % une baisse supérieure à 50 % durant cette période. Un tiers des sociétés ont fermé pour une durée moyenne de 57 jours, le plus souvent à la suite de restrictions administratives d’accueil du public (65 %), mais aussi pour des questions d’approvisionnement (8 %) ou de débouchés (7 %) [9]. Cette suspension d’activité a touché en priorité les activités les plus étroitement en contact avec le public : la restauration, l’hébergement, les services à la personne ou les activités culturelles et récréatives, mais aussi les transports aériens. En septembre 2020, 1 % des sociétés sont encore fermées.
Au total, la pandémie de Covid‑19 et les mesures de restrictions sanitaires, concrétisées en France par plusieurs périodes de confinement et déconfinement progressif et par un ensemble de mesures évolutives comme les couvre‑feux et les restrictions de déplacement, ont provoqué un ralentissement brutal de l’activité économique. Sur l’ensemble de l’année 2020, en France, le PIB a diminué de 7,9 % et la valeur ajoutée des entreprises de 8,1 %. Ces évolutions globales masquent l’hétérogénéité des situations individuelles des entreprises, y compris au sein d’un même secteur d’activité.
Pour faire face à la chute brutale de l’activité, plus de quatre sociétés sur cinq ont fait appel aux aides mises en place par les pouvoirs publics : chômage partiel (70 % des sociétés), report des échéances sociales (53 %), prêt garanti par l’État (41 %). Le recours à ces mesures a été particulièrement fréquent dans la restauration (97 %), le commerce et la réparation automobiles (96 %) ou l’hébergement (95 %). Par exemple en cas d’activité partielle, les salariés ayant une perte de salaire, en raison de la réduction de leur temps de travail, sont indemnisés par l’employeur. En contrepartie, celui-ci perçoit une allocation d’activité partielle cofinancée par l’État et l’Unédic (chômage partiel).
Parallèlement, les entreprises se sont adaptées à ce nouvel environnement en modifiant leur offre (20 %) et en proposant de nouveaux produits ou services (10 %), en réorganisant leur logistique (52 %), en mettant en place de nouveaux partenariats (7 %). Elles ont également mis en œuvre les gestes barrières pour un coût allant jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires selon l’activité. Enfin, le télétravail a permis à 40 % des sociétés restées ouvertes durant le confinement de poursuivre leur activité : en septembre 2020, 26 % des sociétés envisagent d’y recourir plus souvent de façon transitoire ou définitive.
a) 57 jours de fermeture en moyenne
Pendant le premier confinement, au printemps 2020, 34 % des sociétés ont suspendu leur activité. Une minorité de sociétés (19 %) a alterné périodes d’ouverture et de fermeture. Les arrêts ont affecté les sociétés de moins de 50 salariés plus fréquemment que les autres (36 %, contre 20 % pour celles de 50 salariés ou plus), les sociétés de 250 salariés ou plus ayant été plus rarement concernées (13 %). Les secteurs les plus touchés sont ceux frappés par une mesure d’ordre administratif (interdictions ou restrictions d’accueil du public), du fait des contacts avec la clientèle : la restauration (87 % des sociétés à l’arrêt, au moins temporairement), l’hébergement (68 %), les services à la personne (56 %) ou les activités culturelles et récréatives (56 %). Le commerce de détail, dans son ensemble, a été moins affecté (35 %), même si de nombreux magasins ont dû aussi fermer temporairement. Les interruptions ont été plus rares dans l’industrie (26 %) et les transports (19 %), mais pas dans la construction (52 %), qui a dû revoir son organisation pour mettre en place les gestes barrières.
En moyenne, la fermeture a duré 57 jours, ce qui correspond à la période du confinement (graphique suivant). Mais cette phase a été plus longue dans les activités soumises à une restriction d’accueil du public prolongée (78 jours, soit jusqu’à fin mai, dans la restauration, 98 jours, soit jusqu’à mi-juin, dans les arts, spectacles et activités récréatives) ou indirectement affectées par les mesures de confinement (95 jours, soit jusqu’à mi-juin, dans l’hébergement).
En septembre 2020, presque toutes les sociétés ont repris leur activité : 1 % sont toujours fermées. Ces sociétés encore fermées sont principalement dans la restauration (20 % des sociétés encore fermées), le commerce de détail (14 %), l’hébergement (13 %) et les travaux de construction spécialisés (11 %). Près de neuf sur dix ont moins de 50 salariés.
Ce qui frappe le plus c’est que ce sont les entreprises de services qui sont les plus affectées. On ne trouve qu’en douzième position le premier secteur de l’industrie affecté par les fermetures, celui des industrie agro-alimentaires. Puis vient celui de l’industrie automobile. Jamais, une crise économique n’a autant affecté les services (voir page Diversité tertiaire).
Nombre moyen de jours de fermeture par secteur d’activité depuis le début de la crise sanitaire
b) Un recul historique de l’activité au printemps 2020 lors du premier confinement
Lors du premier confinement, plus de quatre sociétés sur cinq estiment avoir subi une baisse de leur activité, comprise entre 10 et 50 % par rapport à la même période en 2019 pour un tiers des sociétés et supérieure à 50 % pour un autre tiers (graphique suivant). Les sociétés de 10 à 49 salariés sont les plus touchées par cet effondrement de l’activité (36 % ont connu une baisse supérieure à 50 %, contre 28 % pour celles de 250 salariés ou plus). De même, certaines activités ont été plus touchées que d’autres : l’hébergement et les activités culturelles (avec une perte d’activité de plus de 50 % pour plus de 7 sociétés sur 10), de même que la restauration (6 sociétés sur 10 dans ce cas). À l’autre bout du spectre, 6 % des sociétés ont vu leur activité augmenter pendant le confinement. Les secteurs qui engrangent les résultats les plus positifs sont le commerce de détail (11 % des sociétés ont enregistré une croissance de plus de 10 %) ou l’industrie pharmaceutique (7 %). Sur le premier semestre 2020, l’activité baisse de 17 % en moyenne, mais un quart des sociétés affichent une diminution supérieure ou égale à 30 % . Cette situation perdure à la sortie de l’été, puisque le niveau d’activité sur la première quinzaine de septembre est en baisse de 13 % en moyenne par rapport à la même quinzaine en 2019, la moitié des sociétés estimant cependant une réduction inférieure ou égale à 5 % entre le second semestre 2019 et le second semestre 2020. Les secteurs les plus touchés en septembre sont les mêmes qu’au premier semestre, avec un recul de l’activité de plus de 30 % dans l’hébergement ou les activités culturelles et de plus de 25 % dans la restauration. Avant même les annonces d’un deuxième confinement, les perspectives n’étaient guère optimistes avec une baisse prévue de + 10 % du chiffre d’affaires en moyenne sur le second semestre 2020 (– 40 % dans l’hébergement, – 30 % dans les activités culturelles et – 23 % dans la restauration).
Évolution de l’activité pendant le premier confinement de 2020 par rapport à la même période en 2019, par taille de sociétés
c) Un choc d’activité brutal d’ampleur variable selon le secteur
Pour chaque entreprise et secteur, il est possible de simuler l‘évolution de son chiffre d’affaires sur l’année 2020 dans un scénario où la pandémie ne serait pas survenue. Les chocs d’activité de chaque entreprise sont ainsi estimés par la différence entre le chiffre d’affaires observé et le chiffre d’affaires qui aurait prévalu en l’absence de crise, ou chiffre d’affaires contrefactuel. C. Cette situation contrefactuelle est ensuite comparée au chiffre d’affaires réellement observé. Cette méthode permet de quantifier le manque à gagner économique attribuable à la crise et d’analyser l’hétérogénéité des chocs au niveau individuel.
L’activité économique totale a été très ralentie pendant le premier confinement de 2020. Entre mars et mai, son niveau se situe 27 % en dessous de son niveau estimé en l’absence de crise sanitaire (graphique suivant). Sur le seul mois d’avril, cet écart est de – 35 %. L’activité économique a ensuite rebondi entre juin et septembre, tout en restant 10 % en dessous de son niveau attendu hors crise. La perte d’activité du printemps n’a donc pas été compensée par une activité plus élevée en été ou au début de l’automne. Au quatrième trimestre, qui inclut le deuxième confinement, la perte d’activité est estimée à environ 10 %. D’une part, le deuxième confinement a été plus court et moins contraignant que le premier. D’autre part, les entreprises ont pu davantage adapter leur stratégie et leur organisation qu’au début de la crise.
Évolution du choc d’activité économique agrégé au cours de l’année 2020
Le premier confinement a constitué un choc pour tous les secteurs, mais d’ampleur variable. L’hébergement‑restauration, la fabrication de matériels de transport et les « autres services » sont les trois secteurs dont l’activité économique a été la plus déprimée, avec une perte d’activité estimée respectivement à – 71 %,– 54 % et – 47 % entre mars et mai. Les secteurs de l’information et de la communication, de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont mieux résisté (respectivement – 13 %, – 11 % et – 9 %). Au contraire, lors du deuxième confinement, seuls certains secteurs ont vu leur activité se dégrader à nouveau de manière significative après la reprise modérée de la période estivale : hébergement‑restauration (– 54 %) et les « autres services » (– 33 %). Pour l’essentiel des autres secteurs, l’activité a baissé de façon plus limitée. Le secteur cokéfaction‑raffinage a également connu un choc important par rapport à son niveau d’activité attendu, mais une partie de cet écart est attribuable à des chocs exogènes intervenus juste avant le début de la crise, comme la fermeture des raffineries.
Dans plusieurs secteurs industriels, comme l’électronique et les autres produits industriels, l’activité économique a rebondi entre les deux confinements et s’est presque rétablie au niveau attendu lors du second (– 3 % et – 5 % respectivement).
Ventilation par secteur et taille du choc d’activité économique entre mars et décembre 2020
d) Baisse de la demande et ruptures d’approvisionnement
D’autres facteurs que les interdictions d’accueil du public ont également pesé sur l’évolution de l’activité : la baisse de la demande en France, soulignée par 66 % des sociétés, les problèmes d’approvisionnement (58 %), les difficultés logistiques de transport et de livraison (50 %), les questions financières, dont des problèmes de trésorerie (34 %). En revanche, la disponibilité de la main-d’œuvre en France et la fermeture des frontières n’ont été un problème que pour un quart des sociétés (respectivement 22 % et 27 %). La taille des entreprises est peu discriminante, sauf en ce qui concerne l’international et les questions financières. 33 % des sociétés de 250 salariés ou plus ont été touchées par l’évolution de la demande étrangère contre 17 % des sociétés de 10 à 49 salariés (6 % pour celles de 5 à 9 salariés du commerce de détail). À l’inverse, les plus petites entreprises, disposant de réserves moins solides pour affronter une situation inédite, ont été plus concernées par des problèmes financiers (43 % des entreprises de 10 à 49 salariés, contre 28 % de celles de 250 salariés ou plus).
e) Un recours massif au chômage partiel et au rééchelonnement des cotisations sociales
Dès le mois de mars, pour faire face à la chute d’activité engendrée par le confinement et donc à celle des recettes, le gouvernement a mis en place diverses aides aux entreprises, comme le prêt garanti par l’État (PGE) ou un moratoire des échéances sociales ou fiscales. Les organismes publics ou privés ont également été encouragés à reporter les échéances des loyers et des factures d’énergie (eau, gaz, électricité) ou à rééchelonner les dettes.
Plus de quatre sociétés sur cinq (84 %) déclarent avoir fait appel à une ou plusieurs de ces mesures d’urgence. Quelle que soit l’activité, au moins les deux tiers des sociétés y ont recouru, avec un pic pour la restauration (97 %), le commerce et la réparation automobiles (96 %), l’hébergement (95 %) et les activités culturelles et récréatives (94 %) ; seule l’énergie fait exception (36 %). Cela ne signifie pas pour autant qu’elles en ont toutes bénéficié, leurs demandes ayant pu être refusées. La mesure la plus sollicitée au cours du premier confinement a été le recours au chômage partiel (70 % des sociétés). Ont été également très demandés le report des échéances sociales (53 % des sociétés), notamment Urssaf, et le PGE (41 %) (graphique suivant).
Les sociétés de 10 à 249 salariés ont eu plus fréquemment recours aux mesures d’urgence que leurs homologues de 250 salariés ou plus (86 %, contre 79 %). Les sociétés de 5 à 9 salariés du commerce de détail ont fait, très logiquement, plus souvent appel à l’aide de 1 500 euros en faveur des TPE (22 %).
Recours aux différentes mesures d’aides pendant le premier confinement
1/ L’activité et les échanges mondiaux
a) Une récession inédite en 2020
Un an après le début de la crise de la Covid-19, le premier bilan d’un choc sanitaire aux conséquences économiques sans équivalent dans l’histoire contemporaine peut être dressé selon l’OFCE. Aucune région du monde n’a été épargnée par la récession en 2020 et rares sont les pays qui affichent des pertes d’activité inférieures à 4 % en moyenne annuelle par rapport à la trajectoire qui aurait pu être suivie en l’absence de pandémie (graphique suivant). Les rythmes de baisse de l’activité varient toutefois très fortement d’un pays à l’autre (voir ci-dessous)
La trajectoire de référence considérée est celle résultant des prévisions du FMI publiées à l’automne 2019, car ces dernières sont exhaustives pour les pays considérés ici. Il convient en effet pour cet exercice d’homogénéiser les biais de prévision. L’écart entre le PIB effectif et le PIB prévu est dénommé « écart d’activité ».
Écart d’activité en 2020 en %
La trajectoire des économies au cours de l’année 2020 a été séquencée en trois phases. Au premier semestre, face à l’expansion de la pandémie à partir de mars, les gouvernements ont mis en place des mesures de confinement des populations particulièrement restrictives. Ces mesures ont précipité les pays dans une violente récession. Au troisième trimestre, l’activité a pu profiter d’un rattrapage partiel, à la faveur d’une levée partielle des restrictions induite par le ralentissement prononcé des contaminations durant l’été. Enfin, la résurgence de l’épidémie, tout particulièrement en Europe, à l’automne a déclenché une nouvelle vague de restrictions. Le rebond d’activité du troisième trimestre 2020 n’a donc été que temporaire, et au quatrième trimestre, l’activité s’est contractée à nouveau, avec soit des croissances faibles, comme en Allemagne et aux États-Unis avec respectivement 0,3 et 1,1 %, soit négatives, comme en France et en Italie avec respectivement -1,9 et -1,4 %. Finalement, même si ce durcissement des restrictions a provoqué une chute d’activité bien moindre que dans la première moitié de l’année 2020, les évolutions économiques sont restées tributaires de l’évolution de l’épidémie et des mesures prises par les gouvernements pour la freiner. Ainsi, les pays qui ont pris les mesures sanitaires les plus restrictives sont aussi ceux qui ont affiché les moins bonnes performances de croissance au quatrième trimestre.
Selon l’OCDE, la production mondiale est restée inférieure d’environ 1 % à son niveau d’avant la pandémie, avec des différences marquées du rythme de la reprise selon les économies (graphique suivant). La croissance s’est ainsi poursuivie au quatrième trimestre 2020, mais des divergences de plus en plus marquées apparaissent.
Mais la principale constatation est la divergence d’évolution du PIB en 2020 entre la Chine (+2,3%), les États-Unis (-3,5%, soit à peu près le même rythme que le PIB mondial) et la Zone Euro (-6,8%). Dans celle-ci il y a encore des divergences, la France étant assez mal placé (-8,2%). C’est au Royaume-Uni (-10%) et en Espagne (-11%) que le PIB a le plus baissé.
Croissance du PIB selon les pays en %
Le rebond a été relativement rapide dans plusieurs grandes économies de marché émergentes. L’activité a dépassé ses niveaux d’avant la pandémie en Chine, en Inde et en Turquie, dopée par de vigoureuses mesures budgétaires et quasi-budgétaires ainsi que par le redémarrage de l’activité dans l’industrie manufacturière et la construction. Les déficits de production sont restés relativement modérés dans de nombreuses économies de la région Asie-Pacifique, dont l’Australie, le Japon et la Corée, grâce à l’efficacité des mesures d’endiguement rigoureuses adoptées, aux aides publiques et au redémarrage plus large du secteur manufacturier au niveau régional. Des mesures de relance vigoureuses et une amélioration des conditions financières ont permis de stimuler aussi l’activité aux États-Unis, même si la dynamique a faibli fin 2020.
Dans les grandes économies européennes avancées, la reprise a été moins rapide à cause des perturbations massives provoquées par de nouvelles vagues de contaminations et par la réduction des heures de travail qui s’en est suivie dans de nombreux secteurs de services. Les différences de spécialisation sectorielle ont aussi un impact sur la croissance, les économies les plus dépendantes du tourisme et des déplacements internationaux étant généralement celles où le PIB a le plus reculé en 2020.
Il semble que les mesures d’endiguement et la diminution de la mobilité qu’elles entraînent aient désormais un impact négatif sur l’activité plus limité qu’aux premiers stades de la pandémie. Cette évolution résulte peut-être en partie d’un ciblage plus judicieux des mesures de santé publique et des aides au revenu. De plus, les restrictions récentes visent principalement les secteurs de services impliquant une forte proximité physique entre les fournisseurs et les clients, l’activité n’étant généralement moins touchée dans le secteur manufacturier et celui de la construction. Les entreprises et les consommateurs se sont aussi adaptés à l’évolution des dispositions concernant le travail et les restrictions sanitaires. Si ces facteurs contribuent à limiter le coût économique des mesures d’endiguement actuelles par rapport au printemps 2020, on peut aussi penser que le rebond économique qui suivra la levée des restrictions sera peut-être également plus modeste que généralement attendu.
b) Les mesures de restriction freinent toujours la croissance
Établir un lien entre l’activité et l’intensité des mesures de confinement prises pour endiguer l’épidémie suppose de pouvoir quantifier ces dernières. La multiplicité des mesures possibles et leur nature qualitative rend cette quantification difficile. Les chercheurs de l’Université d’Oxford et de la Blavatnik School of Government ont construit un indicateur mesurant la rigueur des réponses gouvernementales pour 185 pays. Partant de ces indicateurs, il est possible de mesurer la sévérité du dispositif global de restrictions mis en place dans les pays et de le rapprocher de la croissance du PIB au quatrième trimestre 2020. On constate que les différences de croissance sont globalement corrélées à l’intensité des confinements (graphique suivant). Les pays qui ont le plus reconfiné au dernier trimestre 2020 (Autriche, Italie, France) sont aussi ceux dont le PIB s’est à nouveau contracté, même si c’est dans une moindre mesure qu’au printemps 2020. À l’inverse, les pays qui ont le plus relâché les mesures de restriction ont connu un rebond de l’activité, comme le Brésil ou les Philippines, et de manière particulièrement marquée l’Inde.
Corrélation entre le taux de variation du PIB et l’évolution des indices de restriction*
La dispersion des pays autour de ce schéma général reste forte car d’autres facteurs affectent l’activité. Cette dernière dépend en premier lieu de la structure de la valeur ajoutée nationale et notamment du poids des services marchands, particulièrement touchés par le confinement. Elle s’explique aussi par le degré d’ouverture des pays et leur exposition aux chocs subis par leurs partenaires commerciaux ainsi que par le poids du tourisme dans l’économie. Cette dispersion résulte enfin très vraisemblablement des difficultés d’élaboration des comptes trimestriels dans le contexte de la crise de la Covid-19 et de la manière dont les instituts statistiques ont remédié aux problèmes créés par cette situation inédite, en particulier la comptabilisation de la production non marchande. Les révisions ultérieures pourront changer le tableau dépeint à l’heure actuelle par les comptes nationaux. D’autres facteurs, en plus des mesures obligatoires, ont également affecté le comportement des agents économiques : la crainte de la contamination a pu provoquer un report d’achats impliquant des contacts sociaux, même en l’absence de contraintes légales, ou le caractère anxiogène de la crise inégalement ressenti par les populations a pu susciter des comportements d’épargne de précaution s’ajoutant à la sur-épargne « Covid ».
c) production industrielle et échanges commerciaux
La production industrielle mondiale a continué de se redresser ces derniers mois, et les échanges mondiaux de marchandises ont maintenant retrouvé leurs niveaux d’avant la pandémie (graphique suivant), grâce à la forte demande de matériel informatique et de fournitures médicales. L’investissement des entreprises est lui aussi fortement reparti à la hausse, malgré la persistance des incertitudes à court terme et le niveau élevé de l’endettement des entreprises. Cela étant, la dynamique s’est essoufflée vers la fin 2020 dans les économies pour lesquelles on dispose de mesures mensuelles de la production ou du PIB, en raison de l’activité contenue dans les secteurs de services. Au total, l’activité industrielle et les échanges redémarrent, mais la dynamique s’essouffle dans les secteurs de service.
Indicateurs d’activité mondiale (décembre 2019 =100)
Commerce mondial (variation en glissement annuel)
d) Le PIB chute dans les pays touristiques
La pandémie liée au coronavirus (COVID-19) a précipité l’économie du tourisme dans une crise sans précédent, sous l’effet du choc brutal et immense qu’elle a provoqué pour ce secteur. D’après des estimations révisées de l’OCDE, le COVID-19 a entraîné un repli de 60 % du tourisme international en 2020. On s’attend à ce que le tourisme international rebondisse d’abord au sein de zones géographiques spécifiques (l’Union européenne, par exemple).
Le tourisme interne, qui représente environ 75 % de l’économie du tourisme dans les pays de l’OCDE, devrait se rétablir plus rapidement. C’est le principal levier pouvant être actionné pour favoriser une relance, surtout dans les pays, les régions et les villes où le secteur du tourisme représente beaucoup d’emplois et d’entreprises.
Les répercussions de la crise se font sentir dans l’ensemble de l’écosystème du tourisme et, pour rouvrir et adapter les destinations, une démarche conjointe (État-entreprises) sera nécessaire. À l’heure actuelle, les entreprises et les travailleurs du secteur du tourisme bénéficient des mesures d’aide adoptées pour l’ensemble de l’économie, et de nombreux pays sont également en train d’instaurer des mesures de soutien propres au tourisme.
Il existe plus ou moins une corrélation entre la baisse du PIB en 2020 et la part du tourisme dans l’économie (Espagne, Italie, France, Portugal,…).
Les pays dont les secteurs des voyages et du tourisme sont plus importants ont enregistré des baisses plus marquées de leur PIB.
Emploi dans le tourisme (en % de l’emploi total) en 2018 ou dernière année disponible.
e) La consommation des ménages
Les dépenses de consommation ont alimenté le rebond initial de l’activité à la réouverture des économies l’été 2020, mais sont restées globalement faibles pendant le quatrième trimestre, bridées par la résurgence des inquiétudes sanitaires et l’effet des nouvelles mesures d’endiguement sur les dépenses dans les secteurs du commerce et des loisirs. Les échanges internationaux de services sont aussi restés atones. Au quatrième trimestre 2020, le taux d’épargne des ménages était encore bien supérieur à ses niveaux d’avant la pandémie, laissant entrevoir des perspectives de dépenses futures, mais il faut encore que la confiance des consommateurs s’affermisse dans la plupart des pays (graphique suivant).
L’épargne des ménages pourrait permettre de libérer une partie de la demande contenue, mais la confiance reste faible
2/ Le marché du travail
a) Les réductions d’activité
Le marché du travail se redresse lentement, grâce aux dispositifs de maintien dans l’emploi comme le chômage partiel ou les subventions salariales qui aident toujours à préserver l’emploi en Europe et au Japon. Cependant, dans les économies de l’OCDE, on compte près de 10 millions de chômeurs de plus qu’avant la crise, les taux d’inactivité ont augmenté et les taux d’emploi diminué. Dans les pays en développement, les pertes d’emploi ont été considérables, aggravant la pauvreté et le dénuement pour des millions de travailleurs. Le total des heures travaillées reste inférieur de quelque 5 % en moyenne à son niveau d’avant la pandémie dans les grandes économies avancées (graphique suivant, partie A), avec des différences marquées entre les secteurs. Les déficits sont largement concentrés dans les activités de services à forte intensité d’emploi où la proximité physique est importante (graphique suivant, partie B) comme les loisirs, l’hébergement, le transport et le commerce de détail et de gros. À eux tous, ces secteurs représentent entre 20 et 30 % de l’emploi dans la plupart des économies, et beaucoup de ces emplois resteront précaires tant que les vaccins n’auront pas été déployés massivement et que les mesures d’endiguement ne seront pas considérablement allégées. Les femmes, les jeunes et les travailleurs à faible revenu sont particulièrement exposés à ces risques étant donné l’importance relative de ces secteurs pour leurs emplois.
La France a été particulièrement impactée. Au quatrième trimestre 2020, les heures travaillées étaient inférieures de 16% à ce qu’elles étaient deux ans auparavant soit dans les secteurs à fortes interactions sociales, soit ceux où les interactions sociales sont nombreuses entre les fournisseurs et les clients, à savoir le commerce de gros et de détail, les activités d’hébergement et de restauration, le transport et l’entreposage, les arts, spectacles et loisirs, et les autres services aux personnes
b) Une mutation du marché du travail
Certains secteurs touchés de plein fouet par les exigences de distanciation physique et l’évolution connexe des préférences des consommateurs pourraient ne jamais retrouver leur taille initiale après la crise. Le passage durable au télétravail, la réduction des déplacements professionnels et l’essor des services par voie numérique (commerce en ligne par exemple) pourraient également modifier la structure des emplois et l’emplacement des lieux de travail dans de nombreux cas (graphique suivant). Ces changements potentiels exacerberaient plusieurs problèmes largement antérieurs à l’apparition de la pandémie, résultant d’une longue période de faible croissance, ainsi que l’accroissement des inégalités face aux situations et à la nécessité de s’adapter à la transformation numérique et au changement climatique.
La pandémie a entraîné des changements profonds sur les marchés de produits et les marchés du travail
c) L’importance de la formation professionnelle
Pour faciliter le redéploiement des ressources en main-d’œuvre, les dispositifs mis en place au plus fort de la pandémie pour soutenir les emplois et les revenus doivent devenir plus ciblés et de plus en plus axés sur les personnes plutôt que sur les emplois, et s’accompagner de mesures structurelles visant à améliorer la formation et à aider à la recherche d’emploi et au placement.
Des emplois font toujours défaut dans certains secteurs
3/ Des signes d’inflation ont commencé à apparaître
a) Un retour à l’inflation ?
Pour faciliter le redéploiement des ressources en main-d’œuvre, les dispositifs mis en place au plus fort de la pandémie pour soutenir les emplois et les revenus doivent devenir plus ciblés et de plus en plus axés sur les personnes plutôt que sur les emplois, et s’accompagner de mesures structurelles visant à améliorer la formation et à aider à la recherche d’emploi et au placement. La définition de critères précis liés à l’évolution de la situation pour l’octroi de ces aides, conditionnant, par exemple, les ressources utilisées à l’évolution des conditions du marché du travail, pourrait être un moyen d’amplifier l’efficacité des réformes.
Les perspectives d’une reprise mondiale soutenue se sont traduites par des anticipations d’inflation en hausse, en particulier sur les marchés financiers. L’inflation globale a augmenté récemment dans de nombreuses économies avancées et reste élevée dans certaines économies de marché émergentes, en partie à cause d’une forte hausse des cours des produits de base et d’épisodes antérieurs de dépréciation monétaire. Un redressement plus rapide que prévu de la demande, notamment de la demande chinoise, conjugué à des difficultés d’approvisionnement, a fortement tiré vers le haut les prix des denrées alimentaires et des métaux tandis que les prix du pétrole ont rebondi pour renouer avec leur niveau moyen de 2019 (graphique suivant, partie A). Les pénuries temporaires d’offre dans certains secteurs, comme les semi-conducteurs et le transport maritime, alimentent également des tensions sur les coûts des intrants, visibles dans les enquêtes auprès des entreprises (graphique suivant, partie B).
Les tensions sous-jacentes sur les prix demeurent généralement modérées dans les économies avancées, en raison de l’importance du volant de capacités inutilisées et du manque de vitalité persistant des marchés du travail même si des facteurs ponctuels, comme la réouverture de secteurs jusque-là soumis à des mesures d’endiguement ainsi que des modifications de la fiscalité indirecte, contribuent actuellement à l’inflation. Dans les grandes économies de marché émergentes, l’inflation pourrait être supérieure qu’escomptée si les monnaies locales continuaient de se déprécier en raison de la hausse des rendements relatifs aux États-Unis. Le renchérissement des produits de base aura également pour effet de doper davantage l’inflation dans les pays importateurs nets, comme l’Inde et la Turquie, par rapport aux pays exportateurs de produits de base.
Les tensions sur les coûts commencent à s’intensifier
b) Des difficultés d’approvisionnement
Ce phénomène apparaît fin 2020 et s’affirme en 2021.
Mars 2021, le porte-conteneurs géant Ever Given bloque le canal de Suez et 10% du commerce mondial. Après les masques de 2020, la chaîne logistique mondiale connaît des difficultés. Retard de production des vaccins Astra Zeneca, arrêt de l’usine Stellantis (ex PSA) de Sochaux faute de composants électroniques, rupture mondiale de la console de jeux PS5, pénurie de matériaux dans le bâtiment ou de vélos, difficultés d’approvisionnement dans la pétrochimie suite à une vague de froid au Texas, les exemples de rupture de stock se multiplient. Cette tension sur les matières premières risque de réserver quelques mauvaises surprises dans les semaines à venir et pourrait rendre chaotique le redémarrage post-Covid.
Le transport maritime représente 90% du commerce mondial en volume et 80% en valeur. Le volume transporté a été multiplié par 4 depuis 30 ans. Il faut noter que, jusqu’à présent, le transport maritime n’était pas cher. Il fallait compter 2500$ pour un container de 40 pieds entre la Chine et l’Europe. Par exemple un téléviseur de 700 € coûtait 10€ à transporter en bateau. Produire à l’autre bout du monde devenait ainsi compétitif. Avec le développement des navires géants, le prix du fret maritime avait été divisé par 2 entre 2010 et 2020.
Mais le Covid a tout bouleversé. Avec l’épidémie, bateaux et containers se sont retrouvés bloqués dans les ports. Pendant les confinements de 2020, les compagnies maritimes ont fortement réduit leur activité, supprimant 25% de leurs rotations au départ de l’Asie. Elles n’ont pas anticipé un redémarrage aussi fort dès l’été dernier. Dans un marché oligopolistique, elles ont privilégié l’augmentation des prix. Le prix d’un container au départ de la Chine est passé de 2.500$ à 10.000$ en quelques mois et les délais ont explosé : 4 à 6 semaines en temps normal, 10 à 25 semaines en ce moment. Dès lors il pouvait y avoir des risques de pénurie mondiale de certains produits, faute de cargos pour les transporter. Une explosion du prix du fret maritime rend en tout cas peu pertinent de fabriquer certains produits volumineux et peu chers à l’autre bout du monde.
Autre conséquence du Covid, certains marchés ont explosé provoquant des déséquilibres. C’est le cas du marché des semi-conducteurs. Fin mars 2021, l’usine Stellantis de Sochaux se retrouve à l’arrêt, manquant de puces et de composants électroniques. C’est la deuxième fois depuis début 2021.
Avec le confinement, le monde entier s’est mis à acheter ordinateurs, consoles, smartphones quand le marché automobile chutait. TSMC le taïwanais leader mondial des semi-conducteurs (avec près de 30% de part de marché mondial) s’est naturellement orienté vers ces marchés plus rémunérateurs. Et malgré des usines tournant à plein régime, TSMC n’arrive pas à répondre à la demande. Le fabricant ne prévoit de retour à la normale avant 2023.
Même phénomène sur le marché du vélo. Le marché du cycle post-confinement a lui aussi été ultra-dynamique. Des magasins de cycles spécialisés aux grandes surfaces comme Décathlon, les ruptures de stock s’y multiplient. Des fabricants de pièces clés aux usines saturées comme le fabricant japonais de dérailleurs Shimano ne peuvent approvisionner certaines entreprises.
Un secteur semble cumuler toutes ces difficultés, c’est le secteur du bâtiment. La reprise y a été vive après le confinement, portée par les besoins de rénovation. Mais c’est aujourd’hui l’approvisionnement des matériaux qui pose problème. Bois de construction, acier, plastiques, peinture, plaques de plâtre, polyuréthane, polystyrène…, les délais et les prix des matériaux de construction s’envolent.
La reprise mondiale se poursuit, mais elle s’est essoufflée et devient de plus en plus déséquilibrée. Certains segments de l’économie mondiale connaissent un rapide rebond tandis que d’autres risquent d’être marginalisés, notamment les pays à faible revenu où les taux de vaccination sont bas, ainsi que les entreprises et les employés des secteurs à fortes interactions sociales, où la demande ne s’est pas encore pleinement rétablie. La dynamique insufflée par le vif rebond d’activité lié à la réouverture de l’économie perd à présent de l’élan dans de nombreux pays du fait de la persistance de perturbations au niveau de l’offre, de la hausse des coûts des intrants et des retombées toujours sensibles de la pandémie. Des tensions inflationnistes accrues et plus durables se sont fait jour dans l’ensemble des économies à un stade inhabituellement précoce du cycle, et des pénuries de main-d’œuvre apparaissent alors même que les taux d’emploi et le nombre d’heures travaillées ne se sont pas encore totalement redressés. Les coûts à revenu faible, et les prix s’inscrivent également en hausse dans les secteurs de biens durables concentrant l’essentiel des difficultés d’approvisionnement. Dans ce contexte, les perspectives sont plus incertaines et l’action publique se trouve confrontée à des défis considérables.
Le scénario « central » de l’OCDE prévoit une poursuite de la reprise mondiale, avec un monde mieux armé face à la pandémie et des politiques monétaire et budgétaire généralement en soutien tout au long de l’année 2022. Après un rebond de 5.6 % en 2021, la croissance mondiale devrait progresser au rythme soutenu de 4.5 % en 2022, avant de ralentir pour s’établir à 3.2 % en 2023 (tableau suivant). Mais des déséquilibres inquiétants ont vu le jour.
– Premièrement, la reprise est très variable d’un pays à l’autre, reflet des différences de situation sanitaire, de politiques publiques et de composition sectorielle.
– Deuxièmement, des pénuries aiguës de main-d’œuvre sont apparues dans certains secteurs, alors même que l’emploi et le nombre d’heures travaillées n’ont pas encore pleinement retrouvé leur niveau pré-pandémie.
– Troisièmement, l’écart persistant entre l’offre et la demande de certains biens, conjugué à l’envolée des coûts des produits alimentaires et de l’énergie, a provoqué des hausses de prix plus fortes et plus durables que prévu.
Évolutions des principaux agrégats macro-économiques du Monde
Des risques importants continuent de peser sur les projections. De nouveaux variants plus contagieux du COVID-19 apparaissent fin 2021 et pourraient continuer d’apparaître, en particulier si le rythme des campagnes de vaccination et l’efficacité des vaccins existants diminuaient, ce qui compromettrait les perspectives de croissance. Les performances de la Chine pourraient par ailleurs décevoir en cas de persistance ou d’intensification des difficultés du secteur immobilier et des problèmes d’approvisionnement en électricité, ce qui affecterait d’autres économies, notamment les exportateurs de matières premières et l’Asie. L’inflation pourrait continuer de surprendre à la hausse, en raison de tensions plus durables que prévu dans l’offre ou d’une poussée plus forte et soutenue des coûts de l’énergie, entraînant des ajustements sur les marchés financiers en perspective de futures décisions de politique monétaire. De tels ajustements pourraient mettre au jour des vulnérabilités persistantes liées au niveau élevé de la dette, aux valorisations tendues des actifs sur certains marchés et à la fragilité de la reprise dans de nombreux pays émergents et économies à revenu faible. À l’inverse, un déploiement plus rapide des vaccins, ou une diminution plus importante de l’épargne des ménages et de la trésorerie des entreprises accumulées durant la pandémie, stimuleraient les dépenses et les capacités productives et accéléreraient le rythme de la reprise.
La reprise devrait rester inégale selon les pays. La plupart des économies avancées devraient retrouver d’ici à 2023 la trajectoire de production qu’’elles suivaient avant la pandémie, mais avec une dette plus élevée et un potentiel de croissance sous-jacent encore atone. Dans de nombreux pays, l’inflation devrait également être supérieure à son niveau pré-pandémie, tout en restant cependant conforme aux objectifs des banques centrales. Si quelques économies de marché émergentes devraient connaître une reprise complète, la plupart semble appelée à enregistrer une production inférieure aux projections antérieures à la pandémie, notamment dans les pays à revenu faible, la crise laissant des traces profondes et durables en matière de revenu.
L’inflation mesurée par les prix à la consommation devrait atteindre son point culminant d’ici à la fin de 2021, avant de s’atténuer et de retrouver des niveaux conformes aux tensions sous-jacentes alimentées par une lente augmentation des coûts du travail et une réduction des capacités inutilisées dans le monde. Dans l’ensemble de la zone OCDE, l’inflation annuelle mesurée par les prix à la consommation devrait ralentir à 3 ½ pour cent environ d’ici à la fin de 2022, contre près de 5 % fin 2021, et reculer pour s’établir à 3 % en 2023. Les taux d’emploi et d’activité devraient se redresser progressivement en 2022 et 2023, à des rythmes néanmoins variables selon les pays, le taux de chômage de la zone OCDE reculant pour atteindre un peu plus de 5 %, soit un taux inférieur au niveau pré-pandémique.
1/ Une reprise attendue mais inégale selon les pays et les secteurs
L’activité mondiale est maintenant supérieure à son niveau d’avant la pandémie, mais la reprise est incomplète. Le redressement de l’activité économique mondiale depuis la mi-2020 est plus vigoureux qu’on ne s’y attendait (graphique 1.1), la production étant maintenant proche de son niveau d’avant la pandémie ou supérieure dans la plupart des pays de l’OCDE. Cela tient au soutien rapide et massif apporté par les pouvoirs publics aux entreprises et aux ménages dès le début de la crise, y compris aux mesures complémentaires annoncées cette année, à l’efficacité des mesures de santé publique prises pour limiter la transmission du virus du COVID-19 et, surtout, au déploiement rapide de vaccins efficaces.
a) Les signes de divergence entre les pays et les secteurs se multiplient.
Ce rebond vigoureux n’a pas encore permis d’estomper totalement les effets de la pandémie sur l’économie mondiale. Au niveau mondial, il reste un déficit de croissance au regard de celle qui aurait dû avoir lieu en 2020 et au premier semestre de 2021 ; à la mi-2021, le PIB mondial était encore inférieur de 3 ½ pour cent au niveau prévu avant la pandémie (graphique suivant). En outre, jusqu’’ici, ce déficit de croissance n’a pas été réparti également : il a été proportionnellement plus important pour les économies de marché émergentes à revenu intermédiaire, considérées dans leur ensemble, que pour les économies avancées, et encore plus important pour les pays en développement à faible revenu.
Il y avait d’ailleurs eu divergence des évolutions entre la Chine, les États-Unis et la Zone Euro pendant l’année 2020. Les économies chinoises et américaines ont repris bien avant celle de l’Europe : au deuxième trimestre 2020 pour la Chine, quand l’Europe se confinait, et fin 2020 pour les États-Unis. Ainsi la Chine est le seul grand pays à avoir été en croissance en 2020, de 2,3 %, et les États-Unis n’ont perdu « que » 3,5 % de PIB. Pendant ce temps, le PIB de la zone euro plongeait de 6,8 % en 2020 et baissait encore de 0,3 % au premier trimestre.
Les États-Unis et la Chine ont dépassé le niveau économique qui était le leur avant la crise, contrairement à l’Europe : « En 2021, le PIB des USA sera plus élevé d’environ 3,5 % que son niveau de 2019, celui de la Chine d’environ 10,5 %, celui de la zone euro plus bas de 2 % ».
La reprise mondiale se poursuit mais reste déséquilibrée
Les secteurs nécessitant une présence physique et les ménages modestes ont aussi été particulièrement touchés d’où, en partie, le redressement incomplet des marchés du travail. Dans les pays de l’OCDE, le nombre d’actifs occupés a reculé d’environ 7½ millions entre le quatrième trimestre 2019 et le troisième trimestre 2021. De nombreuses économies émergentes et en développement ont également connu un recul de l’emploi pendant la pandémie et la pauvreté a augmenté. Même dans les économies où la population active occupée à la mi-2021 était proche de son niveau d’avant la pandémie, voire supérieure, le nombre total d’heures travaillées était souvent plus faible qu’’à la fin de 2019 (graphique suivant).
Dans la plupart des pays, le redressement du marché du travail n’est que partiel
Ainsi la crise de 2020 confirme des divergences observées entre les crises de 200-2009 et celle de de 2020 par exemple entre la croissance du PIB par habitant aux États-Unis et dans la zone euro (graphique suivant).
L’impact de ces chocs nationaux sur le PIB dépend aussi de la position des pays dans les chaînes de production mondiale, c’est-à-dire de leurs positionnements sectoriels et géographiques (voir page Chaînes de valeur mondiales). Le calibrage du choc de demande propre à chaque pays et à son calendrier sanitaire permet alors de déduire la valeur ajoutée par produit et par pays.
L’intégration de ces chocs dans le tableau entrées-sorties mondial indique que sur l’ensemble de l’année la valeur ajoutée (VA) mondiale avait légèrement le pas en début d’année 2021 en lien avec les restrictions imposées dans de nombreux pays. La dynamique deviendrait bien plus favorable à partir du troisième trimestre. En fin d’année 2021, le niveau de valeur ajoutée mondiale serait 2,9 % supérieur à ce qu’il était fin 2019. La dynamique de la valeur ajoutée par pays serait conforme à la hiérarchie observée pour l’évolution de la demande. L’écart de valeur ajoutée serait cependant moindre que l’écart de demande. En Allemagne, même si l’écart de demande restait très légèrement négatif, la valeur ajoutée pourrait dépasser fin 2021 le niveau de fin 2019 de 0,3 point. La valeur ajoutée dépend en effet à la fois d’une composante domestique et d’une composante liée au commerce extérieur.
D’importants risques subsistaient ainsi comme en Inde au printemps 2021 du fait du variant Delta. Une accélération des campagnes de vaccination dans le monde permettrait une levée plus rapide des restrictions et stimulerait la confiance et les dépenses. En revanche, la lenteur de la vaccination et l’arrivée de nouveaux variants du virus résistants aux vaccins actuels affaibliraient la reprise et provoqueraient des pertes d’emploi et des défaillances d’entreprises en plus grand nombre.
b) Les perturbations de l’offre et les pénuries de main-d’œuvre freinent la reprise
Selon les estimations, la croissance trimestrielle du PIB mondial est restée globalement stable au troisième trimestre 2021, les tassements observés en Chine et aux États-Unis ayant été compensés par une croissance soutenue dans la zone euro, ainsi qu’’un rebond en Inde et dans plusieurs autres économies exportatrices d’énergie. Au troisième trimestre, la production a été particulièrement faible dans un certain nombre d’économies d’Asie-Pacifique, telles que le Japon et l’Indonésie, sous l’effet du ralentissement de L’activité dû au variant Delta et aux contraintes d’offre. De récents indicateurs à haute fréquence semblent globalement indiquer que la reprise a pu s’essouffler (graphique suivant). Les indicateurs de mobilité fondés sur des données de géolocalisation ont continué de s’améliorer dans les économies de marché émergentes, mais ont commencé à reculer dans les économies avancées, particulièrement dans certains pays européens. Les mesures de la production et des nouvelles commandes établies à partir d’enquêtes auprès des entreprises sont également inférieures aux pics qu’’elles avaient atteints plus tôt dans l’année, et la confiance des consommateurs a reculé au cours des derniers mois dans de nombreux pays. La production industrielle mondiale et les dépenses de consommation correspondant aux ventes au détail sont supérieures à leur niveau de 2019, mais le rythme de leur progression a ralenti. Le secteur automobile a été particulièrement affecté par les perturbations de l’offre, et la production et les ventes ont fortement diminué ces derniers mois, freinant la reprise globale.
Le rythme de la reprise s’est ralenti
La conjonction d’un redémarrage rapide de la demande mondiale au cours de l’année 2020 et d’un redressement plus lent des capacités de production dans certains secteurs s’est traduite par des pénuries. Si les nouveaux cas de COVID-19 et les décès dus au coronavirus ont nettement reculé dans de nombreuses économies avancées, de nouvelles vagues continuent de frapper certaines parties du monde, notamment plusieurs économies européennes au cours des dernières semaines, ce qui amplifie certaines contraintes d’offre et en crée de nouvelles. De telles contraintes semblent expliquer en partie la baisse de régime mise en évidence par des indicateurs économiques récents. Les fermetures d’activités et autres restrictions sanitaires liées à la poursuite de la propagation du COVID-19 dans le monde cette année ont contribué à causer des perturbations persistantes des approvisionnements qui brident la reprise (premier graphiques suivant) et exercent de fortes tensions à la hausse sur certains prix. Les indicateurs des délais de livraison des fournisseurs établis à partir d’enquêtes se sont hissés à des niveaux très élevés dans de nombreuses économies avancées second (graphique suivant, partie A), en particulier en Europe et en Amérique du Nord, et les stocks ont nettement baissé dans de nombreux secteurs. Selon plusieurs enquêtes menées auprès des entreprises, la plupart d’entre elles n’anticipent pas une résolution des perturbations de l’approvisionnement avant le dernier semestre 2022 . Les vagues d’infections par le COVID-19 ont entraîné la fermeture de ports essentiels, tels que Shenzhen et Ningbo en Chine, créant des perturbations du transport maritime à l’échelle mondiale et ralentissant le trafic de conteneurs (second graphique suivant, partie B). La pandémie a également été l’un des facteurs à l’origine de la fermeture d’usines de puces électroniques, qui a pesé sur la production de biens intégrant ces puces, notamment en particulier les automobiles.
Les perturbations des chaînes d’approvisionnement affectent les entreprises et devraient perdurer
Les contraintes d’offre ont allongé les délais de livraison et ralenti le commerce mondial
Le secteur automobile est en effet durement touché par des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Les pénuries de semi-conducteurs et d’autres biens intermédiaires, les retards de livraison des fournisseurs et les perturbations du transport maritime ont nui à la production dans de nombreux secteurs d’activité. Les modèles d’automobiles récents contiennent généralement plus d’un millier de puces électroniques contrôlant toute une série d’opérations essentielles (telles que le refroidissement du moteur, la gestion de la batterie, la surveillance de la pression des pneus, l’éclairage intérieur ou le freinage d’urgence). En conséquence, l’industrie automobile a été particulièrement touchée par ces perturbations,ce qui s’est traduit par des baisses sensibles de production, malgré la vigueur de la demande mondiale. La construction automobile revêt un intérêt tout particulier, car elle joue un rôle majeur dans le secteur manufacturier de nombreux pays et représente une part importante du PIB. Avant la pandémie, la production de véhicules à moteur représentait 2 % du PIB dans la zone euro, 4.7 % en Allemagne, 0.75 % aux États-Unis et 3 % au Japon. Au cours des neuf premiers mois de 2021, la production de véhicules à moteur a été inférieure à son niveau sur la même période de 2019 de 26 % dans la zone euro, de 30 % en Allemagne, de 10 % aux États-Unis et de 23 % au Japon (graphique suivant, partie A). L’offre réduite de véhicules neufs et le faible niveau des stocks se sont également répercutés sur les ventes mondiales d’automobiles, qui ont reculé de 40 % au Japon comme aux États-Unis entre avril et Septembre, et de 16 % en Allemagne (graphique suivant, partie B). Les ventes mondiales d’automobiles ont diminué de plus de 20 % au cours de la même période, soit un rythme de baisse observé dans le passé uniquement lors de graves récessions, comme la première phase de la pandémie l’année dernière. La conjonction d’une demande vigoureuse et d’une réduction de l’offre a tiré les prix vers le haut. Les prix des véhicules automobiles neufs et d’occasion ont sensiblement augmenté cette année dans plusieurs pays, en particulier aux États-Unis.
Compte tenu de la part importante de la production de l’ensemble du secteur du matériel de transport qui est liée au commerce international1, les récentes perturbations des approvisionnements ont joué un rôle crucial dans le recul considérable de ce secteur observé dans le monde entier. La production du secteur du matériel de transport se caractérise par des liens internationaux forts fondés sur les chaînes de valeur mondiales, en particulier en Europe. En 2019, plus de 80 % de la production réalisée en Hongrie, en République slovaque et en Slovénie faisait appel à des biens traversant au moins deux frontières au cours du processus de production, et cette proportion était supérieure à 50 % pour la plupart des pays européens.
La production comme les ventes d’automobiles se contractent
:
Sur les marchés du travail, des signes de pénurie de main-d’œuvre sont également apparus (graphique suivant), même si le taux d’emploi total n’a pas encore retrouvé son niveau pré-pandémie. Cela peut tenir en partie à des changements de localisation des activités, à l’évolution de l’éventail des compétences requises dans le contexte de la pandémie (due notamment au déplacement soudain de la consommation des services vers les biens, observé dans de nombreuses économies et à l’importance de plus en plus grande des ventes en ligne) ou à des variations de l’efficience de l’appariement entre offres et demandes d’emploi. Cela transparaît également dans l’évolution défavorable de la relation entre les emplois vacants et le chômage – représentée par la courbe de Beveridge – dans certaines économies, telles que les États-Unis et l’Australie. En revanche, dans des économies comme l’Allemagne et la France, où ont été mis en œuvre des dispositifs de maintien dans l’emploi de portée relativement vaste et où l’appariement entre employeurs et salariés a été préservé, la courbe de Beveridge semble n’avoir guère changé.
Des pénuries de main-d’œuvre sont apparues dès le début de la reprise
c) Le retour de l’inflation
Les perturbations des approvisionnements liées au COVID-19 et d’autres encore ont contribué à tirer vers le haut les prix des matières premières au cours de l’année écoulée, alors que la demande de ces produits, quoi qu’en augmentation rapide, restait inférieure en volume à son niveau d’avant la pandémie. Les cours du pétrole ont été multipliés par plus de deux entre juin 2020 et novembre 2021, période pendant laquelle la production mondiale a été constamment inférieure à son niveau de 2019. Des évolutions similaires ont pu être observées pour le charbon, certains métaux, ainsi que divers produits de base agricoles et industriels. Les prix du gaz et de l’électricité ont également grimpé en flèche. La flambée des prix de l’énergie de ces derniers mois, qui résulte d’une conjonction complexe de facteurs est directement ressentie par les ménages, ce qui explique en partie pourquoi leurs anticipations d’inflation à court terme ont fortement augmenté dans de nombreux pays.
Le redressement des prix de l’énergie au cours des 18 derniers mois – après que les cours de certains contrats à terme sur le pétrole et le gaz naturel furent devenus négatifs au cours de la première vague pandémique – a été spectaculaire. Les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité ont crû partout dans le monde. Le prix au comptant du pétrole brut de référence Brent a doublé depuis la fin de juin 2020, tandis que les prix du charbon et du gaz naturel ont enregistré des augmentations beaucoup plus importantes encore, puisqu’ils ont été environ multipliés par 8 et par 18 respectivement à leurs points culminants de début octobre, perdant quelques points depuis (graphique suivant, partie A). Ce mouvement de hausse a eu lieu essentiellement depuis le début de l’année.
Les prix des combustibles fossiles se sont envolés, tirant vers le haut les coûts de production de l’électricité
L’inflation globale mesurée par les prix à la consommation a sensiblement augmenté dans la plupart des pays au cours de l’année écoulée . Parmi les grandes économies avancées, cela vaut tout particulièrement pour les États-Unis (+7% en décembre 2021 comparé à décembre 2020) et, dans une moindre mesure, pour le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada. Les prix des matières premières ont enregistré des hausses particulièrement fortes, de même que ceux de nombreux biens durables, notamment aux États-Unis où le déplacement de la demande des services vers les biens durables a été particulièrement marqué.
L’envolée de la demande de biens durables a été moindre dans la zone euro, par exemple, et les hausses des prix de ces biens y ont été en conséquence plus limitées. Cela dit, l’inflation atteint 5 % en décembre, son plus haut niveau en vingt-cinq ans.
Selon la BCE, il y aurait trois raisons principales à cela : la réouverture rapide de notre économie, l’augmentation des prix de l’énergie, qui pousse l’inflation à la hausse, et un facteur que les statisticiens appellent « effet de base ».
– Réouverture rapide de l’économie
Avec la levée de toujours plus de restrictions, la réouverture de notre économie s’effectue à une cadence soutenue. Les gens ont recommencé à voyager et à aller au restaurant. Ils achètent davantage et dépensent ainsi une partie des économies qu’ils avaient été contraints de faire pendant les confinements. En période de croissance de l’économie, il est plus facile pour les entreprises d’augmenter leurs prix sans perdre de clients.
Mais tout n’évolue pas au même rythme. Les entreprises peinent à répondre à la rapide augmentation de la demande, car elles rétablissent leurs chaînes d’approvisionnement, durement touchées par la pandémie. Des difficultés telle que la pénurie de conteneurs de transport ont rendu l’acheminement des marchandises plus complexe et plus onéreux. Plus ces difficultés perdureront et plus grande est la probabilité que les entreprises répercutent ces coûts sur leurs clients en appliquant des tarifs plus élevés.
La pandémie a également modifié nos modes de vie et de travail et, par conséquent, nos besoins. Les consommateurs achètent certains produits, comme les biens électroniques et le matériel d’amélioration de l’habitat, dans des quantités que n’avaient pas prévues les fabricants. Des composants essentiels tels que les semi-conducteurs sont brusquement en rupture de stock. Lorsque les entreprises ne parviennent pas à suivre le rythme auquel les consommateurs souhaiteraient effectuer des achats, les prix augmentent. Cela prendra du temps mais ce déséquilibre entre l’offre et la demande se résorbera progressivement selon la BCE, à mesure que les entreprises produiront davantage de puces électroniques et fabriqueront de nouveaux navires.
– L’augmentation des prix de l’énergie pousse l’inflation à la hausse
Les déterminants communs de la hausse des cours de différents produits énergétiques résident dans une limitation de l’offre et un regain de la demande parallèlement au redémarrage progressif des activités économiques. Les prix de l’énergie dépendent de nombreux facteurs : ainsi, un manque de vent au Royaume-Uni a eu pour conséquence un arrêt des éoliennes ; la sécheresse au Brésil a engendré une moindre production d’énergie hydroélectrique ; et l’hiver froid de l’an dernier a entamé les réserves de pétrole et de gaz. Conjugués à la demande croissante, ces facteurs ont entraîné une progression rapide des prix. Une majeure partie des coûts supportés par les entreprises et les ménages étant liés à l’énergie, les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité ont une incidence déterminante sur l’inflation globale : l’accélération récente de l’inflation est attribuable pour moitié à la hausse des prix de l’énergie. Ceux-ci subissent souvent de fortes variations, étant donné qu’ils sont tributaires de nombreux facteurs.
– Si l’inflation est forte aujourd’hui, c’est qu’elle était particulièrement faible l’an passé
Sur la dernière décennie cependant, dans la zone euro, l’inflation est restée trop basse : 1,3 % en moyenne entre 2011 et 2019, et 1,3 % aujourd’hui. Cette faiblesse de l’inflation, que l’on retrouve dans la plupart des économies avancées, relance le débat sur l’objectif de 2 %.
Pour mesurer l’inflation, nous comparons les variations des prix d’une année sur l’autre. Au plus fort de la pandémie, l’an dernier, les prix étaient exceptionnellement bas, en raison, notamment, de la réduction de la TVA en Allemagne. Les différences résultant de la comparaison de ces prix à ceux, élevés, d’aujourd’hui, peuvent sembler importantes. Ce phénomène, appelé « effet de base », s’estompera assez rapidement.
2/ La reprise devrait probablement se poursuivre tout en étant inégale mais reste entourée de risques considérables …
a) La reprise restera marquée par une divergence entre économies
Maintenant que la plupart des économies avancées se rapprochent de la vaccination complète de leur population éligible, la menace de nouvelles vagues majeures d’hospitalisations et de décès s’atténue, même si les taux de contagion demeurent élevés dans certains cas, et les pays dont les taux de vaccination sont moins élevés restent exposés au risque de nouvelles résurgences fulgurantes de la pandémie. Dans une grande partie du reste du monde, les taux de vaccination demeurent faibles mais l’approvisionnement en vaccins des économies émergentes et en développement devrait s’améliorer régulièrement en 2022 et 2023. En conséquence, à moins que de nouveaux variants du virus, plus dangereux, fassent leur apparition, l’influence exercée par le COVID-19 sur l’économie mondiale devrait donc progressivement diminuer au cours des années à venir. Cela aurait pour conséquence importante une atténuation de certaines des perturbations des approvisionnements associées à la pandémie depuis 18 mois, même si elle est non linéaire et avec un rythme variable. Un recul de la pandémie favoriserait également la normalisation de la structure de la demande entre les biens et les services. Parallèlement à l’amélioration des perturbations des approvisionnements, cette évolution faciliterait la poursuite de la reprise économique mondiale et résorberait une partie des tensions inflationnistes, sans rendre nécessairement la reprise plus équilibrée.
Les projections supposent que la production des pays avancés considérés dans leur ensemble devrait converger vers la trajectoire qui était anticipée avant la pandémie (graphique suivant), tandis que les pays à faible revenu devraient rester nettement en deçà de la trajectoire sur laquelle ils se trouvaient avant la pandémie. Toutefois les risques d’un ralentissement sensible de l’activité en Chine se sont multipliés. Un ralentissement marqué de l’activité en Chine serait préjudiciable à la croissance et aux échanges à l’échelle mondiale. Et bien d’autres évolutions restent fragiles et imprévisibles.
Prévisions de croissance de l’OCDE dans les différentes régions du monde
Un autre facteur essentiel à l’origine du fort rebond initial de l’activité et qui entretient encore la dynamique de la reprise réside dans l’orientation accommodante des politiques budgétaires et monétaires ainsi que des conditions financières porteuses. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les pouvoirs publics ont commencé à lever progressivement les mesures de soutien à l’économie tandis que l’activité se normalise dans le secteur privé, que les tensions inflationnistes à moyen terme s’accentuent et que les écarts de production se résorbent. Les projections reposent sur l’hypothèse que les pouvoirs publics réussissent à concilier la nécessité de ne pas maintenir trop longtemps les dispositifs de relance en place et celle de ne pas les retirer trop rapidement. Une question essentielle sera de savoir dans quelle mesure les ménages et les entreprises soutiendront la demande en compensant la suppression des mesures de relance par une hausse des dépenses et une baisse de l’épargne (graphique suivant, partie A). Les ménages et les entreprises pourraient aussi en compenser les effets en puisant dans l’épargne supplémentaire accumulée pendant la pandémie (graphique 1.18, partie B), mais on ne peut savoir dans quelle mesure ils le feront. On pourrait aussi observer une période prolongée de formation de stocks avec la fin des problèmes de perturbation des approvisionnements, ce qui renforcerait la demande intérieure.
Les taux d’épargne des ménages devraient revenir à la normale mais l’« excès d’épargne » accumulé ne devrait pas diminuer
Sur la base de ces hypothèses, la reprise mondiale devrait se poursuivre – tout en restant inégale et en ralentissant – au cours des deux prochaines années. Après un rebond projeté à 5.6 ½ % pour cent en 2021, consécutif au recul de 3.4 % enregistré en 2020, le PIB mondial devrait augmenter de 4 ½ pour cent en 2022 et de 3 ¼ en 2023 (voir ci-dessus). La croissance du PIB de la zone OCDE devrait suivre une trajectoire similaire, le ralentissement de la reprise se traduisant par une croissance passant de 5.3 % en 2021 à 4 % en 2022 puis à 2 ½ pour cent en 2023, après le recul du PIB de près de 5 % observé en 2020.
Après avoir vivement rebondi au premier semestre 2021, le volume des échanges mondiaux de biens et de services devrait atteindre son niveau d’avant la pandémie fin 20213. Globalement, le volume des échanges mondiaux devrait être supérieur de 9.3 % en 2021 à son niveau de 2020. Ce rythme de progression devrait diminuer en 2022 et 2023, où le volume des échanges devrait augmenter respectivement de 5 et 4 ½ pour cent, compte tenu de la modération de l’activité mondiale. Cela implique que les échanges commerciaux retrouveront la trajectoire qui avait été projetée avant la pandémie fin 2022 (graphique suivant, partie A).
Divers obstacles du côté de l’offre – des phénomènes météorologiques extrêmes, des pénuries d’intrants tels que les semi-conducteurs et des retards de livraison – limitent la production dans certains secteurs et entravent la croissance des échanges de marchandises à court terme. La croissance des importations en Chine a également ralenti. Néanmoins, de nombreuses perturbations devraient disparaître peu à peu d’ici la fin de l’année prochaine, à mesure que de nouvelles capacités commenceront à être déployées, les commandes en attente seront absorbées et la demande se rééquilibrera vers les biens non durables et les services. Bien que de nombreux pays rouvrent progressivement leurs frontières et allègent les restrictions de déplacement, une forte incertitude et une confiance dégradée pourraient continuer à peser sur le tourisme et les voyages d’affaires pendant un certain temps, ralentissant le redressement des échanges de services. Les économies de marché émergentes et en développement, où les taux de vaccination restent bas, pourraient pâtir de la faiblesse de leurs recettes touristiques au moins jusqu’en 2023. En revanche, les échanges de services sont déjà en train de rebondir dans certaines économies avancées.
Le commerce mondial rebondit rapidement, soutenu par la croissance vigoureuse des échanges asiatiques
b) L’inflation pourrait continuer à surprendre par sa vigueur
La BCE s’attend à ce que l’inflation ralentisse en 2022 tout en proposant deux scénarios. L’offre rattrapera progressivement la demande. Les marchés anticipent une baisse des prix de l’énergie l’année prochaine, et les « effets de base » (voir ci-dessous) ne seront plus pris en compte dans le calcul de l’inflation.
Toutefois, la pandémie n’ayant pas de précédent à l’ère moderne, cette reprise pourrait aussi prendre une autre forme. Remédier aux perturbations massives affectant les chaînes d’approvisionnement pourrait prendre davantage de temps. Et la hausse des prix de l’énergie pourrait se poursuivre, également en raison de la transition écologique.
L’inflation globale des prix à la consommation devrait atteindre un pic dans la majorité des économies avancées et dans les économies de marché émergentes d’ici le premier trimestre 2022, avant de diminuer modérément (graphique suivant). D’importantes augmentations de prix dans les matières premières, notamment le sursaut récent des coûts de l’énergie, les ruptures d’approvisionnement et les coûts plus élevés du transport sont autant de facteurs ayant poussé les prix vers le haut partout dans le monde. On estime que dans les grandes économies, le renchérissement du transport maritime et des matières premières ajoutera plus de 1 ½ point de pourcentage à la hausse des prix à la consommation au deuxième semestre de 2021, soit trois quarts environ du rebond de l’inflation depuis le quatrième trimestre de 2020. L’impact de ces augmentations de prix des intrants sur la hausse des prix à la consommation devrait s’estomper graduellement en 2022-23, les principales perturbations se dénouant au fur et à mesure du développement de capacités et de l’essoufflement dans le rebond de la demande des consommateurs. Les tensions plus globales sur les coûts, notamment sur les marchés du travail, devraient rester modérées, mais gagner lentement en intensité au fur et à mesure de la reprise, les coûts unitaires de main-d’œuvre dans les économies de l’OCDE augmentant d’environ 1 ¼ pour cent en 2022 et 1 ¾ pour cent en 2023.
L’inflation devrait atteindre un pic d’ici le début 2022 dans la plupart des pays, mais rester supérieure aux niveaux pré-pandémie
Pour 2022 dans son ensemble, l’inflation des prix à la consommation dans l’OCDE devrait, selon les projections, progresser pour atteindre 4 ¼ pour cent, et 3 ½ pour cent dans les grandes économies avancées. À mesure que les effets de l’augmentation antérieure des prix des intrants et les contraintes d’offre se dissiperont, l’inflation devrait ralentir pour s’établir à environ 2 % dans l’économie avancée type d’ici 2023. L’inflation devrait rester au-delà de 2 % aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada, déclenchant un resserrement graduel de la politique monétaire. Dans la zone euro, l’inflation devrait se stabiliser entre 1 ¾ -2 % d’ici 2023. Mais les risques entourant les projections du scénario de référence sont grands. Le principal risque est que l’inflation continue de réserver des surprises à la hausse, contraignant de ce fait les grandes banques centrales à resserrer plus tôt et plus fortement que prévu leur politique monétaire. Un tel résultat trouverait son origine dans un certain nombre de facteurs :
– la persistance des ruptures d’approvisionnement,
– une réorientation haussière des anticipations d’inflation, des tensions sur les marchés du travail
– ou l’amorce d’une augmentation substantielle des prix d’un large éventail et de biens et de services.
Il n’est d’ailleurs plus approprié d’utiliser le terme « transitoire » pour qualifier le niveau élevé d’inflation enregistré aux États-Unis, affirmait J. Powell, le président de la Réserve fédérale américaine (FED), début décembre 2021. « Le moment est probablement venu de ne plus utiliser ce mot ». Les risques d’une inflation plus persistante se sont accrus. Il employait jusqu’ici le terme transitoire pour signifier que la hausse actuelle des prix constatés par les consommateurs ne devrait pas durer longtemps. Sa déclaration montre que les responsables de la FED ont commencé à nuancer leur discours, prenant acte d’une hausse des prix plus tenace qu’anticipé dans certains secteurs. La hausse des prix aux États-Unis est au plus haut depuis 31 ans, et elle s’est accélérée en octobre à 5 % sur un an, plus élevée qu’en Europe (voir graphique ci dessus). L’émergence du variant Omicron risquerait à la fois d’accentuer les pressions inflationnistes et de peser sur l’emploi, compliquant encore la tâche de la Fed. Pour le moment, c’est un risque ; ça n’a pas vraiment été pris en compte dans les prévisions. Mais la FED aura de plus amples données sur le nouveau variant lors de sa prochaine réunion, les 14 et 15 décembre.
Des simulations illustreraient les conséquences d’une nouvelle hausse de 30 % des cours mondiaux du pétrole, du gaz et du charbon, à partir du premier trimestre de 2022. L’hypothèse retenue est que le choc persiste pendant trois ans, avant de s’estomper graduellement. Durant les deux premières années, la hausse des prix à la consommation accélère d’environ 0.9 point par an en moyenne dans les économies de l’OCDE, et de 1 ¼ point par an ailleurs (graphique suivant). La croissance du PIB fléchit dans les économies de l’OCDE d’un peu plus de 0.3 point de pourcentage par an durant les deux premières années, le recul net étant moindre dans les économies non membres de l’OCDE, du fait d’une croissance plus forte dans les économies productrices d’énergie contrebalançant un fléchissement plus marqué dans les grandes économies importatrices. Les émissions mondiales de carbone diminuent dans un premier temps en raison d’une utilisation réduite des énergies très carbonées, mais cet effet s’estompe en l’absence de changements de prix dans la durée. La politique monétaire réagit à la remontée de l’inflation en relevant ses taux directeurs d’environ 1 point de pourcentage en moyenne durant les deux premières années dans les grandes économies avancées, avant de revenir vers les taux de référence à mesure que les tensions inflationnistes se relâchent.
Une nouvelle hausse à court terme des prix de l’énergie porterait un coup à la croissance et ajouterait de l’inflation
Le 15 septembre 2008, Lehman Brothers, grande banque new-yorkaise, faisait faillite, déclenchant une crise mondiale. Par la suite, les faillites à Wall Street se sont alors multipliées, dans une sorte d’effet domino. Quelques jours plus tard, les gouvernements du monde entier étaient contraints de garantir les dépôts bancaires, de façon à éviter une panique comme dans les années 1930. L’Europe a mis des années à se remettre de la crise économique qui a suivi. Aujourd’hui, sommes-nous vraiment à l’abri d’une nouvelle crise financière ?
Un fait marquant de la crise de 2020, c’est l’extraordinaire accumulation de dette dans le monde, qui supposerait une croissance forte dans les années qui viennent pour être remboursées, alors que la planète vieillit et que le changement climatique peut obliger à réviser la façon de produire, de consommer. Il y a là, une contradiction. Ces dettes, ce sont celles des états et à l’intérieur de ceux-ci des administrations publiques des sociétés non financières et dans une moindre mesure des ménages.
À cause de la crise sanitaire, les états ont dépensé 15 à 20 000 milliards d’euros, soit 8 fois le PIB annuel de la France. Ces dettes sont aussi dans l‘immobilier chinois, qui commence à montrer des signes de fragilité. Des épargnants ruinés ont manifesté à Shenzhen, dans le sud de la Chine, à cause de la faillite d’un gigantesque promoteur surendetté.
En fait, les dettes sont partout.
Les mesures rapides et de grande ampleur prises par les banques centrales, conjuguées aux programmes publics de soutien aux entreprises, continuent de soutenir la situation sur les marchés de capitaux. Il n’en reste pas moins que des risques notables persistent sur certains segments de marché, notamment des valorisations excessives sur les marchés d’actions, qui inquiètent, et une forte hausse des prix du logement dans certaines économies. La qualité de crédit sous-jacente s’est elle aussi détériorée, avec des investisseurs qui, en quête de rendement, se tournent vers des segments de marché plus risqués et accroissent leur exposition à des entreprises et des économies de marché émergentes moins bien notées. Le retour des taux d’intérêt à long terme sur les obligations d’État américaines à 1½ pour cent environ fin février 2021, soit à leur niveau juste avant la pandémie, a déclenché des corrections de prix en chaîne sur les marchés financiers. Les rendements obligataires commencent désormais à augmenter dans d’autres pays et sur d’autres segments de marché, mais demeurent toutefois généralement très bas (graphique suivant, partie A).
Il existe un risque particulier pour les économies de marché émergentes, celui de voir la hausse des rendements obligataires aux États-Unis déclencher une inversion des flux de capitaux et une recrudescence de la volatilité monétaire, comme cela s’était produit pendant l’épisode du « taper tantrum » de 2013. Une incidence de la relance budgétaire aux États-Unis plus forte que prévu sur l’inflation, ou une divergence plus marquée entre la reprise aux États-Unis et dans d’autres économies avancées, pourraient accroître ce risque. La dépendance de la plupart des économies de marché émergentes vis-à-vis des financements extérieurs est aujourd’hui moindre qu’en 2013, l’augmentation de l’épargne du secteur privé compensant le niveau élevé des emprunts souverains, ce qui devrait permettre d’atténuer l’impact d’une inversion des flux de capitaux. Cela étant, la hausse des cours des produits de base pèsera sur les soldes extérieurs des importateurs nets de produits de base, et de nombreuses économies continueront d’être pénalisées par la faiblesse persistante du secteur du tourisme et des voyages internationaux.
Le niveau élevé de la dette, en particulier de la dette des entreprises, est un vaste sujet de préoccupation pour toutes les économies, le poids du service de la dette du secteur privé s’établissant au même niveau que pendant la crise financière mondiale de 2009, voire au-dessus, en dépit de taux d’intérêt nominaux historiquement bas (graphique suivant, partie B). Bien que certaines entreprises ont pu recourir à l’emprunt pour constituer d’importantes réserves de liquidités depuis le début de la pandémie, le niveau élevé d’endettement pourrait brider de nouveaux investissements. Plus généralement, une reprise lente, comme dans le scénario défavorable décrit précédemment, ou l’arrêt trop prématuré des dispositifs publics de soutien, pourraient déclencher un surcroît d’incidents de paiement ou de défauts de remboursement de prêts, qui mettrait en difficulté les créanciers détenant des prêts non performants et accroîtrait le risque de voir se multiplier les faillites. L’engorgement des tribunaux de commerce pourrait alors conduire à la liquidation d’entreprises qui, en d’autres circonstances, auraient été viables, une fois restructurées. Les jeunes entreprises, les petites et moyennes entreprises (PME) et celles qui exercent leur activité dans les secteurs les plus durement touchés par les mesures d’endiguement, en particulier les loisirs et l’hébergement, sont les plus exposées au risque de faillite.
Les rendements obligataires ont amorcé une hausse et le service de la dette du secteur privé pèse lourd dans certains pays
1/ Des niveaux anormalement bas, voire négatifs, des taux d’intérêt
Jamais das l’histoire du capitalisme, on a enregistré des taux d’intérêt aussi bas, voire négatifs. Ce phénomène est donc inédit. Il amène à réfléchir sur ses effets sur l’économie et ses conséquences à moyen terme en cas de remontée des taux. La tendance à la baisse des taux d’intérêt nominaux mondiaux s’inscrit dans un mouvement de près de 40 ans.
a) Jusqu’à quand les taux d’intérêt vont-ils baisser ?
Les taux bas, et plus encore, les taux bas « pour longtemps » intriguent et inquiètent parfois : combien de temps cette situation va-t-elle durer, quels sont les risques pour l’économie ? Les taux bas ne sont pas seulement le résultat de la politique monétaire récente. Ils sont, plus structurellement, la conséquence de l’évolution démographique et du contexte économique global de nos sociétés.
Taux d’intérêt nominaux (1960-2018)Source: FRED, Banque de France, Levy-Garboua et Monnet (2016), « Les taux d’intérêt en France : une perspective historique »
La décennie de l’après-crise financière marque toutefois une rupture. Les taux nominaux ont continué de baisser et sont même devenus négatifs à court terme en zone euro depuis 2014, une innovation radicale partagée avec la Suède, la Suisse, ou le Japon depuis 2016. L’inflation s’est parallèlement stabilisée à un bas niveau, entrainant dans son sillage les taux d’intérêt réels. L’aperçu historique de l’évolution mondiale de ces taux d’intérêt réels montre que leur niveau actuel est au plus bas historiquement, alors que sur très longue période, les taux réels mondiaux de long terme se situent plutôt entre 2 et 4 %.
Taux d’intérêt réels mondiaux (1960-2018)
Source: Banque de France estimates, based on Del Negro, M., D. Giannone, M. Giannoni and A. Tambalotti (2019) ‘Global trends in interest rates’, Journal of International Economics, Vol. 118, 248-262.)
Seuls des changements structurels peuvent expliquer de telles variations. Les conséquences du ralentissement de la population active et la productivité globale des facteurs ont entrainé un ralentissement du taux de croissance tendancielle du PIB qui expliquerait environ un quart de cette baisse. Les trois autres quarts proviendraient d’une offre accrue d’épargne et d’une moindre demande d’investissement. L’excès d’épargne mondiale est alimenté par l’allongement de la durée de la vie, la hausse des inégalités – les plus âgés et les plus riches épargnent davantage – et l’accumulation des réserves de change dans les pays émergents.
Épargne nationale en % du PIB
À l’inverse, la moindre demande d’investissement s’expliquerait notamment par l’essor de l’économie immatérielle qui requiert plus de capital humain que d’investissements physiques, et sans doute une moindre confiance dans l’avenir. La zone euro particulièrement connait, depuis la crise financière de 2009, à la fois une hausse du taux d’épargne, et une faiblesse prononcée du taux d’investissement.
Zone Euro : Épargne et investissement de l’économie nationale en % du PIB
La baisse des taux d’intérêt depuis 2007-2009 a bénéficié aux administrations publiques notamment françaises et, dans une moindre mesure, aux entreprises non financières – deux secteurs débiteurs nets. Elle a en revanche coûté aux entreprises financières et aux ménages dans leur ensemble, qui sont créanciers nets. Parmi ces derniers, les écarts de richesse se sont creusés : les riches empruntent plus que les pauvres. même si la capacité d’accès à la propriété immobilière pour les primo-accédants a retrouvé à la fin de 2015 son niveau de la fin des années 1990.
Entre 2016 et 2019, l’État français emprunte à taux négatif sur les marchés jusqu’à cinq ans inclus et à taux très faibles à horizons plus longs. De grandes entreprises françaises parviennent elles aussi à emprunter à taux négatifs sur les marchés, tandis que les ménages empruntent (ou renégocient leurs emprunts passés) à des taux inférieurs à 2 %. Une telle situation est-elle durable ? Est-elle pathologique, ou bien offre-t-elle une opportunité pour l’économie française et pour les autres pays?
b) Politiques des banques centrales en 2020 : soutien au crédit bancaire et à la liquidité sur le marché monétaire
Dans ces conditions, il devient très intéressant de s’endetter ce qui entraîne des leviers trop élevés [10]. Avec entre autres, des rachats d’actions par les sociétés elles-mêmes, notamment aux États-Unis. Les passifs deviennent ainsi eux-mêmes vulnérables. Ils sont vulnérables à une baisse de l’autofinancement des investissements, lié à un ralentissement de la croissance, aussi bien qu’une remontée des taux d’intérêt. Cela conduit ainsi à un risque accru d’insolvabilité.
Cet endettement effréné provoque une croissance du nombre d’entreprises « zombies, » c’est-à-dire d’entreprises qui subsistent, mais qui ne sont pas rentables structurellement et qui feraient faillite avec des taux d’intérêt normaux. Ce phénomène contribue naturellement à une moindre efficacité de l’économie et à de moindres gains de productivité.
Le maintien de taux d’intérêt trop bas trop longtemps, alors que de tels taux ne sont plus nécessaires pour lutter contre une croissance insuffisante de l’économie et des crédits, installe donc une situation très risquée à long terme. Une asymétrie de la réaction de la politique monétaire peut ainsi conduire à une montée de l’instabilité financière et à une perte lente d’efficacité de l’économie avec une baisse des gains de productivité et, in fine, à une succession de crises financières. Telle était la situation pré-Covid.
Fin mars 2020, la crise financière entraînée par le Covid était plus forte que celle de 2008-2009, avec une volatilité des actions deux fois plus grande, une liquidité, notamment des fonds de placement, qui était très problématique. Heureusement, les banques centrales ont répondu extrêmement rapidement : elles ont abaissé leurs taux lorsque c’était encore possible, aux États-Unis notamment, mais pas du côté européen parce qu’ils n’avaient pas remonté malgré la croissance revenue les années précédentes. Elles se sont mises également à acheter des dettes publiques et privées.
Les banques centrales ont ainsi permis de soulager en quelques semaines une situation financière catastrophique et ont soutenu les efforts des États en faveur de l’économie, grâce à un soutien au crédit bancaire et à la liquidité sur le marché monétaire en assurant de façon délibérée et massive la liquidité des marchés et la solvabilité des États et, conjointement celle des entreprises, par le contrôle des taux d’intérêt. Mais la question qui s’est posée très vite est la suivante : Comment peut s’envisager la sortie d’une telle politique monétaire, lorsque la croissance sera revenue à un niveau satisfaisant, alors que l’endettement des États et des entreprises a cru encore bien davantage (voir ci dessous) ? D’autant que l’inflation est revenue.
La sortie doit être très progressive. La levée des mesures de soutien liées à la pandémie (relèvement trop alors trop rapide les taux d’intérêt, baisse des dépenses publiques) devrait s’opérer graduellement afin de réduire autant que possible les effets de contraction sur l’activité et de préserver une marge de manœuvre pour maintenir des niveaux d’investissement public et privés élevés. Des cadres budgétaires crédibles donnant des indications claires sur la trajectoire à suivre à moyen terme pour assurer la soutenabilité des finances publiques et sur les changements de politique qui devraient jalonner cette trajectoire aideraient à préserver la confiance des marchés et à conserver l’appui de l’opinion publique. Assurer une adhésion plus forte, et concilier viabilité budgétaire et action contra cyclique suffisante, sont deux objectifs qui devraient sous-tendre les efforts de réforme de la gouvernance budgétaire.
À côté des politiques monétaires de banques centrales – qui devaient déjà réfléchir en 2020 à la sortie ultérieure de leurs politiques ultra accompagnantes-, il semblait nécessaire de conduire des politiques budgétaires soutenables à moyen terme. Non à bref délai, en revanche, car il ne fallait surtout pas provoquer d’austérité durant les années suivantes. Il aurait fallu également mener des réformes structurelles qui sont nécessaires pour augmenter le potentiel de croissance de chaque économie. Il s’agit là in fine de la meilleure façon de sortir du surendettement.
Cela inclut également des politiques favorisant le capital des entreprises. Il faudrait, pour réduire l’excès d’endettement -sans réduire la croissance-, de beaucoup plus d’investissements en fonds propres et en quasi fonds propres (prêts participatifs, obligations convertibles…). Il faudrait donc des mesures incitatives pour orienter l’épargne des ménages vers du capital plus à risque. Les Banques Centrales ne peuvent en effet pas tout faire toutes seules et leur en demander trop peut s’avérer très dangereux, y compris pour leur efficacité.
2/ Des dettes sans fin dans le secteur des entreprises, des administrations publiques et dans les économies de marché émergentes
Ces conditions financières sont restées globalement très favorables à l’échelle mondiale et ont eu tendance à évoluer de manière similaire dans les grandes économies avancées ces derniers mois. En revanche, les évolutions observées dans les économies de marché émergentes ont été plus contrastées. Le signal envoyé par la Réserve fédérale des États-Unis en septembre indiquant qu’elle pourrait commencer de manière imminente à réduire progressivement ses achats d’actifs, a provoqué un réajustement des cours de certains actifs, comme la hausse des rendements des obligations nominales américaines au quatrième trimestre 2021. Cela étant, fin novembre 2021, les rendements des obligations d’État à 10 ans n’avaient guère varié par rapport à mai, aux États-Unis, dans la zone euro, au Japon et au Royaume-Uni, les investisseurs ayant apparemment considéré que la hausse de l’inflation était surtout temporaire. En revanche, ils étaient supérieurs de 1 point ou plus à leur niveau de mai 2021 dans certaines grandes économies de marché émergentes, comme le Brésil, la Turquie et la Russie (graphique suivant). Dans la zone euro, les écarts de rendement par rapport à l’Allemagne sont restés globalement stables. Dans la plupart des économies avancées et les économies de marché émergentes, les cours des actions sont généralement restés plus élevés qu’en début d’année 2021. La plupart des monnaies des grandes économies avancées se sont dépréciées vis-à-vis du dollar depuis mai tandis que le tableau est en demi-teinte pour les principales économies de marché émergentes.
Les conditions qui prévalent sur les marchés de capitaux restent globalement favorables
a) l’endettement des ménages et surtout des entreprises en forte hausse
Mais cette faiblesse des taux d’intérêt a quelque chose de troublant. Des corrections de prix sur les marchés financiers pourraient révéler des facteurs de vulnérabilité dans le secteur des entreprises et les économies de marché émergentes. Signe de l’ample soutien des politiques macroéconomiques et d’un solide appétit des investisseurs pour le risque, les émissions obligataires des emprunteurs souverains, des sociétés non financières et des institutions financières ont été très vigoureuses en 2021, et les investissements dans les opérations de fusion et d’acquisition ont fortement accéléré. Les écarts de rendement sur les obligations d’entreprises de catégorie spéculative demeurent modestes, les niveaux de dette des entreprises ont continué d’augmenter (graphique suivant, partie A) et la valorisation des actifs semble excessive sur certains marchés, notamment celui du logement. Ces évolutions sont autant de facteurs de vulnérabilité en cas de réévaluation brutale du prix du risque sur les marchés financiers. Les difficultés que traverse actuellement le premier promoteur immobilier chinois pourrait également déclencher un revirement de l’appétit pour le risque et modérer la croissance mondiale.
Contrairement à ce qui s’est passé pendant la grande crise financière, il semble que les facteurs de vulnérabilité soient plus concentrés dans le secteur des entreprises. Exception faite de la Chine, la dette des ménages a été relativement stable au cours de la dernière décennie (graphique suivant, partie B) et les bilans des ménages sont aujourd’hui plus solides qu’ils ne l’étaient en 2007. Plus généralement, les leçons de la grande crise financière ont incité à limiter la prise de risque dans le secteur des ménages. En revanche, la dette mondiale des entreprises a augmenté rapidement depuis la grande crise financière, alors même que la qualité de crédit se dégradait globalement.
Les niveaux de dette ont grimpé, notamment pour les entreprises
On peut situer ces évolutions sur le long terme. La Banque de France mesure l’endettement pour chacun des secteurs institutionnels. Il comprend les crédits obtenus des intermédiaires financiers résidents et non-résidents (donc à l’exception des crédits intra-groupes et inter-entreprises ainsi que des crédits commerciaux) et les encours de titres émis en valeur nominale. Pour les autres pays, dont les données sont moins détaillées, l’endettement des SNF sous forme de crédits est calculé en retirant du total des crédits reçus le montant des financements apportés sous forme d’opérations de prêts, essentiellement à des entreprises affiliées résidentes et non-résidentes (voir page Financiarisation).
Au second trimestre 2021, le taux d’endettement du secteur privé non financier (ménages + sociétés non financières) de la zone euro s’établit à 125,9 % du PIB soit une baisse de 3,5 points par rapport au trimestre précédent (tableau suivant). Ce recul est dû à la nette croissance du PIB nominal au dénominateur du ratio, l’endettement au numérateur augmentant légèrement ; cet effet s’observe pour tous les pays et secteurs).
Mais en comparaison au T4 2019, le taux progresse de 10,2 points en zone euro. La hausse sur cette période diffère selon les pays (France +15,2 points au T2 2021, Espagne +12,9 points, Allemagne et Italie respectivement +9,3 et +9,2 points) mais elle ne tient pas compte des placements de trésorerie détenus à l’actif.
En dehors de la zone euro, le taux d’endettement du secteur privé non financier progresse depuis T4 2019 également dans les autres grandes économies (+17,5 points au Japon, +6,5 au Royaume-Uni et + 9,9 aux États-Unis).
Taux d’endettement des ménages (en % du PIB et en % du RDB)
Taux d’endettement des sociétés non financières (en % du PIB)
Sources : Comptes nationaux trimestriels et Eurostat
L’investissement des entreprises repart à la hausse, même si la dette continue de grimper. Depuis le début de la pandémie, le surendettement est une source majeure de préoccupation, étant donné qu’un niveau élevé d’endettement des entreprises tend généralement à réduire l’investissement après une crise économique, ce qui a des conséquences négatives pour la reprise. Or, à cette accumulation rapide de dette correspond également une forte croissance des placements à court terme liquides (dépôts à vue ou équivalent) détenus par les entreprises. Ceci explique pourquoi la progression de l’endettement n’a pas empêché une forte croissance de l’investissement. Les volumes d’investissement fixe des entreprises ont dépassé les niveaux d’avant la récession aux États-Unis au deuxième trimestre de 2021, soit une reprise nettement plus rapide qu’après d’autres récessions, un redressement régulier étant par ailleurs observé dans la majorité des grandes économies avancées et dans certaines économies de marché émergentes.
Certains facteurs de risque anciens perdurent cependant, dont certains ont été exacerbés par la pandémie. La dette générée par la lutte contre le COVID-19 pourrait menacer la reprise de diverses manières. Une fraction importante du stock de dette des sociétés non financières est encore classée dans la catégorie « spéculative », ou sinon notée BBB, la note la plus basse de la catégorie investissement. Un ralentissement inattendu de la croissance, ou un fort accroissement continu de leurs coûts d’intrants, pourraient mettre en péril la capacité de remboursement des entreprises ou leur capacité de refinancement de la dette. Sur un échantillon composé essentiellement de grandes entreprises publiques et privées suivies par S&P Capital IQ, 5 % d’entre elles déclarent présenter actuellement un ratio de couverture des intérêts (RCI) inférieur à un, tandis que 7 % font état d’un ratio de couverture compris entre un et deux. Une forte progression des coûts de financement, ou une nette diminution de leur résultat d’exploitation, pourraient donc mettre en danger un nombre non négligeable d’entreprises.
b) La faiblesse des finances publiques accroît les facteurs de vulnérabilité dans de nombreuses économies de marché émergentes voire de pays comme la France
Dans les pays industrialisés, le rebond du PIB nominal a permis au taux d’endettement des administrations publiques de la zone euro de diminuer de 1,7 point pour atteindre 98,3 % du PIB à la fin du second trimestre 2021 par rapport au trimestre précédent (tableau et graphiques suivants). Pour autant la dette au numérateur de ce taux a continué d’augmenter (voir ci-dessous). Le ratio de dette publique baisse plus nettement en France et en Italie (respectivement – 3,2 points et – 3,3 points) qu’en Allemagne (- 0,2 point de PIB). Il diminue aussi en Espagne (- 2,5 points au T2 2021).
En dehors de la zone euro, le ratio de dette publique diminue davantage aux États-Unis et au Japon (respectivement – 3,1 points et – 1,4 point au T2 2021) qu’au Royaume-Uni (- 0,7 point).
Cette inflexion du taux d’endettement est toutefois à mettre en perspective : depuis le T4 2019, les taux d’endettement ont fortement augmenté dans tous les pays, avec une ampleur plus marquée en Espagne et en Italie (respectivement +27,3 et +22,0 points) qu’en Allemagne (+10,8 points), la France se situant dans une position intermédiaire (+17,4 points).
En France, on mesure cette explosion de la dette des sociétés non financières et des Administrations Publiques à partir des comptes de patrimoine de l’Insee (tableau suivant) : +4,4% pour l’endettement des ménages en 2020 mais +12,3% pour les sociétés non-financières et +11,4% pour les APU. L’Endettement des agents non financiers est défini comme la somme des titres de créance (PF3) et des crédits (PF4) au passif des comptes de patrimoine moins les titres de créance (AF3) et les Crédits (AF4) à l’actif des comptes de patrimoine.
Endettement des agents non financiers en milliards d’euros et en %
La pandémie a aussi entraîné une nouvelle hausse de la dette des économies de marché émergentes. La dette publique y a considérablement augmenté en raison de l’effondrement des recettes fiscales et du niveau élevé des dépenses consenties pour lutter contre la pandémie. Les emprunteurs souverains des économies de marché émergentes ont émis pour 1 800 milliards USD de dette au premier semestre de 2021, soit 40 % de plus que le montant moyen émis au premier semestre de chaque année entre 2017 et 2018. L’Asie émergente représentait la moitié de ce total, la Chine étant responsable d’environ la moitié des émissions dans la région. La part des obligations à court terme dans les émissions de dette spéculative a également progressé, réduisant la maturité moyenne de la dette, tandis que les émissions de dette libellée en devises reculaient, signe, peut-être, de difficultés accrues pour accéder aux marchés de la dette extérieure.
Compte tenu du redressement de l’activité et de la réduction des déficits, les ratios d’endettement public devraient se stabiliser à partir de 2021, voire commencer à diminuer dans certains pays (graphique suivant). Mais faut-il souligner encore de fortes différences des ratios d’endettement public selon les pays. Cela dit, en 2023, ces ratios devraient nettement dépasser (de 14 points de pourcentage dans l’économie médiane de l’OCDE) les niveaux observés en 2019 et devront être ajustés à moyen terme compte tenu des tensions qui s’exerceront sur les finances publiques du fait de tendances à long terme telles que le vieillissement démographique . Dans le même temps, la charge du service de la dette demeure faible en raison du très bas niveau des taux d’intérêt. Cela offre la possibilité, tant que les taux d’intérêt restent bas, de renforcer au besoin le soutien budgétaire, y compris les mesures visant à accélérer la transition écologique.
Modifier la composition des finances publiques peut sensiblement contribuer au renforcement de la croissance à moyen et à long terme, qui devrait être le fondement de la viabilité de la dette publique dans la mesure où il permet de réduire progressivement le ratio dette/PIB. Un grand nombre de pays devraient réaffecter des ressources budgétaires en faveur de l’investissement public durant la période 2021-23, dans une proportion relativement modeste toutefois. En revanche, les modifications semblent plus limitées sur le plan des recettes, ce qui donne à penser qu’il subsiste peut-être des possibilités inexploitées de réformes fiscales visant à promouvoir l’équité, la croissance et la durabilité environnementale. Bien qu’elles varient selon les pays, les priorités comprennent souvent l’allégement des prélèvements sur les bas salaires, l’augmentation ou l’élargissement du champ d’application des taxes environnementales et des impôts sur le patrimoine, ainsi que l’élargissement des bases d’imposition.
Engagements financiers bruts des administrations publiques
Michel Braibant
[1] https://www.challenges.fr/economie/pour-la-france-resistera-mieux-a-la-crise-qu-en-2008_702082
[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6439303
[3] https://www.pierrepapier.fr/actualite/coronavirus-une-crise-economique-pas-du-tout-comme-les-autres/
[4] https://www.oecd.org/perspectives-economiques/
[5] https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2021/OFCEpbrief89.pdf
[8] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6447881
[9] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4994488#graphique-figure1