LE TES SYMÉTRIQUE

 

Par rapport au TES standard, le TES symétrique apporte un certain nombre de modifications importantes ; les deux principales sont les suivantes : (1) les emplois, intermédiaires ou finals, sont valorisés au prix de base et non au prix d’acquisition, de façon à ce que tout l’équilibre-ressources-emplois (ERE) d’un produit soit au même mode de valorisation. Le montant des emplois qui ressort du TES symétrique est donc très différent de celui du TES standard ; (sauf pour les services non marchands) ; (2) une distinction est effectuée pour chaque emploi (intermédiaire ou final) entre la partie du produit concerné qui provient d’une production domestique (TES domestique) et son complément qui a été importé (TES en importation).

Le tableau des emplois de produits importés est établi en exploitant toutes les informations disponibles sur les emplois des importations. C’est ainsi, par exemple, qu’il est possible que l’on connaisse les principales entreprises qui importent certains produits ou le volume des importations de certains producteurs. Toutefois, en règle générale, les informations statistiques directes concernant les emplois des importations sont rares. Ces informations doivent donc être normalement complétées par des hypothèses relatives à l’affectation des groupes de produits aux emplois.

Le tableau des emplois des biens et des services issus de la production intérieure peut alors être obtenu en déduisant du tableau des emplois pour toute l’économie le tableau des emplois des produits importés.

En théorie, il existe quatre modèles de base pour la transformation d’un tableau des ressources et des emplois en un tableau symétrique des entrées-sorties. Ces modèles reposent sur des hypothèses de technologie ou de structure de vente fixe. L’hypothèse la plus souvent utilisée est celle de la technologie des produits : chaque produit est fabriqué d’une manière spécifique, quelle que soit l’industrie dans laquelle il est fabriqué.

 

Compared to the standard Supply and Use Table (SUT), the symmetric Input Output table (SIOT) makes a number of important changes; the two main ones are (1) uses, whether intermediate or final, are valued at the basic price and not at the purchasings’ price, so that the entire commodity flows of a product is in the same valuation mode. The amount of uses that emerges from the symmetric IOT is therefore very different from that of the standard SUT (except for non-market services); (2) a distinction is made for each use (intermediate or final) between the part of the product concerned that comes from domestic production (domestic IOT) and its complement that has been imported (import IOT).

The use table for imported products is compiled by exploiting all information available on the uses of imports, for example for some products the major importing enterprises may be known and for some producers information on the amount of imports may exist. However, in general, direct statistical information on the use of imports is scarce. This information has therefore usually to be supplemented by assumptions over the allocation of product group to use.

The use table for goods and services produced domestically can then be obtained by deducting the use table for imported products from the use table for the whole economy.

In theory, four basic models exist for the transformation of a supply and use table to a symmetric input-output table. Those models are based on either technology or fixed sales structure assumptions. Most often used is the product technology assumption: each product is produced in its own specific way, irrespective of the industry where it is produced.

 

«Les tableaux des ressources et des emplois (TRE) illustrent bien les opérations économiques réelles, mais certains types d’analyse et de modélisation requièrent des tableaux symétriques par branche, appelés tableaux d’entrées-sorties (symétriques). Les tableaux d’entrées-sorties symétriques branche par industrie montrent les opérations inter-industrielles, c’est-à-dire tous les achats effectués par une branche auprès de toutes les autres branches, y compris les dépenses en importations et les variations des stocks ainsi que toutes les dépenses en intrants primaires. De la même façon, le tableau symétrique de la demande finale montre tous les achats effectués par une catégorie de d’emplois finals auprès de toutes les autres branches, y compris les dépenses en importations, les variations des stocks ainsi que les dépenses en impôts indirects.», Statistics Canada.

« En théorie, il existe quatre méthodes de transformation de base pour convertir les tableaux des ressources et des emplois en tableaux entrées-sorties symétriques : (1) Hypothèse de la technologie du produit (chaque produit est fabriqué d’une manière qui lui est propre, quelle que soit la branche d’activité où il est produit) ; (2) Hypothèse de technologie branched ‘activité (chaque branche d’activité a son propre mode de production, quelle que soit sa gamme de produits) ; (3) Hypothèse de structure de vente fixe d’une branche d’activité (chaque branche d’activité a sa propre structure de vente spécifique, quelle que soit sa gamme de produits) et (4) hypothèse d’une structure de vente de produit fixe (chaque produit a sa propre structure de vente, indépendamment de la branche d ‘activité dans laquelle il est produit). Deux autres modèles de transformation sont utilisés dans la pratique : le modèle basé sur l’hypothèse d’une technologie hybride et la procédure d’Almon.», Geoffrey Hewings, Ayele Ulfata Gelan, Joerg Beutel,  Conférence Input-output, Atlantic City, 2017

 

 

 

Sommaire

I – DÉFINITIONS

II – LA CONFECTION D’UN TES SYMÉTRIQUE : LES HYPOTHÈSES DE TECHNOLOGIE DU MANUEL INPUT-OUTPUT

III – LE PARTAGE DU TES SYMÉTRIQUE ENTRE PRODUCTION DOMESTIQUE ET IMPORTATIONS

IV – MÉTHODES D’ÉLABORATION DU TES SYMÉTRIQUE EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

V – LA PRATIQUE DANS LES PAYS

VI –  LES EMPLOIS DIRECTS ET INDIRECTS

VII – EFFETS DIRECTS ET INDIRECTS EN FRANCE D’UNE HAUSSE D’UNE UNITÉ DE LA DEMANDE FINALE

VIII – CONTENU DE LA DEMANDE FINALE INTÉRIEURE EN VALEUR AJOUTÉE ET EN IMPORTATIONS

IX – L’EMPREINTE CARBONE LIÉ AU COMMERCE MONDIAL

X- MODIFICATIONS DES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION ; IMPACT SUR LA VALEUR AJOUTÉE

 

 

 

Résumé

° Deux types de tableaux peuvent être utilisés à des fins d’analyse économique:

— les tableaux des ressources et des emplois (TRE),

— les tableaux entrées-sorties symétriques «branche × branche» ou «produit × produit».

° Mais le TRE  n’indique pas dans quelle mesure les biens et les services utilisés ont été produits dans le pays ou importés (voir page Tableau ressources emplois). Cette information est pourtant indispensable pour les analyses dans lesquelles le lien entre les ressources et les emplois de biens et de services au sein de l’économie nationale joue un rôle. C’est notamment le cas pour l’analyse de l’impact des variations des exportations ou de la dépense de consommation finale sur les importations, la production intérieure et diverses variables qui y sont liées comme l’emploi. Pour le cadre entrées-sorties, il serait avantageux de disposer d’un tableau des emplois pour les produits importés et d’un autre pour les biens et services issus de la production intérieure.

° De même, le TRE ne permet pas de calculer des véritables coefficients techniques rapports entre les les consommations intermédiaires (CI) au prix de base d’un produit et la production au prix de base de la branche. D’une part les CI sont au prix d’acquisition incluant les marges de commerce et de transports et les impôts nets des subvention sur les produits; d’autre part elles ne sont pas pures : dans un TRE les consommations intermédiaires d’une branche d’activité (secteur d’activité) incluent des CI des activités secondaires de cette branche d’activité.

° Les TES symétriques, eux, sont en branche pure et non plus en secteur d ‘activité. Le calcul du TES symétrique se fait à l’étranger à partir d’une véritable matrice de production avec des activités secondaires, moyennant l’hypothèse « technologie produit » (« chaque produit a sa propre structure de production quel que le soit le secteur d’activité qui le fabrique »). Cette question n’est pas anodine car le TES symétrique est le seul tableau qui permet de comparer par exemple la valeur ajoutée de l’industrie entre la France et les autres pays mais surtout calculer les chaînes de valeur mondiales.

° Dans le TES symétrique :

  • Les branches en colonne sont pures (branches d’activité homogène) alors que dans le TRE, ce sont des branches d’activité principale ou des secteurs d’activité. Dans un TES symétrique, la matrice de production est diagonale : il n’y a plus de production secondaire. 
  • Les emplois, intermédiaires ou finals, sont valorisés auprix de base et non au prix d’acquisition, de façon à ce que tout l’ERE d’un produit soit au même mode de valorisation.
    • Plus précisément, on retire les marges de commerce et de transport des emplois de l’agriculture et de l’industrie qu’on rajoute aux emplois du commerce et des transports. Ces derniers sont ainsi considérés comme des services.
    • On retire les impôts net des subventions sur les produits qu’on met sur une ligne à part du TES domestique. Le montant des emplois qui ressort du TES symétrique est donc très différent de celui du TES standard ; (sauf pour les services non marchands et dans une moindre mesure pour la construction). 
  • On calcule une valeur ajoutée (VA) au prix de base égale à la production au prix de base moins les CI au prix de base. Il y a aussi une ligne impôts nets des subventions sur les produits. Pour les besoins de l’analyse sur le contenu en valeur ajoutée et en importation de la demande finale intérieure qui inclut ces impôts sur les produits sur les CI, il faut les rajouter à la VA pour estimer une « VA y compris ces impôts » , qu’on retrouve dans les documents TiVA de l’OCDE et FIGARO d’Eurostat (voir page Chaînes de valeur mondiales). Il ne s’agit donc pas de la VA au prix de base présente dans le TRE mais d’un concept proche qui est utile pour les  études.

 

° Dans cette page on distingue les considérations théoriques puis les méthodes pratiques d’ élaboration du TES symétrique et enfin les études économiques qui en découlent. Et même à l’intérieur des considérations théoriques, on rappelle les différences nombreuses entre le TES français et les TRE étrangers. Les 5 premiers chapitres sont uniquement consacrés à la théorie et aux pratiques internationales; les 5 derniers le sont aux études. Ces deux aspects sont essentiels. Mais les études prennent de plus en plus d’importance.

 

 

 

1 – Les concepts

° Dans les manuels internationaux, les étapes de construction du TES Symétrique sont les suivantes :

° La première étape consiste d’abord à élaborer un TRE par secteur d’activité au prix de base (et non au prix d’acquisition). Il n’y a plus de production par produit. Et on doit estimer les marges commerciales et de transport ainsi que les impôts nets des subventions sur les produits par emplois qu’on retire aux emplois aux prix d’acquisition pour passer aux emplois aux prix de base (voir l’exemple du chapitre 2).

 

° La seconde étape a pour objet de passer du TRE au prix de base au TES symétrique en choisissant d’abord entre un TES par produit (TES « produit * produit ») ou par branche d’établissement (TES « industry * industry »). On revient plus loin sur ces distinctions. Eurostat accepte les deux options.

° Cette question fait l’objet de débats dans les autres pays, s’agissant du choix du TES symétrique par produit ou par branche d’établissement (secteur d’activité), et du choix de l’hypothèse de technologie (« produit » ou « secteur »). Les comptables français ont mis au point une hypothèse hybride (« technologie secteur d’arrivée » – TSA) : on approche les ratios d’une branche pure par ceux qui sont observés dans le secteur d’activité correspondant. Cette méthode  présente l’avantage d’être assez réaliste tout en évitant des chiffres négatifs dans les comptes d’exploitation, technologie qu’on appelle souvent hybride.

° Mais il faut noter que  la France applique la technologie TSA pour calculer des comptes d’exploitation par branche (CEB) à partir de ceux par secteurs d’activité (en année de base) par exemple les rémunérations salariales car le TES standard en France est en branche pure. Alors que dans les autres pays, on utilise les hypothèses de technologie pour passer d’un TRE en secteur d’activité au TES symétrique par branche homogène.

° Élaborant un TES par branche pure, il est assez aisé aux comptables nationaux français de « passer » à un TES symétrique en branche pure. En effet, la méthode française d’élaboration du TES standard (TRE à l’étranger)n’est pas celle des manuels internationaux (voir page Vers un Tableau entrées-sorties idéal et mondial).

°  Enfin, après le choix des manuels entre un TES par produit ou par branche d’établissement, il y a un second choix entre différentes technologies. Dans le choix d’un TES symétrique TES « produit * produit », le Système européen des Comptes (SEC) propose le choix entre la technologie « produit » (tous les produits sont fabriqués avec les mêmes structures de production quels que soit le secteur qui les fabrique). et la technologie « secteur » (même structure de production dans un secteur quel que soit le produit fabriqué).

 

° Dans la troisième étape, on fait le partage entre contenus entre production domestique et contenus en importations. Il est fait aussi selon différentes méthodes en France et à l’étranger. Ici aussi la méthode française est originale mais un peu trop simple (voir ci dessous).

° Le SEC 2010 précise que le tableau des emplois de produits importés est établi en exploitant toutes les informations disponibles sur les emplois des importations. C’est ainsi, par exemple, qu’il est possible que l’on connaisse les principales entreprises qui importent certains produits ou le volume des importations de certains producteurs. Toutefois, en règle générale, les informations statistiques directes concernant les emplois des importations sont rares. Ces informations doivent donc être normalement complétées par des hypothèses relatives à l’affectation des groupes de produits aux emplois. Le tableau des emplois des biens et des services issus de la production intérieure peut alors être obtenu en déduisant du tableau des emplois pour toute l’économie le tableau des emplois des produits importés.

 

 

 

 

 

2 – Présentation du système Entrées-Sorties symétrique

° Le système entrées-sorties prévoit un tableau pour la production intérieure et un tableau pour les importations. Le tableau entrées-sorties pour la production intérieure se compose de trois sous-tableaux :

° avec

 

° Le tableau entrées-sorties pour les importations se compose quant à lui de deux sous-tableaux :

° À ces tableaux, il faut ajouter les identités suivantes :

 

 

 

 

 

3 – Les études

° Les TES symétriques analysent les différents inputs de la production et des interdépendances entre des branches ; par exemple conséquences d’un choc du prix des énergies sur les coûts de production. Ils permettent de calculer les contenus en importations des emplois finals (consommation finale importée en automobile / consommation finale totale en automobile).

°Dans le cadre entrées-sorties, le tableau qui est le plus utilisé est le tableau entrées-sorties pour la production intérieure (ou domestique). C’est en effet grâce à ce tableau que l’on peut calculer l’impact de mesures de politique sur l’appareil de production national. Mais pour l’analyse des chaînes de valeur mondiales, dont l’objet est de mesurer la valeur ajoutée de chaque pays dans les échanges internationaux, le tableau de contenus en importations devient très utile.

° Le TES symétrique est à la base de modèles macro-sectoriels (AVIONIC en France) et constitue par ailleurs un point de départ fort commode pour l’estimation des matrices de comptabilité sociale (Social Accounting Matrices) ou de comptes satellites sur l’environnement, les transports, ou encore le tourisme. Comme tel, le tableau entrées-sorties constitue cependant déjà un précieux outil d’analyse. Il permet en effet de calculer directement un certain nombre d’indicateurs sur la structure de l’économie, et moyennant certaines hypothèses et transformations, il permet en outre de mesurer les effets directs et indirects de chocs extérieurs sur les diverses branches d’activité de l’économie. Les calculs des coûts cumulés et des multiplicateurs qui seront développés ici, sont deux types d’analyse traditionnelle effectuée à partir du tableau entrées-sorties.

° D’autres études sont intéressantes par exemple l’effet d’une hausse d’une unité de la demande finale d’un produit sur la hausse de la production à travers les multiplicateurs. On tente de les présenter, en particulier le calcul des emplois directs et indirects d’une branche de l’économie que certains organismes auraient tendance, semble-t-il,  à grossir pour montrer l’importance de leur secteur dans l’économie.

 

 

 

 

 

 

I – DÉFINITIONS

Le TES symétrique intègre en un seul tableau les emplois et les ressources. Les totaux en ligne (total des emplois) sont égaux aux totaux en colonne (total des ressources). Un TES symétrique est généralement de taille plus modeste que le TRE. Le TES symétrique peut être :

– soit de type « produit * produit » : (quels produits sont utilisés pour la production de tels autres produits par les UPH ?),

– soit de type « branche d’établissement x branche d’établissement »industry » en anglais se traduit ici par branche d’établissement et non par industrie au sens industrie manufacturière) : quelles branches d’activité principale (ou quels secteurs d’activité)  utilisent la production de quelles autres branches d’activité principale (respectivement secteurs d’activité) ?

Le SEC 2010 préconise un tableau entrées-sorties produit x produits. II s’ensuit que la structure des entrées intermédiaires et primaires données dans les tableaux des emplois pour les branches hétérogènes doit être transformée en une structure d’entrées pour les produits. Le volet des emplois finals peut quant à lui être tout simplement repris du tableau des emplois valorisés aux prix de base.

Le projet FIGARO d’Eurostat accepte toutefois les TES symétriques par produit et par branche d’établissement.

Pour les TES symétriques de type « produit * produit » , les deux hypothèses sont les suivantes :

1/ La première hypothèse est la technologie produit : chaque produit a sa propre structure de production quelle que soit le secteur d’établissement ou d’entreprise qui le fabrique.

2/ Dans l’hypothèse technologie secteurtous les produits fabriqués par un secteur d’établissement ou d’entreprise le sont avec la même combinaison d’entrées.

Ces deux modèles ont été développés par Richard Stone et sont repris dans l’ancienne version du SCN, le SNA de 1968. Ce système a officiellement introduit le lien entre les comptes nationaux et les tableaux entrées-sorties via le stade intermédiaire des tableaux des ressources et des emplois. Cette partie du SNA 1968 n’a pas été reprise par le SEC 79 qui englobait des tableaux entrées-sorties mais pas de tableaux emplois-ressources. Ces deux hypothèses ont été combinées dans des modèles de technologies hybrides, et introduites dans le SNA 68. En pratique, pour pouvoir appliquer de tels modèles, des matrices de transformation sont dérivées du tableau des ressources et sont ensuite appliquées aux volets intermédiaire et primaire du tableau des emplois.

Les manuels du SNA 93 et du SEC 1995 privilégient la technologie unique par produit. Le principe d’une technologie unique par secteur d’activité est très peu crédible, voire même absurde dans certains cas. Les secteurs d’activité industriels ont, la plupart du temps, une production secondaire importante d’activités de commerce de gros. L’application dans ce cas du principe d’une technologie unique par secteur d’activité implique l’allocation d’inputs industriels (matières premières, produits semi-finis) aux activités de commerce de gros, ce qui est insensé. De plus, certains ont montré qu’un tableau entrées-sorties basé sur la technologie unique par secteur d’activité ne peut être utilisé comme instrument d’analyse économique. Et c’est précisément la raison d’être des tableaux entrées-sorties.

La France a mis au point une technologie intermédiaire, dite « technologie secteur d’arrivée » (TSA).

On propose un premier exemple fictif simple pour montrer les implications de ces différences. Quelles sont elles entre les TES symétriques par « industry » (branche d’établissement) et par produit?

La plupart des pays élaborent des TES par produits selon les principes de W. Leontief. Celui-ci a défini un tableau INPUT-OUTPUT par produit dans son livre « la structure de l’économie américaine (1939) ». Combien d’acier faut il pour produire une voiture? Dans ce TES par produit, l’hypothèse de technologie « produit »  est plus correcte économiquement que l’hypothèse de la technologie par branche d’établissements (ou secteur d’activités).

Mais les ERE par produits sont plus fragiles car ils reposent sur une ventilation des ventes de branche d’établissement (secteur d’activité) par produits. Or, il y a des imprécisions sur cette ventilation comme dans le cas français malgré les enquêtes auprès des entreprises. Un autre argument est d’éviter les données négatives (-16 dans l’exemple suivant pour la CI du produit agriculture par la branche agriculture). Ceci est très difficile à gérer dans les TES symétriques par produits (voir ci dessous).

C’est pourquoi quelques pays (Danemark, Pays-Bas, Norvège,..) préfèrent établir des TES symétriques par branche d’établissement. Leur argument est d’être au plus près des sources les plus connues (production par branche d’établissement ou par secteur d’activité connue par les enquêtes et les sources fiscales).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II – LA CONFECTION D’UN TES SYMÉTRIQUE : LES HYPOTHÈSES DE TECHNOLOGIE DU MANUEL INPUT-OUTPUT

Il existe deux manuels Input-Output, celui de 2007 d’Eurostat et celui de 2018 de l’ONU. L’exemple qui suit donne la séquence des opérations depuis les TRE aux prix d’acquisition jusqu’aux tableaux entrées-sorties symétriques aux prix de base. A partir d’un TRE en secteur d’activité-produit, on passe à un TES symétrique au prix de base.

On prend l’exemple d’une économie fictive avec 3 produits et 3 secteurs d’activité qui ont une activité principale et des activités secondaires. Par exemple, le secteur d’activité (a) produit 260 du produit (a), 35 du produit (b), 5 du produit « commerce ».

Tableau 7 – TES symétrique

 

 

La différence majeure entre les TRE et les TES symétriques réside dans le fait que les premiers associent des produits à des branches d’activité principales (secteurs d’activité aussi), tandis que les seconds associent des produits à des produits. Les TRE contiennent des branches d’activité hétérogènes (c’est à dire des branches d’activité qui ont plus d’un produit comme production) [1], [2], (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page).

Dans le TEI du TRE, les colonnes présentent les entrées consommées par des secteurs d’activité hétérogènes. Ceux-ci constituent un regroupement d’unités statistiques, en pratique des entreprises, qui ont toutes la même activité principale en terme de classification utilisée. Ce TEI n’opère pas de distinction entre les inputs destinés à l’activité principale d’un secteur d’activité et ceux utilisés pour ses activités secondaires.

L’élaboration des TES symétriques requiert en revanche des branches d’activité homogènes. C’est pourquoi, dans ces TES, la production secondaire et les entrées y afférentes sont reclassées dans la branche d’activité correspondante. Pour une telle analyse, les tableaux doivent regrouper des processus de production aussi homogènes que possible, soit unité de production homogène (UPH) [3].

Les TES symétriques sont carrés.

Lors de la transformation en un tableau entrées-sorties produit x branches, ces secteurs d’activité hétérogènes sont convertis en branches dites homogènes. Ces dernières sont par définition des constructions analytiques non observables. Dans ce cas, une colonne présente les entrées intermédiaires et primaires d’un seul type de produit comme une addition des productions de ce produit dans toutes les branches, c’est-à-dire dans la seule branche dont il constitue l’activité principale et dans toutes les autres branches qui le produisent à titre d’activité secondaire. Cela signifie que pour toutes les branches du tableau des emplois, les inputs utilisés respectivement pour l’activité principale et les activités secondaires sont ventilés et ensuite regroupés par produit.

 

Pour faire un TES symétrique correct, il faut disposer d’une véritable matrice de production  dont on multiplie la structure ou l’inverse de celle ci par le TEI et les emplois finaux au prix de base, après avoir donc déduit les marges et les impôts nets des subventions sur les produits des emplois aux prix d’acquisition, Les marges sont reclassées en produit « commerce  » et transport »; les impôts nets des subventions en une ligne spéciale.

Bien que les TRE et les TES symétriques offrent les uns et les autres un aperçu détaillé de la structure des ressources et des emplois de produits dans une économie, ils ont chacun leurs applications spécifiques .

les TRE servent essentiellement à des fins statistiques (établissement des lacunes et des incohérences dans les sources utilisées, …). Ils permettent en outre de faire le lien avec les comptes de secteurs institutionnels.

Les TES symétriques de taille plus modeste que les TRE, permettent, compte tenu de leur structure, de réaliser des études d’impact (direct et indirect) que ne permettent pas les TRE. En particulier, l’objectif d’un TES symétrique par produits est de décrire les relations techniques dans une économie afin de permettre des analyses entrées-sorties très variées.

– coefficients techniques,

– prévision, inversion de matrice,

– calcul des émissions de pollutions par branches,

– choc de prix sur les inputs,

– choc de demande sur les outputs, par exemple conséquences d’un choc pétrolier sur les coûts de production,

– analyse des différents inputs de la production et des interdépendances entre des branches d’activité ;

– estimation des chaînes de valeur mondiale depuis une dizaine d’année….

Les bases internationales n’ont cessé de se développer.

Ces tableaux permettent ainsi de mesurer non seulement des effets de premier ordre (par exemple les effets des changements dans les prix de l’énergie ou les coûts de main d’œuvre), mais aussi des effets de second ordre et des effets plus indirects : une augmentation significative des prix de l’énergie affectera non seulement les branches d’activité qui en sont grosses consommatrices mais également celles qui utilisent les productions des précédentes. Ces effets indirects peuvent être très intéressants car ils sont parfois plus importants que les effets directs.

Ils sont décomposés en deux tableaux : d’une part le TES de production domestique et d’autre part le TES des importations (ou contenu en importations).

 

TRE étranger exemple fictif par secteurs d’activités en colonne et produits en ligne

 

La première étape de construction du TES symétrique est d’estimer les emplois aux prix de base et non au prix d’acquisition. Le schèma suivant résume les différentes opérations à retirer à un emploi pour passer au prix de base : marges de commerce et de transport, impôts nets des subventions sur les produits, peu importe que cet emploi résulte d’une production intérieure ou d’une importation FAB.

Décomposer le tableau des emplois aux prix d’acquisition

 

 

 

 

 

1) l’hypothèse technologie « produit »

On reprend dans la suite du texte l’exemple du TES symétrique par produit, élaboré dans la plupart des pays dont la France. La question est quelle technologie appliquer ?

Le passage du TRE au TES symétrique aux prix de base se fait en plusieurs étapes. Le tableau suivant décompose les marges commerciales par emplois. Pour rappel, les marges de commerce représentent la différence entre le prix de revente d’un bien acheté pour être revendu et le prix payé par le commerçant. Dans un TRE (comme le tableau précédent), la branche « commerce » peut avoir d’autres productions que des marges. Pour calculer le tableau des emplois des marges de commerce, on s’est basé sur les totaux des marges de commerce réalisées par produits, qui figurent dans le tableau des ressources. On fait alors la répartition des marges par emplois au prorata des emplois.

On soustrait les marges de commerce et de transport et les impôts sur les produits aux emplois aux prix d’acquisition pour passer aux emplois aux prix de base. Le tableau relatif au solde des impôts sur produits et des subventions a le même format que les volets intermédiaire et final du tableau des emplois. Il montre dans quelle mesure toutes les formes de consommation intermédiaire et finale sont soumises à une taxation indirecte ou dans quelle mesure elles sont subventionnées. Comme pour les marges, la colonne « total » du tableau suivant correspond à la colonne « impôts moins subventions » de la partie « ressources » du tableau précédent.

Passage du TRE aux prix de base au calcul des marges de commerce et des impôts sur les produits

 

 

Dans le tableau suivant, se trouve la structure de la matrice de production en ligne puis son inverse. Enfin, par la mise en place de l’hypothèse technologie produit, pour ne plus avoir de matrice de production, on multiplie le TRE aux prix de base par l’inverse de la transposée de la matrice de production (D’) pour parvenir au TES symétrique aux prix de base « produit * produit » : en grisé les CEB et le TEI sont les résultats du calcul du produit matriciel entre le TRE aux prix de base et de l’inverse de la matrice D’. Dans le TES symétrique, les ressources sont égales aux emplois pour chaque produit. Les emplois sont aux prix de base (hors marges de commerce et de transport et hors impôts sur les produits) comme le proposait Leontief.  Ils permettent ainsi le calcul de véritables coefficients techniques. Le tableau présenté ci-après est symétrique, de type produit x produit. Pour assurer l’équilibre des emplois et des ressources, les importations de produits similaires viennent s’ajouter à la ligne de production nationale.

Exemple du TES symétrique aux prix de base avec l’hypothèse technologie produit

 

2) l’hypothèse technologie « secteur »

Dans la technologie secteur d’activité, on multiplie la matrice du TEI par la transposée de la matrice de production du tableau de l’introduction (la structure des inputs est la même à l’intérieur d’un secteur d’activité quels que soient les produits vendus par ce secteur d’activité), afin d’obtenir un TES symétrique aux de base où les ressources par produits sont de nouveau égales aux emplois par produits.

Exemple du TES symétrique aux prix de base avec l’hypothèse technologie secteur

 

 

 

 

 

 

 

3/ L’hypothèse de technologie secteur d’arrivée (TSA) en France

Après mise en application des deux méthodes précédentes, on s’est aperçu en France que, dans certains cas, elles pouvaient conduire à des résultats non fiables. On a donc décidé d’en explorer une autre qui puisse avoir sa traduction sur le plan économique. Celle qui a été proposée et testée est une combinaison des deux autres qui pallie leurs points faibles respectifs : la TSA.

La TSA évite des chiffres négatifs. D’autre part, elle est plausible d’un point de vue économique. Les calculs consistent à additionner, pour chaque branche, les productions des secteurs d’activités (contenus dans les cases de la matrice de Production), celles-ci étant pondérées non pas par leurs ratios respectifs (Salaires du secteur d’activités concerné/Production du secteur d’activités concerné) mais par un ratio unique (Salaires du secteur d’activités/Production du secteur d’activités), dans lequel le secteur d’activités de référence est celui de la branche calculée. Pour les 40 de produit (b) par le secteur d’activité (a), on multiplie ces 40 par le ratio des salaires du secteur d’activité b (119,5) sur la production du secteur d’activité b (410), soit 0,291. On obtient 11,7.

Ce calcul s’écrit de la façon suivante :

SBR (A) = P(A,A) * SAE (A) / PAE (A) + P(B,A) * SAE (A) / PAE (A)+ P(C,A) * SAE (A) / PAE(A).

 

Comparaison des trois méthodes (exemple des rémunérations)

 

La Technologie produit (TP) même si elle semble réaliste sur le plan économique doit être définitivement écartée car elle conduit dans certains cas à des données négatives à moins de corriger les valeurs négatives. Celles ci constituent le problème majeur de l’application du modèle reposant sur la technologie unique par produit. Ils ne sont pas nécessairement un signe de la non-validité du principe de base. Ils peuvent également être la conséquence d’imperfections du système sous-jacent. Dans le TES symétrique de certains pays, les inputs intermédiaires négatifs représentent près de 10 % de la valeur totale de la demande intermédiaire. Cela s’explique notamment par la présence marquée de productions secondaires dans le tableau des ressources. On a observé dans ces mêmes pays une valeur totale de la production secondaire représentant près de 15 % du total de la production. Cela n’est pas sans relation avec le fait que l’unité statistique dans les TRE est l’entreprise et non pas l’unité d’activité économique (locale) recommandée par le SEC 2010. Celui-ci conseille de scinder les entreprises fort hétérogènes en unités plus petites et plus homogènes sur base d’observations statistiques.

La Technologie secteur (TS) a comme avantage sa simplicité et l’impossibilité de mener à des résultats non négatifs et dans le cas de secteurs très « diagonaux » elle fournit des données robustes. Toutefois dans le cas de secteurs comprenant des produits très hétérogènes les estimations sont biaisées. La TSA a comme atout par rapport à la TS le fait d’utiliser pour chaque croisement (secteurs, branches) un taux (variable d’intérêt/Production) relatif à la branche. Elle nécessite juste un recalage à la fin comme le montre le tableau précédent.

À noter que la France n’élabore pas un TES symétrique comme les autres pays car elle n’utilise pas une matrice de production complète pour passer du TES par secteur d activité (TRE) au TES symétrique en branche pure. Il est vrai que la France est le seul pays au monde a établir un TES standard en branche pure et non un TRE en secteur d’activité. De plus la TSA française est en fait utilisée pour le passage des rémunérations par secteur d’activité aux rémunérations en branche pure. Car pour les CI par produits, la TSA n’est pas utilisée; les comptables français élaborant directement un TEI en branche pure en année de base et le projettent ensuite en année courante selon !’hypothèse de constance des coefficients techniques en volume.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III – LE PARTAGE DU TES SYMÉTRIQUE ENTRE PRODUCTION DOMESTIQUE ET IMPORTATIONS

 

Certains pays (dont la France) utilisent une méthode assez simple : la répartition des emplois entre le contenu « importé » (M) et le contenu « production intérieure » (P) des produits est faite suivant une distribution proportionnelle des importations par rapport à l’ensemble des ressources (Mi / (Pi + Mi)), au niveau le plus fin des produits. La seule exception est la CI qui est calculée, par solde des autres emplois « importés » (calculés au prorata) sur le total des importations.

 

 

 

1) Méthode française de partage entre le TES domestique et TES importé

Une différence est faite pour chaque produit et emplois entre la partie provenant de la production domestique et l’autre provenant des importations. La méthode de ventilation du TES symétrique entre les importations et la production intérieure aux prix de base, est basée sur la disponibilité des ERE dans CPA 327, qui est le niveau le plus détaillé possible dans la nomenclature. C’est en effet à ce niveau que l’hypothèse de proportionnalité (le même pourcentage d’importation pour toutes les utilisations) n’est pas trop éloignée de la réalité. Le tableau suivant montre que la même hypothèse appliquée au niveau G donne des résultats différents.

Dans le tableau, les colonnes de droite sont les estimations du contenu en produits nationaux. En fait c’est une règle de 3 dans les deux cas, mais l’une est au niveau « H NAF327 » (information ERE) et l’autre au niveau « G » NAF 138. On part de l’ERE au hors TVA prix d’acquisition (première ligne), puis de ce même ERE y compris TVA. La 3ème ligne reprend l’ERE au prix de base. On dispose ensuite des 26 ERE de l’agriculture en NAF327. Par exemple, la production de l’ERE au prix de base est de 387 plus 14 d’importation soit un total de 401 qui se décompose entre 138 de CI, 146 de formation brute de capital (FBC) et 117 d’exportation. On en déduit les emplois correspondant à la production domestique soit par exemple pour les CI, 133 = 138/401 * 387. En sommant tous les emplois, en particulier les CI, on parvient à une CI de 41 204. Si on applique la règle de 3 au niveau de la NAF138, on obtient une CI de 39 732. On note donc un écart non négligeable. Par ailleurs dans la méthode la plus détaillée, la FBCF correspondant aux importations est négative (-928) alors qu’elle ne l’est pas en niveau 138 de la NAF.

 

 

Un problème concerne les importations réexportées.  Il peut y avoir surtout deux cas.

° Dans certains ERE à un niveau fin, les exportations excèdent la production nationale. Ceci peut provenir d’erreurs statistiques, ou de réelles importations réexportées. Le premier cas est celui de l’exemple précédent mais où cette fois il y a changement de propriété donc comptabilisation des importations du Maroc (100) et des exportations brutes (110). Les 100 sont des importations réexportées.

Une méthode pour estimer les importations reexportées consiste à confronter divers fichiers, en particulier les données d’entreprises et les équilibres-ressources-emplois (ERE). On en donne ici un exemple fictif. On a les données suivantes :

ventes            ERE 24

importations ERE 65

exportations  ERE 36

production branche ESANE 22

exportation branche ESANE 12 (production exportée).

On confronte les exportations ESANE et les exportations de l’ERE et on estime la production exportée de l’ERE.

La production exportée de l’ERE est égale à 24 *12 / 22 = 13

La production exportée modifiée est le (Min (36, 13) = 13

=> importation exportée = 36 – 13 = 23

Ceci permet de calculer un taux d’importation dans les exportations (Part des importations réexportées dans les exportations) = 23 / 36 = 65%.

 

° D’autre part, les économies qui sont d’importants centres de transbordement (plateformes logistiques) et d’implantation de grossistes (Pays Bas) présentent des valeurs de réexportations élevées. Un bien arrive à Rotterdam pour un montant de 100, passe par un centre d’entreposage, et est réexporté pour un montant de 110. Il y a production de service de transport (10). aux Pays Bas, traité en marge de transport qui vient s’ajouter aux importation du bien. Il est comptabilisé dans les statistiques des douanes puisqu’il y a livraison à un résident et changement de propriétaire. Les taux d’importations réexportées ont été déterminés au niveau H en France. Ces importations réexportées ont été calculées à partir de données des douanes.

 

 

 

2) Les méthodes étrangères de partage entre le TES domestique et importé

Dans la plupart des pays, on calcule d’abord le tableau des importations. Celui-ci est établi en exploitant toutes les informations disponibles sur les emplois des importations. C’est ainsi, par exemple, qu’il est possible que l’on connaisse les entreprises qui importent certains produits ou le volume des importations de certains producteurs. Une distinction est ainsi faite entre les importations du secteur commercial et des secteurs non-commerciaux. D’abord toutes les importations des détaillants sont considérées comme destinées à la consommation finale, sauf si c’est impossible (pas de consommation finale dans l’ERE). Par exemple certains engrais peuvent être importés par des grandes surfaces mais ne servir qu’aux agriculteurs pour leur production. Les importations par les branches commerciales sont principalement des biens échangés sur le marché des ménages, tandis que les importations des branches autres que le commerce sont plus susceptibles d’être directement destinées à la consommation intermédiaire ou l’investissement. Enfin, on calcule par solde la CI et la FBCF importées en se référant à des ERE détaillés (voir la méthode française).

Cependant, en règle générale, les informations statistiques directes concernant les utilisations des importations sont rares. Ces informations devraient donc normalement être complétées par des hypothèses relatives à l’affectation des groupes de produits aux emplois. L’autre source est l’établissement d’un tableau de ventilation des importations à un niveau de nomenclature très détaillé selon la nomenclature SH (Système Harmonisé) des données douanières. Cependant, les importations réexportées sont d’abord déterminées. Il s’agit par exemple d’importations de produits qui sont stockés sur des plateformes de grands ports (Rotterdam, Anvers,…) pour être re-exportés vers d’autres pays. Il ne s’agit pas d’un service de négoce international mais d’un service logistique. Avec des importations connues jusqu’au niveau à 6 chiffres de la nomenclature (SH), certains biens importés peuvent être identifiés comme des biens intermédiaires, des biens d’équipement ou des biens de consommation, grâce à une «table de correspondance» internationale utilisée par l’ONU (« Broad Economic Categories » ). Un exemple est le pétrole brut, dont le CI est la seule utilisation.

Même à ce niveau de détail, les biens peuvent avoir de multiples usages. Des exemples de ces produits sont les produits pétroliers raffinés comme l’essence et le gazole, qui peuvent être utilisés à la fois pour la CI et la consommation. Un problème similaire existe pour de nombreux biens d’investissement, qui peuvent aussi être traités en CI.

 

 

3) l’importance des consommations intermédiaires dans les importations en France

Pour 2017, le taux des importations réexportées est de 4,7 % en France des exportations. Mais la principale conclusion est que les CI représentent 65 % des importations.

Celles ci ont un poids important dans la production française dont une partie est ensuite exportée, traduisant le rôle du commerce extérieur dans les chaînes de valeur mondiale. Ainsi, les importations réexportées ne sont qu’une petite partie des contenus en importations des exportations (32% ) (voir page Chaînes de valeur mondiales).

On retrouve le total des impôts sur les produits en faisant la somme de ceux sur les CI et ceux sur les emplois finals. Les emplois de l’agriculture et l’industrie sont nettement inférieurs à ceux du TES standard : ils sont au prix de base. Ceux sur les services marchands sont nettement supérieurs. ils incluent les marges de commerce et de transport. Ces derniers sont donc considérés comme des services. Ceci implique de faire un tableau des marges par emplois et par produits.

Les lignes « construction » et surtout « services non marchands » sont presque les mêmes que celles du TES standard. En outre, ces deux lignes n’apparaissent pas dans le TES importé car il n’y a pas de commerce extérieur pour ces produits.

 

 

 

 

IV – MÉTHODES D’ÉLABORATION DU TES SYMÉTRIQUE EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

1/ Les méthodes en France

L’élaboration du TES symétrique français est particulière par rapport aux autres pays. Certes le TES est calculé avec des emplois aux prix de base donc hors impôts sur les produits (nets des subventions). Le commerce et les transports sont certes traités comme les autres produits. Il n’y a donc plus de marges de commerce et de transport. Une distinction est aussi effectuée pour chaque emploi (intermédiaire ou final) entre la partie du produit concerné qui provient d’une production domestique et son complément qui a été importé.

Les étapes de construction du TES Symétrique français sont les suivantes :

Comme il n’y a pas de matrice de production dans le TES standard puisqu’il est en branche homogène, les comptables nationaux français en construisent une « fictive » en traitant les transferts du vin (le vin est comptabilisé dans la branche agriculture mais fait partie du produit boisson) et les ventes résiduelles comme des activités secondaires. Ces dernières sont des productions marchandes des APU sans qu’on puisse isoler une unité de production homogène : par exemple les ventes des publications par l’Insee sont comptabilisées dans la production de la branche APU et « passent » dans la production du produit édition. On obtient ainsi une matrice de production non diagonale mais qui omet toutes les activités secondaires des entreprises au sens du passage secteur-branche (PSB), établi par l’Insee mais non diffiusé. Ce n’est donc pas pas une vraie « make-matrix » au sens des TRE étrangers (voir page Tableau ressources emplois). Mieux vaudrait publier cette dernière ex-post dans un TRE français « reconstitué » (élaboré uniquement pour les besoins des comparaisons internationales)  et non dans le TES symétrique.

Les autres traitements de passage du TES standard au TES symétrique retiennent quasiment les mêmes principes que dans les autres pays. Ainsi, comme le TES symétrique est carré, les produits correction CAF-FAB et correction territoriale (PCHTR) ne sont pas pris en compte : pour passer du total des emplois du TES standard à ceux du TES symétrique (second tableau suivant), il faut retirer les impôts sur les produits (nets des subventions), la correction territoriale (PCHTR) et la correction CAF-FAB, (laquelle n’est toutefois pas traitée de la même manière que dans les autres pays de l’UE, encore une autre différence) (voir page Correction CAF-FAB). Le total de la production aux prix de base du TES domestique est toutefois bien égal au total des emplois au prix de base pour chaque produit (comme dans les autres pays).

La dernière équation lie la demande finale totale au prix de base à la somme de la valeur ajoutée (VA) brute totale, des impôts nets subventions sur les CI totaux et des importations totales sur les CI (troisième tableau suivant). Cette équation n’est pas valable pour chaque produit-branche du fait que la CI d’un produit n’est pas égale à la CI par une branche.

Un autre souci du TES symétrique français sur le site de l’Insee est qu’il ne publie pas les impôts nets des subventions sur les produits, ce qui ne permet pas de retrouver cette dernière équation. Le TES domestique d’Eurostat les fait apparaître.

Passage du TES standard au TES symétrique en France par grandes composantes en milliards d’euros (avec le retraitement de la correction CAF-FAB pour être cohérent avec le SEC 2010)

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2/ Les égalités principales des TES symétriques

Or sur la base Eurostat, on a plusieurs égalités fondamentales du TES symétrique des manuels internationaux, qu’on ne retrouve pas vraiment sur le site de l’Insee, à savoir (avec CI : consommations intermédiaires)  :

 

Voici d’abord les 3 TES symétriques (« TES dans le langage international ») de la France, l’Italie et l’Allemagne de la base Eurostat ainsi que le TES symétrique français sur le site de l’Insee et le TES standard de la France en 2019.

TES symétique France 2019 Eurostat (2)

TES symétrique Italie 2019 Eurostat

TES symétrique Allemagne 2019 Eurostat

TES_symétrique 2019 Insee

TES 38_2019 (insee)

Voici aussi le TES symétrique dans une nomenclature agrégée en 8 branches à partir de la base Eurostat où on peut retrouver ces égalités. La ligne VA y.c. ces impôts ne se trouve pas dans cette base. Elle se retrouve en revanche dans les TES inter-pays des bases FIGARO et TiVA (voir page Chaînes de valeur mondiales).

D’un point de vue numérique, on sait que :

  • Demande finale domestique au prix de base = 2 701,4 Md€ ,
  • CI importées au prix de base = 459,6 Md€.
  • donc  la valeur ajoutée doit  correspondre à : 2 241,9 Md€.

Tableau 11 TES symétrique total 8 grandes branches Eurostat

 

TES symétrique total (domestique + importé) français en 2019 en milliards d’euros (8 grandes branches)

Tableau-11-TES-symetrique-interieur-8-grandes-branches-Eurostat

TES symétrique domestique français en 2019 en milliards d’euros (8 grandes branches)

Tableau 11 TES symétrique importation 8 grandes branches Eurostat

TES symétrique « importé » français en 2019 en milliards d’euros (8 grandes branches)

En effet comme la production et les CI sont au prix de base, la valeur ajoutée est calculée par différence entre la production au prix de base et les CI aux prix de base. On peut donc dire que cette valeur ajoutée contient également les impôts moins subventions sur les CI. Le système ICIO de l’OCDE consiste ainsi en un ensemble de données mondiales annuelles symétriques des « tableaux d’entrées-sorties » (SIOT), (branche d’établissement par branche d’établissement). Pour chaque année, plusieurs matrices peuvent être générées à partir des tables ICIO pour calculer les indicateurs TiVA. Le tableau suivant présente les structure de base de la base de données ICIO. La Valeur ajoutée est la valeur ajoutée (aux prix de base) par branche d’établissement i (1 à K) dans le pays r (1 à N) plus les impôts moins les subventions sur les CI.

Ceci conduit à trop de différences entre le TES ou le TES symétrique français et ceux des autres pays : il n’est pas toujours facile de s’y retrouver.

  • différence d’élaboration du TES (TES en branche pure, hypothèses de technologie, ventes résiduelles, Correction CAF -FAB, etc.,.),
  • différence de terminologie : Le mot « TES  » n’a pas le même sens en France et dans les manuels internationaux; ainsi on parle des TIES (tableaux  internationaux d’entrées sorties) dans les bases de données internationales,
  • différence des présentations du TES « symétrique » entre les sites de l’Insee et d’Eurostat,

On ne peut toutefois pas en déduire que le TES français est mal estimé. Il le serait même mieux que dans les autres pays s’agissant des équilibres-ressources-emplois par produit en ligne (voir page Tableau ressources emplois).

S’agissant du TES symétrique français, il n’est pas absurde de le comparer aux TES symétriques étrangers puisque le TES français est déjà en branche homogène et que le TES symétrique l’est aussi. Mais il faut connaître les méthodes de passage entre les données par secteurs d’activité aux données par  branches dans le TES standard français (quelle hypothèse de technologie est utilisée ?) et il faut savoir aussi que le TES importé n’est pas estimé avec la méthode utilisée par plusieurs autres pays (voir ci-dessous).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

V – LA PRATIQUE DANS LES PAYS

Les tableaux entrées-sorties (IOT dans la suite du texte) symétriques  (SIOT) sont compilés dans tous les pays. Les tableaux annuels sont produits dans 12 pays (par exemple, l’Autriche, Chypre, le Danemark, la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède), tandis que les autres ont des tableaux pluriannuels, normalement pour les années de référence se terminant par « 0 » ou « 5 », comme l’exige le programme de transmission du SEC 2010. Au total, 26 pays compilent des tableaux produits par produit, comme le prévoient le programme de transmission , et 11 pays établissant des tableaux par industrie. L’Albanie, la Belgique, la Tchéquie, la Hongrie, l’Italie et la Suède compilent des produits IOT par produit et par branches d’activité.

Dans 29 pays, les IOT sont le résultat de la transformation des tableaux de l’offre et des emplois. Le Manuel des TRE et des entrées-sorties d’Eurostat énumère quatre hypothèses principales pour la transformation :

  • a) hypothèse technologique du produit (modèle A);
  • b) hypothèse technologique de la branche d’activité (secteur) (modèle B);
  • c) hypothèse de la structure des ventes de la branche d’activité fixe (modèle C); ou
  • d) hypothèse de la structure des ventes de produits fixes (modèle D).

Sur la base des résultats du questionnaire (graphique suivant), le modèle A est l’hypothèse la plus utilisée pour le produit IOT par produit, tandis que pour les tableaux de l’industrie par industrie, le modèle D est le plus utilisé. La Belgique, la France, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni utilisent une hypothèse hybride dans laquelle les hypothèses technologiques du produit et de l’industrie sont combinées afin d’éviter les négatifs dans les tableaux transformés. L’Autriche, l’Estonie, la Lettonie, la Suisse et la Turquie utilisent la procédure Almon, qui peut également être utilisée pour éviter les effets négatifs dans les IOT par produit.

Hypothèses utilisées pour les tableaux entrées-sorties

Source : Eurostat

 

En Tchéquie, à Chypre, au Danemark, en Finlande, en France, en Grèce, en Irlande, en Lituanie, en Macédoine du Nord, au Portugal, en Suède et en Suisse, le détail des produits utilisé dans les TES est égal à celui utilisé pour les tableaux des ressources et des emplois au niveau opérationnel (graphique suivant). Pour le Danemark et les Pays-Bas, les informations sur la diffusion manquent car ces pays ne transmettent que des tableaux branche par branche. La Tchéquie, le Danemark, la Grèce, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, la Macédoine du Nord et la Suisse utilisent le même niveau de détail par branche d’activité dans les tableaux d’entrées-sorties que dans les tableaux des ressources et des emplois

Niveau de détail pour IOT – produits

Niveau de détail pour les IOT – branches

 

Aux Pays-Bas, les IOT sont diffusés en même temps que les TRE, soit 6 mois après la fin de la période de référence. Le Danemark les diffuse 10 mois après l’année de référence et le Luxembourg 12 mois après. En Tchéquie, en Finlande et en Suède, les IOT deviennent disponibles après 24 mois. La France et la Slovénie publient à T+30 mois, ce qui est toujours en avance sur l’exigence légale de T+36. Seuls quatre pays (Danemark, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni) révisent leurs IOT initiaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VI – LES EMPLOIS DIRECTS ET INDIRECTS

Le calcul des effets directs et indirects se fait à partir des coefficients techniques du TES domestique. En économie ouverte, on peut connaître la hausse de la production suite à une hausse de la demande finale, moyennant les importations. Car une hausse de la demande finale est en partie satisfaite par celles ci.

Il s’agit d’estimer les multiplicateurs keynésiens simples d’un changement d’une unité de la demande finale sur les secteurs d’activités à partir du TES symétrique en économie ouverte.

On peut distinguer les différents effets :

  • directs,
  • indirects,
  • induits.

 

 

1/ Effets directs et indirects

Par exemple, une augmentation d’une unité de la demande finale de service de santé entraîne une hausse de 0,9 de la production de santé (effet direct) car une partie peut être importée. Cette hausse entraîne une augmentation de 0,2 de la production dans la branche (A) (médicaments) et d’autres branches (B) par le biais des CI de ceux ci par la branche santé (effets indirects). Le schéma suivant résume ces effets.

La variation de la production (respectivement les importations) se décompose ainsi en deux effets : un effet direct et un effet indirect.

  • L’effet direct représente la variation de la production par branche qui répond immédiatement au choc de demande. Par exemple, la hausse de la demande en produit santé va avoir pour effet une augmentation de la production du produit (\branche) santé ainsi que des consommations intermédiaires du produit (\branche) santé.
  • L’effet indirect représente la variation de la production due aux consommations intermédiaires des branches précédentes ainsi que les variations de production dues à ces dernières consommations intermédiaires et ainsi de suite. Par exemple, la hausse de la demande du produit santé va augmenter la production du produit (\branche) pharmacie et ainsi de suite.

 

Cependant, ces effets ne sont pas formulés de la même manière selon la modélisation retenue :

➢ Pour la modélisation en contenus (importation, valeur ajoutée ou emploi), l’effet direct représente les importations, la valeur ajoutée, qui satisfont directement l’emploi final considéré, sans rentrer dans le processus de production domestique. L’effet indirect représente les importations, la valeur ajoutée transitant par les consommations intermédiaires qui servent, à travers la production domestique, à satisfaire la demande finale.

➢ Pour les modélisations de variation de demande, l’effet direct représente la variation de la production par branche qui répond immédiatement au choc de demande ou de prix. Ainsi, l’effet direct d’un choc de demande sur un produit A intègre l’impact immédiat sur la production et les consommations intermédiaires de la branche A. L’effet indirect prend en compte les conséquences sur les autres branches de l’impact du choc sur les consommations intermédiaires de la branche A.

Pour synthétiser la différence d’approche, les consommations intermédiaires « de premier ordre » sont prises en compte dans l’effet direct pour les modélisations en variation de demande finale (sinon l’effet direct correspondrait au choc exogène seulement), mais dans l’effet indirect pour la modélisation en contenus (voir ci-dessous).

 

 

 

2/ Les effets induits

Enfin, il y a aussi des effets induits : la hausse d’une unité de la production de santé entraîne une hausse de la VA de la santé qui donne lieu à des rémunérations et un excédent brut d’exploitation (EBE) qui serviront à la consommation finale ou à l’investissement. Tout ceci entraîne une nouvelle demande finale, qui génère une production « induite ». C’est le multiplicateur keynésien de la demande finale.

 

 

Ce modèle a donné lieu à des travaux en tenant compte cette fois du commerce extérieur (page TES mondial). De nombreux documents ont été présentés à la conférence International Input-Output Association (IIOA) [4], [5], [6].

 

 

3/ L’effet total (cumulé) des emplois : le cas de la France en 2019

Les économistes cherchent souvent à estimer les emplois directs et indirects d’une branche. Il existe une multitude de définitions des emplois directs et indirects. On se réfère ici à une étude qui semble reprendre l’orthodoxie dans ce domaine [7] https://www.plan.be/publications/publication-210-fr-quelques_applications_a_l_aide_du_tableau_entrees_sorties_1995.

L’effet total (cumulé) serait décomposé en trois catégories  :

1 : initial (l’effet chez le producteur du produit final)
2 : direct (l’effet chez les fournisseurs en première ordre)
3 : indirecte (l’effet chez tous les autres fournisseurs en amont en théorie jusqu’à l’infini)

 

Mais la littérature rend souvent  un raccourci :

’emploi direct’ = emploi initial_orthodox
’emploi indirect’ = emploi  (direct + indirect)_orthodox

Certains calculs matriciels se font en deux phases (limitations); pour ce genre de calculs on utilise un outil ‘LArray’ développé en Python librement disponible https://larray.readthedocs.io/en/stable/.

Quoi qu’il arrive, la somme cumulée des 3 formes d’emploi est égale à la somme des emplois observés dans l’économie. Alors que de nombreuses études spécifiques à certaines branches, parviennent à une somme des emplois directs et indirects supérieure à celle de la branche de telle sorte qu’en sommant tous ces emplois directs et indirects  par branche, on aboutit à un total des emplois directs et indirects supérieur au total observé de l’économie.

Dans la méthode présentée ici, il y a des branches où l’emploi cumulé est inférieur à l’emploi observé et d’autres où c’est le contraire. L’exemple fictif ci-dessous permet de calculer les 3 catégories d’emplois. Il est ensuite appliqué au TES symétrique français de 2019.

 

 

a) Les matrices cumulées d’emplois : aspect théorique

 il est possible de construire une matrice d’emplois cumulés. On s’interrogera alors sur le nombre d’emplois qu’il est nécessaire de mettre en œuvre dans toutes les branches, pour satisfaire à la demande finale d’un bien déterminé.

Pour ce faire, on a recours à des coefficients d’emploi par produits. Ceux-ci sont définis comme le rapport entre l’emploi observé dans une branche et le montant de la production de cette branche.

Soit q le vecteur de la production domestique par groupe de produits. On peut écrire :

avec L  le vecteur de l’emploi observé par produit (branche homogène).

L’emploi cumulé par produit est alors calculé par l’opération matricielle suivante:

Avec Ad la matrice des coefficients techniques de la production intérieure et où la matrice , appelée aussi ‘matrice inverse de Leontief constitue le  cœur du modèle input-output.

et   : le vecteur de la demande finale d’origine intérieure par groupe de produits

L’élément j de ce vecteur est égal au total des emplois qui sont nécessaires dans chaque branche, pour satisfaire la demande finale d’origine intérieure du produit j.

L’emploi cumulé peut être calculé pour chaque composante de la demande finale. La formulation est alors la suivante :

Quant au tableau des emplois cumulés correspondant au tableau input-output cumulé pour la production intérieure, il est donné par :

Les totaux des colonnes de cette matrice sont égaux à l’emploi cumulé par produit de l’équation précédente; les totaux des lignes sont égaux à l’emploi L observé par branche homogène. L’élément (i, j) représente l’emploi cumulé qui est nécessaire dans la branche i pour satisfaire la demande finale d’origine intérieure du produit j.

Les emplois directs et cumulés s’obtiennent en divisant respectivement la demande finale produite localement et la production cumulée engendrée par celle-ci, par la production par personne.

 

b) Un exemple fictif du calcul des emplois directs et indirects

On suppose une économie à 3 produits-branche A, B, C. L’exemple numérique considère (comme souvent) une économie fermée (sans importations). Le premier tableau est en quelque sorte un TES symétrique domestique aux prix de base où chaque production d’une branche est égale à l’emploi total correspondant de ce produit (voir flèche).

Le second tableau présente les matrices des coefficients techniques sur la production, la valeur ajoutée et l’emploi. Le coefficient technique d’un produit par une branche est le rapport entre la CI de ce produit et la production de la branche.

Le dernier tableau présente le calcul des 3 formes d’emplois :

  • initial (effet chez les producteurs de la demande finale),
  • direct (l’effet chez les fournisseurs en première ordre),
  • indirect (l’effet chez tous les autres fournisseurs en amont en théorie jusqu’à l’infini).

Le total des 3 formes d’emploi est égale au total de l’emploi de l’économie. Au total, les emplois cumulés de la branche A sont supérieurs (540 milliers) aux emplois observés de cette branche (300 milliers). Ceux cumulés de la branche C sont inférieurs (1853 milliers) contre 2200 milliers observés.

On peut aussi dire que les emplois indiqués en ligne correspondent aux emplois des branches et les emplois indiqués en colonne correspondent aux emplois des produits.

Dès lors, on a pour les branches (en arrondissant) :

  • la branche A : 188 milliers d’emplois direct initial, 58 milliers d’emplois directs effet fournisseur et 55 milliers d’emplois indirects, soit un total de 300 milliers,
  • la branche B : 217 milliers d’emplois direct initial, 147 milliers d’emplois directs effet fournisseur et 136 milliers d’emplois indirects, soit un total de 500 milliers,
  • la branche C : 1 169 milliers d’emplois direct initial, 527 milliers d’emplois directs effet fournisseur et 504 milliers d’emplois indirects, soit un total de 2200 milliers,

 

Par contre, si on s’intéresse aux produits, on a pour :

  • le produit A : 188 milliers d’emplois direct initial, 129 milliers d’emplois directs effet fournisseur et 188 milliers d’emplois indirects, soit un total de 3504 milliers,
  • le produit B : 217 milliers d’emplois direct initial, 201 milliers d’emplois directs effet fournisseur et 225 milliers d’emplois indirects, soit un total de 642 milliers,
  • le produit C : 1 169 milliers d’emplois direct initial, 402 milliers d’emplois directs effet fournisseur et 283 milliers d’emplois indirects, soit un total de 1853 milliers.

Tableau 11 exemple numérique 3 branche

Premier tableau de l’exemple fictif

Second tableau de l’exemple fictif

Troisième tableau de l’exemple fictif

 

 

 

 

c) La matrice cumulée des emplois en France

La matrice cumulée des emplois permet de se faire une idée plus précise des produits où se manifestent les effets  multiplicateurs, lorsque l’on agit sur la demande finale d’un produit déterminé. Cette matrice est calculée selon la formule précédente.

À titre d’illustration, le tableau suivant donne les résultats du calcul de cette matrice, agrégés au niveau des quatre grands secteurs d’activité: l’agriculture, l’industrie (énergie, manufacture), la construction et les services. En colonne, on lit les emplois qui sont nécessaires, dans toutes les branches, pour satisfaire la demande finale d’un produit déterminé. Les totaux en lignes donnent l’emploi observé par branche.

Ainsi, sur les 753 milliers d’ emplois que compte l’agriculture, il apparaît que 324 milliers travaillent à la satisfaction de la demande finale de produits spécifiquement agricoles (céréales, fruits, animaux vivants,…), et qu’un nombre presque égal (321 milliers) travaille pour la production des industries notamment agro-alimentaires (voir second tableau) qui produisent pain, viande, produits laitiers, boissons, surgelés,… Les 100 milliers emplois restant répondent à la demande des services (plus spécialement la restauration – hôtellerie). Enfin, les emplois cumulés sont  de 407 milliers, donc inférieurs de 346 milliers aux emplois observés (753 milliers).

Tableau-11-calcul-des-emplois-directs-et-indirects-France_2019-1-2_extra (1) (2)

Emploi cumulé et observé par grands groupes de produits en France en 12019 (en milliers)

 

Le cas de l’agriculture est ainsi une bonne illustration des coûts et l’emploi cumulés (redistribution des effets directs et indirects). Si on regarde la matrice de l’emploi cumulé, on constate que 300,7 milliers de l’emploi observée de l’agriculture est attribué à l’emploi cumulé de l’industrie alimentaire (IAA). La plus grande partie vient de l’effet direct (216,6 milliers). C’est typique pour une branche qui fait beaucoup de livraisons intermédiaires par rapport à ses livraisons finales. L’agriculture vend par exemple des bœufs et du blé à l’industrie alimentaire qui les transforme en viande de bœuf et du pain.  Un autre exemple de ce phénomène est la branche services juridiques, comptables, de gestion, d’architecture, d’ingénierie, de contrôle et d’analyses techniques, branche MA (services aux entreprises dans le tableau suivant) : emploi cumulé 708,6 milliers, emploi observé 1370,8 milliers. Mais ici le transfert de l’emploi observé vers l’emploi cumulé se passe à travers toutes les branches, par exemple 810,4 milliers vers le reste. Les chiffres commentés ici sont en jaune dans le tableau suivant.

 

 

Emploi observé et emploi cumulé dans quelques branches de l’économie en milliers

Source : Calcul de l’auteur à partir du TES symétrique de 2019 de la France

 

S’agissant du tableau des 3 formes d’emplois (initial, directe et indirect), il montre l’importance de l’emploi initial (l’effet chez le producteur du produit final).

Emplois (initial, direct et indirect) en milliers d’effectifs en France en 2019

Source : Calcul de l’auteur à partir du TES symétrique de 2019 de la France

 

 

 

 

 

 

VII – EFFETS DIRECTS ET INDIRECTS EN FRANCE D’UNE HAUSSE D’UNE UNITÉ DE LA DEMANDE FINALE

On peut aussi se demander quelle conséquence sur la production et les importations a une hausse de la demande finale d’une unité de produits par exemple industriels en France ?

Dans ce cas, on part du TES symétrique précédent de 2017, notamment du TEI domestique et du TEI importé français, et des coefficients techniques qui s’y trouvent pour 5 grands blocs (niveau le plus agrégé de la nomenclature).

Le modèle input-output est en effet basé sur l’exploitation des TES symétriques nationaux et internationaux. Dans les TES symétriques, on a vu que les équilibres entre les ressources et les emplois nationaux (ERE) sont valorisés au prix de base, alors que les emplois finals sont habituellement valorisés au prix d’acquisition dans les TES « classiques ».

Les TES symétriques reposent sur l’égalité suivante :

(1) P+M=CI +DF

P : la production nationale (produit (\branche))

M : les importations

CI : les consommations intermédiaires (produit x produit (\branche))

DF : la demande finale (produit) : consommation des ménages, investissement, exportations,

Le TES symétrique est dans un second temps décomposé en une partie domestique et une partie importée, soit :

 

(2a) P=CI d+DFd

(2b) M=CI m+DFm

CI d : les consommations intermédiaires en produits domestiques (produits (\branche))

CI m : les consommations intermédiaires en produits importés

DF d : la demande finale en produits domestiques (produit)

DF m : la demande finale en produits importés (produit)

La matrice des coefficients techniques est ensuite définie à partir de la matrice des consommations intermédiaires. Les coefficients techniques sont calculés séparément pour la partie domestique et la partie importée. Le coefficient technique Aij  représente la quantité de produits i nécessaire pour produire une unité de produit de la branche j.

 

(3a) Ad=(CIijd / Pj)

(3b) Am=(CIij / Pj)

 

 

On dispose d’abord de la matrice des coefficients techniques à partir du TES symétrique de 2017.

Sous l’hypothèse que les coefficients techniques sont considérés comme stables et qu’il n’y a pas de substitution entre les produits.

On en déduit :

(4a) CId=Ad . P

(4b) CIm=Am .P

En insérant les équations (4) dans les équations (2), on obtient :

(5a) P=Ad .P+DFd

(5b) M=Am .P+DFm

Soit :

(6a) P=(I−Ad)−1 . DFd

(6b) M=Am .(I−Ad)−1 .DFd+DFm

Les équations (6a) et (6b) représentent respectivement la production et les importations induites par l’ensemble de la demande finale. La demande finale regroupe la consommation finale, la formation brute de capital fixe, les variations de stocks et les exportations.

 

Nous cherchons à estimer les variations de la production globale et des importations globales suite à une hausse de la demande finale d’une unité

Pour faire face à une variation exogène de la demande finale, la production (respectivement les importations) correspondante en réponse à cette hausse de la demande se définit ainsi :

(7a) Δ P=(I−Ad )−1 . ΔDFd

(7b) ΔM=Am.(I −Ad )−1 . Δ DFd+Δ DFm

Soit l’approximation matricielle suivante :

(8) (I−A)−1=I + A+ A2+ …+ An

Le développement est possible, à titre pédagogique, puisque la matrice des coefficients techniques est composée de montants proches de 0.

 

 

1/ effets directs et indirects sur la production

En insérant l’équation (8) dans (7a), on détermine les variations directes et indirectes de la production :

Δ P=(I+ Ad + Ad2+…+Adn ). Δ DFd

Δ P=(I+ Ad ). Δ DFd +( Ad2 +…+ Adn ). Δ DFd

(9a) Δ P=(I + Ad ). Δ DFd  « Effet direct » + [(I −Ad)−1−I−Ad]. ΔDFd « Effet indirect »

D’où les variations directes et indirectes de la production :

(10a) Δ Pdirecte = (I + Ad). Δ DFd

(10b) Δ Pindirecte = [(I−Ad)−1−I−Ad ]. Δ DFd

soit donc le calcul de l’effet direct, de l’effet indirect et de l’effet total :

 

Avec comme matrice (I −Ad)−1 en  2017 :

 

 

 

 

2/ effets directs et indirects sur les importations

De même, en insérant l’équation (8) dans l’équation (7b), on détermine les variations directes et indirectes des importations :

ΔM=Am.(I + Ad +Ad 2 +…+ Adn). Δ DFd+Δ DFm

ΔM=Am. Δ DFd +( Am. Ad + Am. Ad 2+…+ Am. Adn ). Δ DFd +Δ DFm

(9b) ΔM=Am . Δ DFd+ΔDFm    Effet direct + [ Am .(I −Ad)−1−Am]. Δ DFd  Effet indirect

D’où les variations directes et indirectes des importations :

(10c) ΔM direct = Am. Δ DFd+Δ DFm

(10d) ΔM indirect =( Am.(I−Ad)−1−Am). Δ DFd

Soient les deux effets calculés ci dessous

On a vu toutefois que l’effet direct en « modélisation en contenus » se limite seulement aux importations qui satisfont directement l’emploi final considéré, sans rentrer dans le processus de production domestique :

P=(I Ad)−1 . DFd

M=Am .(IAd)−1 .DFd +DFm

Dans ce cas l’effet direct sur les importations est le second terme de cette équation (soit la part des importations dans la demande finale). Alors que l’effet indirect est égal à : Am .(IAd)−1 .DFd.

Par rapport à la première modélisation (« de variation de demande »), on ne prend pas en compte le terme Am. Δ DFd, qui traduit le fait que toute demande finale importée entraîne du point de vue des producteurs des achats au premier degré. Dans la « modélisation en contenus », la part des effets directs est ainsi moindre que celle des effets indirects dans l’agriculture et l’industrie.

 

Ainsi, un choc basique de + 6,3 milliards d’euros de demande finale domestique sur le produit industrie a été réalisé en 2017. Ceci équivaut à une hausse de 1 % de la demande finale domestique en industrie. Cela a pour effet une variation de la production de 10,7 milliards d’euros soit + 0,25 %. Sur ces 10,7 Mds d’euros, 8  Mds d’euros proviennent de l’industrie elle-même (à 92 % de façon directe). Les importations augmentent de 3 milliards d’euros soit une hausse de +0,4 %. Les importations proviennent essentiellement de l’industrie elle-même.

 

 

 

VIII – CONTENU DE LA DEMANDE FINALE INTÉRIEURE EN VALEUR AJOUTÉE ET EN IMPORTATIONS

La demande finale d’un bien adressée à l’appareil de production national, peut se résumer en la création de valeurs ajoutées (qui contribuent à former le PIB) et le recours à des importations intermédiaires de biens et services. Autrement dit, le calcul des coûts cumulés fait en sorte que tous les inputs intermédiaires d’origine nationale soient finalement transformés en valeurs ajoutées.

On peut avoir deux approches :

  • soit le contenu en valeur ajoutée de la demande finale française qu’elle soit produite en France ou importée. On dispose d’une décomposition qui permet d’identifier l’origine de la VA, donc de séparer la VA française qui arrive dans la demande finale française (le made-in France), de la VA étrangère incorporée à la demande finale française. On s’appuie alors sur le TES symétrique total.
  • Soit le contenu en valeur ajoutée de la demande finale française intérieure (qui correspond à une production intérieure). On dispose d’une décomposition qui permet d’identifier l’origine de la VA, donc de séparer la VA française qui arrive dans la demande finale française intérieure, de la VA étrangère incorporée à la production intérieure (donc uniquement les CI importées). On s’appuie alors sur le TES symétrique domestique.

 

 

1/ Contenu en facteurs primaires et importations intermédiaires en France en 2019

a) Contenu des importations intermédiaires dans la demande finale

On reprend le même fichier que dans le chapitre 6. Globalement, on peut considérer que 80% de la demande finale (y compris les exportations) adressée à l’appareil de production national se transforment en valeur ajoutée, le solde étant fourni par l’importation allant en consommation intermédiaire. Dans les produits énergétiques et manufacturés, les contenus importés sont cependant nettement supérieurs à la moyenne, alors qu’ils sont très faibles dans les services.

Tableau-11-calcul-des-emplois-directs-et-indirects-France_2019-1-2_extra (1) (2)

Contenu de la demande finale en valeur ajoutée et importation intermédiaire par groupe de produit 2019 %


 

 

Au niveau des produits énergétiques, il faut distinguer les énergies primaires telles les produits de la cokéfaction et du raffinage, dont le contenu importé est évidemment très grand (73,6%) , de l’énergie électrique qui a par contre un contenu en valeur ajoutée particulièrement élevé, tout comme l’eau distribuée, l’assainissement et la gestion des déchets  (84 %).

Les produits industriels ont en moyenne un contenu en valeur ajoutée (63,5%) supérieur presque du double aux importations qu’ils génèrent (36,5%). Cette importation qui sert finalement à alimenter l’appareil de production national se compose pour une large part de matières premières, de produits métallurgiques et chimiques, de pièces détachées d’automobiles et d‘automobiles elles-mêmes. Les produits industriels qui engrangent les plus hauts taux de valeur ajoutée par unité de demande finale sont les produits “technologiques” tels que les produits informatiques, électroniques et optiques, aéronautique, produits pharmaceutiques, et les produits alimentaires. La construction a également un contenu élevé en valeur ajoutée.

Les services ont en moyenne un contenu en valeur ajoutée cumulée plus élevé que l’industrie (90% contre 63,5%). Il faut dire que les achats intermédiaires des branches de services, sont souvent constitués eux-mêmes d’autres services. Les taux de valeur ajoutée les plus élevés s’observent dans l’immobilier, les services publics et les services artistiques et du spectacle et services récréatifs. Les services aux entreprises et les activités financières ont également une assez forte composante de valeur ajoutée. Les transports , tout comme les services auxiliaires des transports, se situent entre les services et l’industrie.

Contenu de la demande finale en valeur ajoutée et importation intermédiaire par produit en 2019 en %

Source: Calcul de l’auteur à partir du TES symétrique français

 

 

 

b) Contenu des importations totales dans la demande finale

Globalement, on peut considérer que 75% de la demande finale (y compris les exportations) adressée à l’appareil de production national se transforment en valeur ajoutée, le solde étant fourni par l’importation totale (donc 25%), y compris celle allant en emplois finals. Dans les produits énergétiques et manufacturés, les contenus importés sont franchement supérieurs à la moyenne, alors qu’ils restent faibles dans les services.

Les produits industriels ont cette fois un contenu en valeur ajoutée de 44% contre 55% aux importations qu’ils génèrent. Cette importation qui sert finalement à alimenter l’appareil de production national et la demande finale se compose pour une large part de matières premières, de produits métallurgiques et chimiques, de d‘automobiles (le contenu des importations en matériels de transport est quand même de 65%). De nombreux produits (industries extractives, textile-habillement, produits pétroliers raffinés,..) ont un contenu en importation de l’ordre de 80%. L’agriculture a aussi un contenu en importations assez élevé : 41%.

Les produits industriels qui engrangent les plus hauts taux de valeur ajoutée par unité de demande finale sont les produits des IAA, du bois-papier, de la chimie, de la métallurgie et du caoutchouc-plastiques, autour de 55%. La construction a également un contenu élevé en valeur ajoutée.

Certains services ont un contenu en importations élevé comme les transports ou les télécommunications, voire la R&D atteignant les 3 cas près de 25%.

Contenu de la demande finale en valeur ajoutée et importation totale par groupe de produit 2019 en %

Contenu de la demande finale en valeur ajoutée et importation totale par produit en 2019 en %

Source: Calcul de l’auteur à partir du TES symétrique français

 

 

 

 

2/ Depuis 1965, le made in France a diminué tendanciellement de 11 points

Une étude de l’Insee revient d’abord sur quelques faits de l’intégration croissante au commerce international de la France et de ses partenaires sur les décennies passées, à l’aide d’indicateurs caractérisant le contenu en valeur ajoutée nationale des produits consommés [8]. Cette étude propose une estimation des effets de l’implantation d’un établissement en France relativement à une localisation à l’étranger, pour un même total de valeur ajoutée mondiale et des consommations finales inchangées.

Les calculs ne sont pas ici basés sur le TES symétrique français mais sur un TES international (issu de la base FIGARO d’Eurostat, voir page Chaînes de valeur mondiales). lLe calcul se fait donc avec l’ensemble du TIES, donc avec toutes les interactions entre la France et ses partenaires commerciaux mais aussi entre partenaires commerciaux. C’est une approche dite multi-régionale (MRIO) qui diffère de l’approche classique précédente  SRIO (single region) où l’on dispose juste de la France et d’un agrégat pour le reste du monde. Il est donc normal qu’on n’arrive pas au même résultat quand on utilise uniquement le TES français comme précédemment.

En 2019, tous secteurs confondus, 78 % de la  correspond à de la valeur ajoutée française et 22 % à de la valeur ajoutée étrangère. Le  a nettement baissé depuis 1965 ; il s’établissait alors à 89 %. En 2019, les biens consommés en France viennent pour 38 % de France quand il s’agit de biens manufacturés contre 82% en 1965 et plus que 48% en 2000 (tableau suivant). Cette part est toutefois plus élevée pour l’énergie (50 %) et les biens agricoles (58 %), et encore plus pour les services marchands (80 %) et la construction (96 %). Les calculs sont faits à partir de données en prix courants (en milliards d’euros).

Les biens industriels et agricoles peuvent être importés. Lorsque le bien final est produit sur le territoire, il s’accompagne de consommations intermédiaires avec un contenu importé élevé. Dans la branche énergie, la production est essentiellement intérieure, mais les matières premières sont importées dans les pays qui, comme la France, ne disposent pas de ressources fossiles sur leur territoire. Si la contribution française en matière de raffinage est en première approximation proportionnelle aux volumes, le made in de l’énergie fluctue fortement sur la période, en miroir avec les variations des prix des hydrocarbures.

Part de made in France par branche en %

 

 

3/ Le made in a baissé de manière similaire dans les pays européens comparables à la France

La taille du pays, mesurée par son PIB , joue un rôle important sur le niveau du made in. Un pays de grande taille satisfait avec sa propre production une plus grande part de sa demande intérieure finale. Mais il y a des exceptions comme la Suisse ou le Danemark. Toutes branches confondues, le made in est proche dans les pays de taille comparable en Europe en 2019, avec 75 % en Allemagne, 78 % en Espagne, et 80 % en Italie (graphique suivant). L’Irlande et les Pays‑Bas, des pays moins peuplés qui sont davantage intégrés au commerce international, ont des taux de made in plus faibles (respectivement 44 % et 63 %).  Mais  que signifient les importations dans ces deux pays, en partie réexportées aux Pays-Bas et du fait des GAFAM et autres grandes entreprises en Irlande ? Le made in est à l’inverse plus élevé aux États-Unis (83 %) et en Chine (87 %). Le made in France a diminué dans une proportion comparable à celle de ses grands voisins européens : la tendance est la même, que les pays soient en excédent ou en déficit courant, avec un chômage structurel élevé ou bas. Elle illustre le phénomène mondial d’allongement des , avec l’intégration de la Chine depuis une trentaine d’années (voir page Chaînes de valeur mondiales).

En miroir de la baisse du made in France depuis 1965, la production d’autres pays représente une part de plus en plus élevée dans la consommation française. Entre 2000, juste avant l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce, et 2019, la part de la Chine dans les contenus importés de la demande finale française augmente de 5,0 points  . La part des partenaires européens a tendance à s’éroder, avec une baisse particulièrement marquée sur cette même période pour le Royaume-Uni (-5,9 points), l’Allemagne (-3,6 points) et l’Italie (-2,3 points).

En 2019, le contenu importé des produits consommés en France provient principalement d’Allemagne (12,0 %), des États-Unis (11,8 %) et, dans une moindre mesure, de Chine (7,3 %), d’Italie (6,7 %) et d’Espagne (6,4 %). Les importations provenant d’Allemagne pour satisfaire la demande intérieure finale française sont assez variées. Certains produits proviennent principalement d’un pays particulier : c’est le cas par exemple des produits informatiques importés surtout de Chine ou des véhicules automobiles importés principalement d’Espagne. Les biens du champ manufacturier sont surtout importés d’Allemagne et de Chine, et les denrées alimentaires d’Allemagne, des Pays‑Bas et d’Italie.

Part de made in dans les principaux pays européens en %

 

4/ Près de 30 % des exportations françaises sont composées de produits importés

L’indicateur de made in France peut être complété par un indicateur de contenu en valeur ajoutée française dans les exportations, de manière à disposer des utilisations à la fois intérieures et extérieures de la valeur ajoutée produite en France. Il permet également d’avoir une mesure plus précise de la composante effectivement produite en France des exportations françaises, en tenant compte que, pour leur fabrication, celles-ci utilisent en partie des intrants importés. Cet indicateur renseigne également sur le degré d’intégration aux chaînes de valeur mondiales.

Depuis 1965, le contenu en valeur ajoutée intérieure des exportations françaises a diminué de près de 14 points, avec une stabilisation depuis 2011 (graphique suivant). En 2019, les exportations contiennent 71 % de valeur ajoutée intérieure et 29 % de valeur ajoutée étrangère. La part de valeur ajoutée intérieure dans les exportations est la plus élevée pour les matériels de transport et les services aux entreprises. À noter que l’Italie se distingue par une part plus élevée du contenu en valeur ajoutée intérieure.

Contenu en valeur ajoutée intérieure des exportations

 

 

5/ L’industrie, plus intégrée aux chaînes de valeur mondiales, est plus exposée à des ruptures de celles-ci

Le développement des chaînes de valeur s’accompagne, pour la France comme ses partenaires, de risques en matière de maîtrise des sources d’approvisionnement. La vulnérabilité d’une branche de l’économie à cet égard dépend de plusieurs facteurs.

  • Premièrement, si les importations représentent une part importante des consommations intermédiaires, sa production est fortement exposée aux chocs externes (voir page Désindustrialisation par pays).
  • Deuxièmement, si les importations sont concentrées sur un petit nombre de pays et de branches de provenance, la branche peut avoir des difficultés à s’adapter à des problèmes affectant l’un de ces pays. Cette difficulté est aggravée si les autres pays du monde importent des mêmes pays. En effet, une faible diversification de l’origine géographique des importations peut refléter une offre mondiale qui est concentrée dans quelques pays‑clés, provoquant un goulet d’étranglement en cas de chocs.

Il ressort que certaines branches cumulent trois critères associés à une forme de vulnérabilité : un contenu en import élevé de la demande finale française ; une structure de ces contenus faisant apparaître une plus forte concentration que la moyenne ( ; et une structure d’importation française proche de celle des autres pays, indice d’une offre mondiale concentrée susceptible de compliquer la diversification des importations. Le cumul de ces trois facteurs peut s’interpréter comme une situation de dépendance ou vulnérabilité.

Ces secteurs sont notamment ceux de la fabrication de matériel de transport autre qu’automobile, de la fabrication de textile-habillement, des produits pétroliers raffinés, des produits pharmaceutiques, et enfin des produits informatiques et électroniques . Dans une moindre mesure, la demande finale en produits agricoles apparaît comme assez concentrée, mais sa faible corrélation avec la structure d’importation des autres pays laisse envisager une concentration de circonstance liée à des proximités géographiques, par exemple due à des contraintes de conservation des produits.

 

 

 

 

6/ Plus d’activité et d’emploi induits par une localisation d’activité dans l’industrie manufacturière

L’attractivité d’une économie se mesure par sa capacité à attirer des investissements directs étrangers contribuant à l’activité et à l’emploi. Localiser l’investissement sur le territoire national induit des effets directs sur l’emploi et la valeur ajoutée, mais aussi des effets indirects qui passent par la réorganisation des chaînes de valeur locales et internationales. A contrario, lorsque l’investissement est localisé à l’étranger, ce qui entraîne des importations de produits (finis ou intrants intermédiaires pour les entreprises françaises), les conséquences sur l’activité (et les émissions de gaz à effet de serre sont très différentes). Des simulations permettent de comparer les conséquences économiques et environnementales de ces deux situations, selon qu’un établissement s’installe en France ou à l’étranger. L’exercice est réalisé à demande finale identique dans les deux situations pour tous les produits, en France comme à l’étranger, à structure productive et prix des facteurs de production inchangés Les simulations ne visent pas à identifier les conditions permettant d’obtenir qu’une activité s’installe en France, mais à mesurer des ordres de grandeur en mettant en évidence les écarts entre secteurs, notamment dans l’industrie manufacturière où se concentrent les enjeux de vulnérabilité et dont les choix d’implantation entre pays sont plus guidés par des logiques d’attractivité que dans la plupart des services.

Ainsi, si un établissement manufacturier produisant 1 Md€ de valeur ajoutée s’installait en France plutôt qu’à l’étranger, la valeur ajoutée augmenterait en France de 1,6 Md€ en tout, avec un entraînement des chaînes de fournisseurs de cet établissement à hauteur de 1,0 Md€. Le multiplicateur de valeur ajoutée, c’est-à-dire la hausse de valeur ajoutée totale rapportée à la hausse de valeur ajoutée de l’établissement supplémentaire, est égal à 2,0 dans l’industrie manufacturière (tableau suivant). Au sein de l’industrie manufacturière, ce multiplicateur de valeur ajoutée est particulièrement élevé quand l’activité de l’établissement se situe dans l’industrie agro-alimentaire et l’industrie automobile (2,6), ainsi que dans l’industrie du bois et du papier (2,2). L’effet d’entraînement sur le reste de l’économie est plus faible avec un établissement dans la construction (multiplicateur de valeur ajoutée égal à 1,9), l’agriculture (1,7) et les services marchands (1,6).

 Effets sur la valeur ajoutée, la production et le made in de l’implantation d’activité en France plutôt qu’à l’étranger, en 2019

 

 

 

 

 

 

 

IX – L’EMPREINTE CARBONE LIÉE AU COMMERCE MONDIAL

Plusieurs études mettent en évidence  les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la production intérieure d’un pays et à son commerce avec les autres pays. Compte tenu des délais de mises à jour des TES inter-pays, les données portent sur les années 2018-2019-2020 (voir aussi page Compte Environnement pour la méthodologie et des résultats).

Selon l’Insee, l’empreinte carbone d’un pays représente la quantité de gaz à effet de serre (GES) induite par la demande finale intérieure d’un pays (consommation des ménages, des administrations publiques et des organismes à but non lucratif et les investissements), que les biens ou services consommés soient produits sur le territoire national ou importés.

L’empreinte carbone d’un pays est donc constituée :

  • des émissions directes de GES des ménages (principalement liées à la combustion des carburants des véhicules particuliers et la combustion d’énergies fossiles pour le chauffage des logements) ;
  • des émissions de GES issues de la production intérieure de biens et de services destinée à la demande intérieure (c’est-à-dire hors exportations) ;
  • des émissions de GES associées aux biens et services importés, pour usage final des ménages ou pour les consommations intermédiaires des entreprises pour produire les biens et services destinés à la demande intérieure.

En tenant compte du contenu en gaz à effet de serre des importations, l’empreinte carbone permet d’apprécier les pressions sur le climat de la demande intérieure d’un pays quelle que soit l’origine géographique des produits consommés.

 

 

1/ Les émissions de dioxyde de carbone incorporées dans le commerce international (pays de l’OCDE)

Selon l’OCDE, les six plus grands pays producteurs et consommateurs d’émissions de CO2 en 2018 étaient la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Fédération de Russie, le Japon et Allemagne; l’Union européenne (EU27_2020) est également incluse à titre de référence [9]. Alors que depuis 1995, la production et la consommation d’émissions ont diminué au Japon, en Allemagne et dans l’Union européenne, on a assisté à une augmentation significative en Chine et en Inde. La Chine a les émissions absolues les plus élevées, tant du point de vue de la demande que de la production. Cependant, même si la demande chinoise par habitant en émissions de CO2 a triplé en 2018, par rapport à 1995, la demande américaine par habitant en 2018 était toujours de 2,8. fois supérieur à celui de la Chine.

Production et consommation totales basées CO2 émissions des 6 principaux émetteurs

Contenu en émissions de dioxyde de carbone des échanges internationaux

 

 

La plupart des pays de l’OCDE externalisent la production des biens à forte intensité de carbone vers d’autres pays, or la demande d’importation qui en découle conduit à une augmentation des émissions mondiales de GES. Ce phénomène peut s’apparenter à une délocalisation des émissions de carbone et compromettre les effets des politiques environnementales et climatiques, si ces autres pays disposent de technologies moins sobres en carbone et de normes environnementales moins strictes (voir ci-dessous l’exemple de la France). Cette situation donne lieu à des pressions de plus en plus forte en faveur de la mise en œuvre d’ajustements carbone aux frontières.

Les objectifs et les mesures de réduction des émissions de GES de chaque pays sont au cœur de l’Accord de Paris. Cela dit, cet accord ambitionne de faire reculer les émissions à l’échelle mondiale. Ainsi, les pays peuvent remplir leurs objectifs tout en faisant l’acquisition de produits et de services à forte intensité de carbone auprès d’autres pays. Les efforts consentis par les pays développés pour faire baisser les émissions mondiales pourraient obtenir davantage de résultats si les émissions étaient considérées du point de vue de la demande finale.

Dans les pays de l’OCDE, l’empreinte carbone, qui correspond à la totalité du CO2 émis partout dans le monde pour répondre à la demande finale intérieure dans un pays ou une région donnés, est généralement supérieure aux émissions imputables à la production intérieure.

Le graphique suivant présente des données relatives aux émissions de GES liées à la consommation et à la production dans des pays membres et non membres de l’OCDE. Ces données font apparaître que les émissions totales de CO2 sont en hausse dans les pays non membres et qu’elles ont même atteint un niveau supérieur à celui relevé pour les pays de l’OCDE en 2007, sous l’impulsion de l’accroissement des émissions constaté en Chine. Par ailleurs, les émissions de CO2 des pays de l’OCDE ont atteint un pic en 2006 et demeurent plutôt constantes depuis cette date. Dans la zone OCDE, les émissions imputables à la consommation sont cependant supérieures à celles découlant de la production : cette différence s’explique par les importations de produits à forte intensité de carbone provenant de pays non membres de l’OCDE.

 

 Via leurs importations, les pays de l’OCDE externalisent leurs émissions vers des pays non membres

 

 

 

 

La différence entre les émissions de carbone basées sur la production et celles basées sur la demande est mise en évidence dans le graphique ci-dessous. Alors que les pays de l’OCDE, au total, sont des importateurs nets de carbone intrinsèque (la ligne bleue continue représentant les émissions basées sur la demande est au-dessus de la ligne bleue en pointillés représentant les émissions basées sur la production), les pays non membres de l’OCDE, dans leur ensemble, sont nets. exportateurs. Notez que la zone ombrée en bleu (importations nettes de l’OCDE) et la zone verte (exportations nettes des pays non membres de l’OCDE) ont exactement la même taille, c’est-à-dire que les importations nettes de l’OCDE sont les exportations nettes de carbone incorporé des pays non membres de l’OCDE. Les importations nettes de l’OCDE ont augmenté à partir de 1995 pour atteindre un sommet en 2006 et, depuis lors, elles ont progressivement diminué.

CO2 total basé sur la production et la consommation émis par les pays de l’OCDE et les pays non membres de l’OCDE

Source : OCDE

 

 

Cependant, tous les pays de l’OCDE ne sont pas des importateurs nets de carbone et, de même, toutes les économies non membres de l’OCDE ne sont pas des exportateurs nets. Par exemple, dans la zone OCDE, le Canada, la Corée, la Pologne, la Turquie, la République tchèque, les Pays-Bas et le Danemark étaient des exportateurs nets en 2018, tandis que parmi les économies non membres de l’OCDE, l’Argentine et le Brésil étaient des importateurs nets. Si l’on considère les pays de l’OCDE et du G20, la moyenne des trois plus grands émetteurs de CO2 par habitant (Australie, Arabie Saoudite et États-Unis), 16,6 tonnes de CO2), soit près de 8 fois plus élevé que celui des trois principales économies ayant les émissions par habitant les plus faibles (Brésil, Indonésie et Inde, 2,0).

Émissions basées sur la production et la consommation par habitant dans certains pays

Source : OCDE

 

 

 

2/ Localiser l’activité en France fait baisser les émissions mondiales de CO₂

La France se caractérise par un mix énergétique et une production moins carbonée que ses principaux partenaires économiques . Par conséquent, si un établissement s’installe en France plutôt qu’à l’étranger, une plus grande part du PIB mondial est alors produite en France et les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) sont plus faibles [8]. Cette baisse des émissions mondiales de GES, qui est visible quelle que soit la branche d’activité de l’économie, est évaluée à 740 ktCO₂ pour un nouvel établissement manufacturier générant 1 Md€ de valeur ajoutée (tableau suivant).

Cette baisse est d’autant plus prononcée que l’activité augmente en France dans des branches où l’intensité en émissions de GES est nettement inférieure en France à ce qu’elle est dans le reste du monde. Ainsi les branches équipements électriques et produits chimiques sont toutes les deux très carbonées dans le reste du monde : l’installation de ces activités en France plutôt qu’à l’étranger permet d’y éviter 1 290 et 1 800 ktCO₂ respectivement. Mais la production d’équipements électriques est très largement moins carbonée en France qu’à l’étranger, si bien que les émissions carbone augmentent de seulement 170 ktCO₂ en France pour un établissement dans cette branche, c’est-à-dire 13 % de la baisse des émissions observée à l’étranger. C’est moins vrai pour la branche produits chimiques, pour laquelle l’augmentation sur le territoire national est de 980 ktCO₂, soit 54 % de la baisse à l’étranger.

Effets sur les émissions de CO2 de l’implantation d’activité en France plutôt qu’à l’étranger, en 2019

 

Le changement de structure de production mondiale modifie aussi la répartition des émissions de GES. Puisqu’elle augmente la production française, la localisation d’activité en France plutôt qu’à l’étranger augmente les émissions de GES sur le territoire français, ce qui freine l’atteinte des objectifs nationaux de baisse d’émissions de GES, qui portent sur les . A contrario, les émissions à la production, et donc l’inventaire national, baissent dans la plupart des autres pays, ce qui facilite l’atteinte de leurs objectifs nationaux. Avec la localisation d’activité manufacturière en France plutôt qu’à l’étranger, la baisse des émissions serait particulièrement marquée en Chine (-280 ktCO₂), en Allemagne (-80 ktCO₂), en Russie, aux États-Unis et en Inde (-70 ktCO₂) (carte suivante). Comme les produits français relativement peu carbonés représenteraient alors une plus grande part de la consommation de ces autres pays, l’empreinte carbone baisserait dans tous les pays.

Effets de l’implantation d’activité manufacturière en France plutôt qu’à l’étranger sur l’empreinte carbone par pays, en 2019  en ktCO2

 

 

 

 

X – MODIFICATIONS DES COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION : IMPACT SUR LA  VALEUR AJOUTÉE

La pandémie de coronavirus aura de multiples répercussions sur les économies de l’UE. Une étude d’Eurostat examine uniquement l’impact en termes de valeur ajoutée des modifications prévues de la consommation de produits spécifiques, par rapport à la situation de « référence », c’est-à-dire la structure des intrants et de la production de l’UE en 2019 [10]. Dans l’UE, la pandémie de coronavirus a conduit à divers degrés de mesures de confinement dans tous les pays. Les mesures de confinement affectent plus ou moins la consommation finale de certains produits. Par exemple, la consommation de services d’hébergement et de restauration (CPA I) diminue tandis que la consommation de services publics de santé (CPA Q86), de produits pharmaceutiques (CPA C21) ou de produits alimentaires (CPA C10) augmente ou reste stable.

1/ La consommation de l’UE représentait 67 % du PIB

Les statistiques de suivi de la demande de l’UE en 2019 par les ménages, les ISBLSM (institutions sans but lucratif au service des ménages) et les administrations publiques (dépenses de consommation finale en termes de comptes nationaux) révèlent que la consommation finale s’élevait à 9 383 157 millions d’EUR, soit 67 % du PIB de l’UE. Les deux tiers de la consommation étaient constitués de la consommation des ménages, 2 % de la consommation des ISBLSM et les 30 % restants de la consommation des administrations.

Les principaux produits consommés (tableau suivant) dans l’UE sont les services immobiliers (principalement la location) et les services publics de santé et d’action sociale (chacun représentant 14 % de la consommation finale) ainsi que les produits manufacturés (15 %), les services commerciaux ( 12 %), les services d’éducation (7 %) et les services d’hébergement et de restauration (6 %).

Répartition de la consommation finale, UE, 2019 en %

 

Parmi tous les produits manufacturés (graphique suivant), les principaux produits consommés par les ménages de l’UE étaient les produits alimentaires, les boissons et les produits du tabac (5,7 % de la consommation finale), les véhicules à moteur, les remorques et les semi-remorques (1,9 %), les textiles, les vêtements, cuir et produits connexes (1,5 %), coke et produits pétroliers raffinés et produits pharmaceutiques de base (chacun 1,1 % de la consommation finale).

Part des produits manufacturés dans la consommation finale de l’UE, 2019 en %

2/ La valeur ajoutée de la production générée par la consommation dans l’UE représente 59 % du PIB

En 2019, la valeur ajoutée générée par la consommation finale de l’UE a atteint 8 200 987 millions d’EUR, soit 58,9 % du PIB de l’UE. La consommation de certains produits a généré plus de valeur ajoutée que d’autres (premier graphique suivant). La consommation des services immobiliers a généré 1 276 955 millions d’EUR de valeur ajoutée, les services de l’administration publique et de la défense 999 382 millions d’EUR, les services de santé publique 885 361 millions d’EUR, les services d’éducation 646 901 millions d’EUR, les services de commerce de détail 630 824 millions d’EUR, les services d’hébergement et de restauration 563 206 millions d’euros.

Cependant, cet ordre est inversé lorsque l’on considère la valeur ajoutée par la consommation finale par rapport à la valeur ajoutée du produit ou du service lui-même (second graphique suivant). La consommation des agences de voyages, des voyagistes et des autres services de réservation et liés aux voyages (CPA_N79) a généré 64 527 millions d’euros de valeur ajoutée, soit plus du double de la valeur ajoutée de cette industrie. Cela signifie que les services des agences de voyages (N79) ont généré des effets d’entraînement dans d’autres secteurs pour un total de 7 822 millions d’EUR, principalement dans les services d’hébergement et de restauration (I). La valeur ajoutée générée par la consommation d’aliments, de boissons et de produits du tabac représentait 166 % de la valeur ajoutée du produit. La valeur d’entraînement est principalement générée pour les produits agricoles (A01).

Valeur ajoutée générée par la consommation finale en 2019 en millions d’euros

Valeur ajoutée générée par la consommation finale, en pourcentage de la valeur ajoutée du produit

 

 

 

3/ Évolution simulée de la consommation finale

Eurostat a utilisé les données pour simuler certains scénarios sur la manière dont la structure de l’économie de 2019 aurait été affectée par une pandémie de COVID. Il ne cherche pas à faire des prévisions pour 2020 ou au-delà.

Fin mars-début avril, la presse européenne et les instituts nationaux de statistique ont commencé à fournir des données sur l’évolution des comportements de consommation. L’INSEE a indiqué dans ses Perspectives économiques pour la France du 26 mars 2020 que « concernant la consommation, nous estimons que la consommation totale des ménages en France se situe également actuellement à 65 % de son niveau normal, avec évidemment de très fortes différences sectorielles ». L’institut statistique allemand Destatis a indiqué dans son communiqué de presse n° 146 du 23 avril 2020 que « la demande de biens de consommation spécifiques diminue pendant la crise du coronavirus.(…) Les produits de segments spécifiques peuvent soit ne pas être disponibles brièvement, soit les la demande peut être satisfaite dans certaines régions ».

Une simulation a été faite de l’effet de la pandémie de coronavirus sur la valeur ajoutée, en référence à la structure de production de l’UE en 2019, non modifiée par la pandémie. La simulation laisse également inchangées les composantes de la valeur ajoutée (salaires et coûts de main-d’œuvre, excédents bruts d’exploitation et revenus mixtes), même si la pandémie de coronavirus a eu évidemment des effets sur la structure de la consommation intermédiaire des industries et sur les apports de travail et de capital à la production. traiter. Le seul facteur variable dans la simulation est la consommation finale. Sur 64 produits qui décrivent la structure de production de l’UE dans le tableau entrées-sorties, une augmentation ou une diminution prévue de la consommation de chacun des 64 produits a d’abord été examinée. La deuxième simulation a pris en compte les changements de la consommation finale pour tous les produits avec des changements positifs (augmentation) et négatifs (diminution). Pour chaque évolution de la consommation finale, la valeur ajoutée générée par cette partie de la consommation finale a été évaluée, toutes choses égales par ailleurs, et comparée à la situation de référence dans l’UE en 2019 (présentée précédemment).

a) Une baisse de 10 % de la consommation de services immobiliers aurait un impact en termes de VA de -0,9 % du PIB

Si la consommation de services immobiliers de l’UE diminuait de 10 %, la valeur ajoutée générée par la consommation de ces services diminuerait de 121 780 millions d’euros, soit une baisse de -0,9 % du PIB. Lae graphique suivant illustre les principaux produits pour lesquels une baisse de 10 % de la consommation a le plus grand impact en termes de part du PIB. Les services fournis par l’administration publique (CPA_O84) réduiraient le PIB de 0,7 % si la consommation de ces services diminuait de 10 %. Les services publics de santé auraient un impact de -0,6 % du PIB, les services d’éducation (-0,5 %), etc.

La formule mathématique utilisée pour calculer la valeur ajoutée générée par la consommation signifie qu’une augmentation de 10 % de la consommation d’un produit aurait la même ampleur que l’effet illustré au graphique précédent, mais dans un sens positif.

Différence de valeur ajoutée générée par une baisse de 10 % de la consommation finale en %

b) Impact en termes de valeur ajoutée de la simulation des variations de la consommation de l’UE en 2019

Le cadre des TES symétriques permet d’appliquer l’analyse entrées-sorties de Leontief au niveau de l’économie de l’UE (voir la section Contexte pour plus de détails). Les données pour l’UE en 2019 sont prises et une gamme de diminutions et d’augmentations de la consommation finale est envisagée, en fonction des produits. L’ampleur de la variation de la consommation finale est basée sur une estimation raisonnable et n’est pas étayée par des données réelles, car ces données ne sont pas encore disponibles au niveau de l’UE.

Sur la base des hypothèses présentées dans le tableau suivant sur l’évolution de la consommation finale, la valeur ajoutée générée par la consommation finale pourrait chuter de 4,7 % du PIB de l’UE en 2019.

 Évolution de la consommation finale en %

 

 

 

La perte de valeur ajoutée induite par l’évolution de la consommation est tirée par la valeur ajoutée générée par la consommation de services d’hébergement et de restauration qui diminuerait de 1,8 % du PIB, suivie d’une baisse de la consommation de produits manufacturés équivalant à -1,3 % de PIB. Même si la consommation de certains produits devrait augmenter (graphique suivant), la valeur ajoutée qu’ils généreraient s’élèverait à 147 969 millions d’euros (+1 % du PIB), loin de compenser la baisse simulée de 804 856 millions d’euros (–5,8 % du PIB).

Différence de valeur ajoutée générée par les variations de la consommation finale, part du PIB

 

 

 

 

Michel Braibant
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BIBLIOGRAPHIE

[1] https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/esa-supply-use-input-tables/overview

[2] From theory to practice: what makes the European Union’s Inter-Country Supply, Use and Input-Output tables different? J. M. Rueda-Cantuche, https://www.iioa.org/conferences/26th/papers.html voir aussi Assessment of European Use tables at basic prices and valuation matrices in the absence of official data José M. Rueda-Cantuche, Antonio F. Amores, Joerg Beutel & Isabelle Remond-Tiedrez,

https://ec.europa.eu/eurostat/documents/51957/51999/ESR+Assessment+of+European+Use+tables+at+basic+prices14_09_2017

[3] Méthodologie de l’élaboration de Tableau entrées-sorties (TES) et son application pour le Luxembourg; https://statistiques.public.lu/fr/actualites/economie-finances/conjoncture/2009/02/20090220/MethodologieElaborationTES.pdf

[4] An Alternative Approach for the Classification of Imports Data by Use and Industries-of-Destination: The Case of Israel. https://www.iioa.org/conferences/26th/papers/files/3128_20180516021_ClassificationofImportsDatabyUseandIndustries-of-Destination.pdf

[5] Environmental Costs of European Union Membership: a Structural Decomposition Analysis, I. Fernandes de Araújo,  https://www.iioa.org/conferences/26th/papers.html

[6] De Backer, K. and S. Miroudot (2013-12-19), “Mapping Global Value Chains”, OECD Trade Policy Papers, No. 159, OECD,https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/5k3v1trgnbr4-en.pdf?expires=1592226724&id=id&accname=guest&checksum=C872EEB2923E0B1A9A122905B1713EAB

[7] L. Avonds, V. Deguel, A. Gilot, octobre 2003,  https://www.plan.be/publications/publication-210-fr-quelques_applications_a_l_aide_du_tableau_entrees_sorties_1995

[8] Produire en France plutôt qu’à l’étranger, quelles conséquences ? A. Bourgeois , J. Montornes, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7702892

[9] https://www.oecd.org/industry/ind/carbondioxideemissionsembodiedininternationaltrade.htm

[10] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Changes_in_consumption_behaviour_-_impact_on_value_added#EU_consumption_accounted_for_67_.25_of_GDP

 

 

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)