VERS DES PRIX CHAÎNÉS ÉQUILIBRÉS ?

 

Dans les comptes nationaux, les grandeurs exprimées en volume sont publiées aux prix de l’année précédente chaînés. Ce mode de calcul rend mieux compte des évolutions des agrégats que celui à prix constants. Avec la première méthode, le poids de chaque composante élémentaire de l’agrégat est ré-estimé chaque année ; avec la seconde, la pondération est celle de l’année de base. Le chaînage permet donc de prendre en compte la déformation de structure de l’économie (prix relatifs, poids des différents produits dans la consommation, etc.) ce qui est souhaitable en particulier dans le cas de séries longues ou de composantes connaissant une évolution rapide (matériel électronique par exemple). Mais avec cette meilleure représentation, l’additivité disparaît. La consommation totale, par exemple, n’est pas la somme de la consommation en biens et de la consommation en services. Aussi, certains ne sont pas satisfaits de cette perte d’équilibre comptable et proposent une méthode pour revenir vers des prix chaînés équilibrés. Ils ont ainsi proposé un calcul des agrégats du TES en conservant l’égalité comptable des prix chaînés « équilibrés ».

In national accounts, the quantities expressed in volume are published at the previous year’s prices, with chain-linking. This method of calculation gives a better account of the evolution of the aggregates than the one at constant prices. With the first method, the weight of each elementary component of the aggregate is re-estimated each year; with the second, the weighting is that of the base year. Chaining therefore makes it possible to take into account the structural deformation of the economy (relative prices, weight of the various products in consumption, etc.), which is desirable in particular in the case of long series or components undergoing rapid change (electronic equipment for example). But with this better representation, additivity disappears. Total consumption, for example, is not the sum of consumption in goods and consumption in services. Some people are therefore not satisfied with this loss of accounting balance and propose a method for returning to balanced chain prices. They have thus proposed a calculation of the Supply and Use Table aggregates while maintaining the accounting equality of « balanced » chain prices.

 

«Pendant longtemps, les prix des comptes étaient mesurés avec une structure de prix fixe relative à une année donnée (l’année de base). On parle de « volumes à prix constants ». Mais cette méthode présente l’inconvénient de ne pas prendre en compte les déformations de la structure des prix relatifs. Afin de tenir compte des déformations de la structure des prix relatifs, il est possible de mesurer systématiquement l’évolution des volumes en fonction des prix de l’année précédente. Les comptes annuels sont ainsi calculés « aux prix de l’année précédente ». Les comptes sont de plus « chaînés » pour conserver les évolutions, et non les niveaux, des volumes aux prix de l’année précédente d’une année sur l’autre, à partir de la valeur d’une année de référence donnée», Insee

« Les tableaux d’entrées-sorties déflatés par des indices de prix chaînés ne sont pas additifs sur les lignes de produits. On  en analyse les raisons et propose une solution. La méthode est basée sur une distinction, en concept, entre la « valeur réelle », d’une part, et la variation du « volume », d’autre part, la première corrige la variation monétaire de l’unité de compte résultant de l’inflation du niveau général des prix, tandis que la seconde isole la variation du prix d’un produit par rapport aux autres produits, causée par les forces de l’offre et de la demande sur chaque marché de chaque produit.»,, Utz-Peter Reich, Additivity of deflated input-output tables in national accounts, Conférence Input-Output, Istanbul, 2007.

 

Sommaire

I – DÉFINITION

II – LE PASSAGE DES PRIX CONSTANTS AUX PRIX CHAÎNÉS

III – LA MÉTHODE DES PRIX CHAÎNÉS

IV – UN EXEMPLE DE L’INTÉRÊT  DU CALCUL DES PRIX CHAÎNÉS

V – LA PERTE D’ADDITIVITÉ

VI – CONTRIBUTION À LA CROISSANCE DU PIB

VII –  CONSÉQUENCE DE L’ABSENCE D’ADDITIVITÉ : DES EXEMPLES

VIII – UN EXEMPLE FICTIF DES PRIX CHAÎNÉS ÉQUILIBRÉS

IX – COMMENT RENDRE ADDITIFS LES PRIX CHAÎNÉS ?

X – LE TABLEAU FINAL LES PRIX CHAÎNÉS ÉQUILIBRÉS

 

Résumé

° Les volumes en prix constants sont fondés sur des données en valeur pour une année de base (valeur de la consommation de pêches par exemple), actualisées par le taux de croissance en volume de chaque produit (taux de croissance de la consommation de kilos de pêches), les volumes ainsi calculés étant ensuite agrégés par simple sommation. Ce que l’on appelle volume est alors une variable obtenue en appliquant aux volumes élémentaires le prix d’une période antérieure [1] (les nombres entre crochet renvoient à la bibliographie en bas de page).

 

 

1 – Les comptes à prix constants

° C’est ce système qui était utilisé dans les comptes nationaux pendant longtemps. Ce mode de calcul permet de réaliser sans difficulté des sommes ou des différences entre les agrégats et de conserver les égalités comptables quel que soit le niveau d’agrégation. Par exemple : si on dispose des volumes de consommation en tous biens d’une part et en tous services d’autre part, le volume total de la consommation est directement calculable par somme de ces deux quantités. Ou encore : en volume, l’égalité comptable entre la somme des différents éléments de l’offre (production, importations) et de la demande (consommation, investissement, exportations, variations de stocks) est directement respectée.

° Cependant, l’estimation des agrégats en volume en prix constants présente l’inconvénient de fournir des évaluations qui peuvent ne refléter qu’imparfaitement la réalité économique lorsqu’on s’intéresse à une année éloignée de l’année de base [2]. En effet, le poids relatif de chaque produit dans un agrégat en volume dépend de la structure des prix des produits observée au cours de l’année de base. Or la structure des prix peut évoluer sensiblement au cours du temps. Ainsi, plus on s’éloigne de l’année de base et moins le poids relatif de chaque produit dans un agrégat est pertinent pour traduire la réalité économique.

° Par exemple, en 2000, la consommation des ménages en appareils de réception, d’enregistrement et de reproduction du son et de l’image (noté hifi-tv) représentait 0,8 % de l’ensemble des dépenses de consommation en biens et services, en volume comme en valeur. Six ans plus tard, la consommation en volume de ces produits a plus que triplé. En 2006, compte tenu de l’évolution des autres produits, la consommation des ménages en appareils hifi-tv représente 1,7 % de leur consommation totale en volume en prix constants. Mais les prix de ces appareils ayant baissé de moitié depuis 2000, leur consommation ne correspond qu’à 0,9 % du total en valeur : si on passait en base 2006, c’est ce poids qu’aurait la consommation en appareils hifi-tv dans le calcul du volume de la consommation de 2007 [3].

 

 

2 – Les comptes des volumes calculés en prix chaînés

° Une solution alternative consiste donc à utiliser des poids en valeur, observés l’année précédente, au lieu de pondérations en volume : il s’agit de l’approche des volumes calculés en prix chaînés. Cette méthode qui fournit une description plus fidèle des évolutions économiques, consiste à agréger les volumes élémentaires en retenant la structure de prix la plus récente possible, par exemple celle de l’année précédente. L’opération de chaînage revient à choisir une année de référence (indispensable pour définir des niveaux) et à actualiser chaque année la structure des prix relatifs des séries élémentaires (nombre de kilos de pêches, de voitures, de visites chez le coiffeur…).

° Depuis la base 1995, et conformément aux conventions européennes, les ERE aux prix de l’année de base sont désormais élaborés automatiquement au terme de l’élaboration des comptes par chaînage d’indices de volume aux prix de l’année précédente. Le principe des indices chaînés consiste à mesurer les indices sur des paires de dates consécutives et de multiplier les indices pour former une chaîne temporellement cohérente qu’on applique aux montants d’une année de référence. On obtient ainsi des « volumes chaînés au prix de l’année de référence N ». Le chaînage peut poser des difficultés en cas de série très irrégulière et fait perdre aux séries leur propriété d’additivité stricte (voir page Parités de pouvoir d’achat). Pour autant, il est appliqué dans les comptes en actualisant les pondérations tout au long de la série. Les indices agrégés sont donc plus représentatifs de la structure de l’économie pour chaque année considérée. En outre, les taux de croissance des indices chaînés ne dépendent pas de la date de référence, ce qui limite les révisions en cas de changement de base. Au final, sont donc élaborées et diffusées des séries annuelles d’agrégats « aux prix de l’année précédente, chaînés », référence 2014, cette année étant celle de la dernière base en France. En Europe, l’année de référence est en général 2010.

 

 

3 – Les comptes à prix chaînés équilibrés ?

° Construire des séries de volumes en prix chaînés permet ainsi de tenir compte, au sein des agrégats, de l’évolution relative des prix dans le temps. Mais cette opération de chaînage conduit à la perte de la propriété d’additivité des séries élémentaires. De même, contrairement au cas des séries historiques en prix constants, l’égalité classique entre la somme des ressources de l’économie (PIB et importations) et la somme des emplois finaux (consommation finale, investissement, exportations et variations de stocks) n’est plus vérifiée en prix chaînés : il faut dans ce cas passer à une interprétation en termes de contributions des composantes de la demande à la croissance du PIB.

° Aussi, certains ne sont pas satisfaits de cette perte d’équilibre comptable. Ils ont alors proposé un calcul des agrégats du TES en conservant l’égalité comptable des prix chaînés « équilibrés ». Ce calcul est plus complexe qu’une simple règle de 3. Un exemples fictif est donné ici pour mieux comprendre ces enjeux.

 

 

 

 

 

 

 

 

I – DÉFINITION

Dans les comptes nationaux, annuels comme trimestriels, les grandeurs exprimées en volume sont publiées aux prix de l’année précédente chaînés. Ce mode de calcul rend mieux compte des évolutions des agrégats que celui à prix constants. Avec la première méthode, le poids de chaque composante élémentaire de l’agrégat est réestimé chaque année ; avec la seconde, la pondération est celle de l’année de base. Le chaînage permet donc de prendre en compte la déformation de structure de l’économie (prix relatifs, poids des différents produits dans la consommation, etc.) ce qui est souhaitable en particulier dans le cas de séries longues ou de composantes connaissant une évolution rapide (matériel électronique par exemple).

Ainsi, afin de tenir compte des déformations de la structure des prix relatifs, on a mis au point la méthode dite des comptes « chaînés » pour conserver les évolutions, et non les niveaux, des volumes aux prix de l’année précédente d’une année sur l’autre, à partir de la valeur d’une année de référence donnée. Avant, la méthode des prix constants consistait déflater chaque composante d’un agrégat par son indice de prix puis d’ajouter les composantes pour avoir le obtenir l’agrégat en prix constants : les valeurs ajoutées étaient additives, les équilibres ressources emplois étaient équilibrés non seulement en valeur, mais en prix constants.

Mais cette meilleure représentation économique a un coût : l’additivité disparaît. La consommation totale, par exemple, n’est pas la somme de la consommation en biens et de la consommation en services.

Les avantages et inconvénients des différents modes de calculs des agrégats en volume sont résumés dans le tableau suivant.

Le passage aux prix chaînés invite ainsi à analyser les changements, d’une part sur l’interprétation des séries macroéconomiques, et d’autre part sur les outils utilisés dans le cadre de l’analyse conjoncturelle

 

 

1/ Avantage des prix chaînés

– Les chiffres de la croissance ne sont pas biaisés et sont plus comparables dans le temps (exemple des  ordinateurs)

– La croissance américaine 2001-2003 aurait été  » surestimée  » de 1,7 % si l’on avait utilisé les prix constants de 1996.

– On évite de modifier les séries chronologiques historiques en changeant l’année de base.

 

2/ Inconvénient pratique important : les comptes ne sont plus additifs.

– Les économistes ne peuvent plus facilement additionner ou soustraire les variables des comptes nationaux en volume.

–  » Les  » contributions à la croissance  » ne sont pas plus faciles à calculer (voir ci-dessous).

– Que se passe-t-il avec les équations fondamentales ?

Production des ordinateurs et autres matériels informatiques en France, base 100 en 1980 en %

 

 

 

 

II – LE PASSAGE DES PRIX CONSTANTS AUX PRIX CHAÎNÉS

Pour éliminer les effets de prix dans l’analyse de la croissance du PIB et de ses composantes, les volumes sont conçus pour se rapprocher de la notion de quantité. Mais additionner des quantités de produits élémentaires n’a pas de sens : pour rendre ces quantités commensurables, il faut en attribuer aux quantités élémentaires le prix qu’elles ont à une période donnée [4].

Le choix de la période qui définit la structure des prix utilisée comme pondération pour évaluer les volumes est important. Auparavant,, les prix des comptes trimestriels étaient mesurés avec une structure de prix fixe relative à une année donnée (l’année de base). On parle de « volumes à prix constants ». Mais cette méthode présente l’inconvénient de ne pas prendre en compte les déformations de la structure des prix relatifs. Par exemple, en quelques années, les prix des équipements électroniques ont beaucoup baissé et les quantités correspondantes ont beaucoup augmenté. De ce fait, en comptes à prix constant, la forte hausse de la quantité consommée de ce type de produit se trouve sur-pondérée au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’année de base [5], [6].

Afin de tenir compte des déformations de la structure des prix relatifs, il est possible de mesurer systématiquement l’évolution des volumes en fonction des prix de l’année précédente. Les comptes annuels sont ainsi calculés « aux prix de l’année précédente ». Les comptes sont de plus « chaînés » pour conserver les évolutions, et non les niveaux, des volumes aux prix de l’année précédente d’une année sur l’autre, à partir de la valeur d’une année de référence donnée. En effet, les niveaux des volumes aux prix de l’année précédente ne peuvent pas être utilisés en séries temporelles puisque l’évolution entre les volumes de deux années consécutives comprend à la fois une évolution des prix de l’année de référence et une évolution des volumes [3].

Le principe des indices chaînés consiste à mesurer les indices sur des paires de dates consécutives (en utilisant la première des deux dates comme base) et de multiplier les indices pour former une chaîne.

Concrètement, dans cette méthode, il n’est pas nécessaire de choisir une année de base 0 : seule est nécessaire une « année de référence » pour laquelle l’indice vaudra 100, et qui est également l’année pour laquelle on suppose que les agrégats en volume sont égaux aux agrégats en valeur à prix courants.

Les indices de volumes d’une année t sont obtenus en multipliant plusieurs ratios, correspondant pour chacun au rapport entre les quantités consommées, produites ou investies au cours de l’année j, par les prix de l’année j-1.

Les indices de volume de Laspeyres et les indices de prix de Paasche suivent les formules suivantes :

 

 

 

III – LA MÉTHODE DES PRIX CHAÎNÉS

1/ Les formules

  • Les comptes annuels à prix constants (on dit aussi «en volume») depuis  la base 2000 sont publiés «en prix chaînés, année de base, non additifs». A cet effet les évolutions des données aux prix de l’année précédente sont chaînées  pour construire des séries d’évolutions sur longue période, dont chaque élément annuel est l’évolution de l’agrégat aux prix de l’année précédente. Le chaînage s’effectue à chaque niveau du TES. Aucun équilibrage n’est effectué, de sorte que les prix ne sont pas modifiés [7].
  • Les problèmes spécifiques au chaînage des variations de stocks ont conduit à construire une méthode adaptée, appliquée à chaque type de variations de stocks : cette méthode cherche à respecter les contributions des variations de stocks à la croissance du PIB. C’est donc la «variation de variations de stocks» (écart entre les variations de stocks de l’année n et de l’année n-1, estimés dans un même système de prix, celui de l’année n-1) qui est la variable privilégiée, et qu’on évite de distordre par le passage aux prix chaînés ; celle-ci est déflatée par un indice adapté à la nature des stocks pour tenir compte de l’évolution des prix entre l’année de référence et l’année n-1. On calcule ensuite la variation de stocks aux prix chaînés par chaînage additif pour chaque composante, et la variation totale comme la somme de ses trois composantes.

Formules de calcul

 

 

 

2/ Applications

a) Méthode

Le point de départ est la série chronologique constituée par la croissance au prix de l’année précédente.

On  » relie  » ensuite ces taux de croissance.

On obtient un indice base 100 à une année arbitraire donnée (par exemple l’année de base 2010 en France).

On multiplie ensuite cet indice par le montant au prix courant de cette année arbitraire.

Cette dernière étape n’affecte en rien la dynamique de la série temporelle, elle permet seulement de la montrer  » en niveau « .

Cela donne en France des  » Comptes aux prix de l’année précédente, chaînés, base 2010  » mais d’autres noms sont parfois utilisés :  » euros chaînés « ,  » prix chaînés « .

b) Pratiques en France

Les comptes annuels sont établis au niveau  » H 327 « .

On part des comptes en prix courants de l’année précédente

On applique des indices de quantité

On obtient des comptes additifs à prix constants de l’année précédente.

On additionne ces comptes au niveau G (138), au niveau F (38), au niveau E (16) …jusqu’au niveau 1 (économie globale)

On calcule les taux de croissance pour tous les agrégats

On relie ces taux de croissance

On multiplie par le montant à prix courant de l’année de base 2010 pour chaque agrégat.

 

 

 

 

 

 

IV – UN EXEMPLE DE L’INTÉRÊT DU CALCUL DES PRIX CHAÎNÉS

1/ L’évolution du PIB dans l’EU-27: croissance depuis 2014

La crise économique et financière mondiale a entraîné une grave récession dans l’EU-27 en 2009 (voir graphique 1), suivie d’une reprise en 2010. La crise avait éclaté plus tôt au Japon et aux États-Unis, où des taux de variation annuels négatifs du PIB (en termes réels) avaient déjà été enregistrés en 2008, s’étaient détériorés en 2009, avant de connaître un rebond en 2010. À l’inverse, la production économique chinoise (Hong Kong compris) a continué de croître à un rythme soutenu pendant la crise (près de 10 % par an), avant de ralentir quelque peu au cours des années suivantes, tout en demeurant sensiblement plus élevée que dans les autres économies représentées dans le graphique suivant.

La crise était déjà manifeste dans l’UE-27 en 2008, puisque le taux de croissance du PIB avait accusé une baisse considérable, qui a été suivie par une chute du PIB réel de 4,3 % en 2009. La reprise dans l’EU-27 a vu l’indice de volume du PIB (indice chaîné) augmenter de 2,2 % en 2010 et de 1,8 % en 2011. Par la suite, le PIB s’est contracté de 0,7 % en 2012 et l’évolution a été négligeable en 2013, avant qu’un taux de variation positif ne soit enregistré en 2014 (1,6 %). Entre 2015 et 2018, la croissance a adopté un rythme relativement stable de 2,0 % à 2,8 % par an. En 2019, la croissance a ralenti et l’EU-27 a enregistré une augmentation réelle du PIB de 1,5 %.

Dans la zone Euro, les taux de variation correspondants étaient semblables à ceux de l’EU-27: les contractions enregistrées en 2009 et 2012 ont été plus fortes (-4,5 % et -0,9 %) que dans l’EU-27 et la contraction de 2012 s’est poursuivie jusqu’en 2013 (-0,2 %), tandis que la situation est restée inchangée dans l’EU-27 en 2013. Si une augmentation a été enregistrée dans la zone euro au cours de chaque année lors de laquelle une augmentation a été enregistrée dans l’EU-27, le taux de croissance dans la zone euro était cependant normalement 0,1 ou 0,2 point de pourcentage inférieur. En conséquence, au cours de la période 2009-2019, la croissance du PIB réel dans la zone euro a été légèrement inférieure à celle de l’EU-27 dans son ensemble.

Évolution du PIB réel, 2009-2019 (en % de variation en glissement annuel)

 

 

2/ Évolution différente des activités économiques au cours de la dernière décennie

Entre 2009 et 2014, la production de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche dans l’EU-27 a fluctué, avec des taux de variation compris entre – 4,7 % et 5,4 % Les évolutions ont ensuite été plus modérées, avec des diminutions de 0,7 % et 1,1 % en 2015 et 2016, suivies par trois hausses relativement faibles (0,4 %-1,3 %) entre 2017 et 2019. Au total, la production a été 5,0 % plus élevée en 2019 qu’en 2009. La production industrielle de l’EU-27 a augmenté de 11,9 % entre 2009 et 2011, connaissant un rebond après la crise, mais a diminué de 2,3 % entre 2011 et 2013. Celle-ci a ensuite crû à un rythme relativement rapide au cours des quatre années qui ont suivi (avec des augmentations annuelles comprises entre 2,4 % et 3,3 %) et plus modéré (1,9 %) en 2018 avant de connaître une diminution de 0,5 % en 2019. La production industrielle a été 24,5 % plus élevée en 2019 qu’en 2009. La construction a connu la contraction la plus longue et la plus importante, caractérisée par un recul de la production de 14,9 % entre 2009 et 2013 pour l’EU-27 (elle était déjà en baisse en 2008 et 2009), chaque année enregistrant un nouveau recul. À ce titre, l’augmentation de 1,6 % enregistrée en 2015 (après une absence d’évolution en 2014) pour la construction a marqué la première croissance annuelle du secteur en huit ans et a été suivie d’une croissance de 1,3 % à 3,8 % jusqu’en 2019. En dépit de cette récente période de croissance soutenue, la production de la construction en 2019 a été 3,4 % plus faible qu’en 2009 (et donc considérablement plus faible qu’avant le début de la crise).

Deux activités de services (l’information et la communication et les activités immobilières) ont enregistré des taux annuels de variation positifs chaque année entre 2009 et 2019. Une situation similaire a été observée pour les services aux entreprises, à l’exception d’une légère baisse de 0,2 % en 2012, pour l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale, à l’exception d’un statu quo en 2012 et d’une légère baisse de 0,1 % en 2013, et pour le commerce, le transport, l’hébergement et les activités de restauration, à l’exception d’une baisse de 0,5 % en 2013. Parmi ces activités, la croissance totale la plus rapide entre 2009 et 2019 a été enregistrée pour l’information et la communication, avec une production 48,9 % plus élevée en 2019 qu’en 2009; la croissance la plus lente a été enregistrée pour l’administration publique, la défense, l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale (+ 9,5 % au total). Les deux activités de services restantes (les activités financières et d’assurance ainsi que les arts, les spectacles, les activités récréatives et les autres activités de service) ont connu trois années de baisse de la productivité entre 2009 et 2019 et une croissance globale relativement modérée de respectivement 5,4 % et 4,8 %.

En 2019, toutes les activités de l’EU-27 ont enregistré une croissance de leur valeur ajoutée brute par rapport à 2018, à l’exception de l’industrie. Les activités affichant la croissance la plus forte ont été les activités d’information et de communication (3,9 %) et la construction (3,4 %). La production industrielle a diminué de 0,5 %, tandis que la croissance la plus lente parmi les autres activités a été observée dans l’agriculture, la sylviculture et la pêche (0,4 %).

Évolution réel de la valeur ajoutée brute, UE-27, 2009-2019 (2010 = 100)

Évolution réel de la valeur ajoutée brute, UE-27, 2009-2019, (2010 = 100)

3/ La productivité de la main-d’œuvre

Afin d’éliminer les effets de l’inflation, on peut calculer la productivité du travail par personne occupée à l’aide de données corrigées des variations de prix. L’analyse de la productivité de la main-d’œuvre par personne occupée en termes réels (sur la base des volumes chaînés) au cours de la même période de dix ans (de 2009 à 2019) révèle une hausse pour la plupart des activités dans l’EU-27: les gains de productivité les plus importants ont été enregistrés pour l’agriculture, la sylviculture et la pêche (hausse globale de 30,1 %), l’industrie (24,3 %) et les services d’information et communication (22,8 %) (graphique suivant).

Il est à noter qu’une comparaison précise en termes réels des niveaux de productivité de la main-d’œuvre entre les activités ne peut être analysée que pour l’année de référence 2010 en raison de la non-additivité des volumes chaînés.

Productivité réelle de la main-d’œuvre, UE-27, 2009, 2014 et 2019, (en milliers d’euros par personne occupée)

Le tableau suivant présente d’autres données sur l’évolution de la productivité réelle de la main-d’œuvre mesurée soit par personne occupée, soit par heure travaillée. Entre 2009 et 2019, la productivité de la main-d’œuvre par personne occupée a augmenté en termes réels dans la quasi-totalité des États membres de l’EU-27, le seul pays ayant enregistré un recul étant la Grèce (aucune donnée disponible pour Malte). De même, au cours de la même période, la productivité de la main-d’œuvre par heure travaillée a aussi progressé dans tous les États membres de l’EU-27, à l’exception la Grèce (aucune donnée disponible pour Malte). Les plus fortes (en pourcentage) pour les deux mesures de la productivité réelle de la main-d’œuvre ont été enregistrées en Roumanie, en Bulgarie, en Estonie et en Lettonie, et les plus faibles (en dehors de la Grèce) au Luxembourg et en Italie.

Productivité réelle de la main-d’œuvre, 2009, 2014 et 2019

 

4/ Les dépenses de consommation et d’investissement

Si on analyse l’évolution des composantes du PIB du point de vue des dépenses, on peut remarquer que le volume des dépenses de consommation finale dans l’EU-27 a augmenté de 10,8 % entre 2009 et 2019 (graphique suivant), malgré une légère diminution en 2012 et en 2013. Les dépenses de consommation finale des administrations publiques ont progressé un peu plus lentement, de 10,0 % entre 2009 et 2019. Au cours de la même période, la formation brute de capital a été relativement volatile: elle a augmenté de 8,2 % entre 2009 et 2011, a diminué presque dans la même proportion (8,1 %) entre 2011 et 2013, et a ensuite suivi une tendance à la hausse jusqu’à 2019, avec une augmentation de 26,9 % entre 2013 et 2019. La croissance des exportations a dépassé celle des importations entre 2009 et 2013, ainsi qu’en 2017, tandis que les importations ont augmenté plus rapidement au cours des cinq des six années comprises entre 2014 et 2019. Entre 2009 et 2019, les exportations ont globalement augmenté de 61,0 % tandis que les importations ont augmenté de 55,3 %.

Après avoir reculé en 2009, les dépenses de consommation des ménages et des ISBLSM ont affiché une hausse en 2010 (de 0,9 % en volume) ainsi qu’en 2011 (+ 0,3 %), avant de marquer un nouveau recul en 2012 (- 0,9 %) et en 2013 (- 0,5 %). Ces dépenses ont ensuite augmenté pendant six années consécutives, avec une croissance passant d’abord de 1,1 % à 2,2 %, avant de revenir à 1,6 % en 2019.

En 2010, la croissance des  dépenses totales es APU  de l’EU-27 a ralenti en volume, puis est restée relativement stable (entre – 0,2 % et 0,4 %) entre 2011 et 2013, avant de s’inverser pour afficher une croissance un peu plus forte entre 2014 et 2019 (de 1,0 % à 2,0 %).

Évolution réel des dépenses de consommation, formation brute de capital, exportations et importations, UE-27, 2009-2019, (2010 = 100)

 

 

 

 

 

 

V – LA PERTE D’ADDITIVITÉ

Les prix chaînés posent en revanche certains problèmes. En effet, avec le chaînage, les séries perdent la propriété d’additivité stricte [8]. Il en résulte que, d’une part, les égalités comptables ne sont pas strictement respectées sur des données en volume chaînées, et que, d’autre part, les séries chaînées correspondant à des niveaux plus agrégés ne sont pas égales à la somme des séries de niveau plus fin chaînées qui composent ce niveau agrégé (voir tableau ci dessous). En outre, des problèmes techniques supplémentaires ont conduit les comptables nationaux à proposer une méthode spécifique pour produire des séries de variations de stocks en volume chaînées..

Malgré tout, les volumes et les prix en comptabilité nationale restent calculées selon la méthode du chaînage pour deux raisons principales.

Tout d’abord, avec des indices chaînés, les taux de croissance ne dépendent pas de la date de référence et ne sont pas révisés en cas de modification de cette date de référence dans le cadre notamment d’un changement de base.

Par ailleurs, les volumes aux prix de l’année précédente chaînés offrent l’avantage de prendre en compte la déformation des prix relatifs, ce qui est particulièrement souhaitable lorsque les prix de certains produits évoluent de façon très différente entre eux. Les pondérations sont actualisées tout au long de la série, ce qui permet a priori de tenir compte de l’évolution de la structure de l’économie et de limiter les biais de substitution. En ce sens, ce mode de présentation des chiffres permet ainsi de fournir aux utilisateurs les séries les plus pertinentes possibles pour décrire l’évolution réelle de l’activité.

 

Séries chainés : chaînage de l’ensemble des niveaux élémentaires et chaînage de l’ensemble des agrégats     (exemple fictif : pas d’égalité comptable mais une pondération chaque année)

 

 

 

 

 

VI – LA CONTRIBUTION À LA CROISSANCE DU PIB

Cette question de la non-additivité des séries en volume chaînés pose problème dans tous les pays pour le calcul des contributions à la croissance (dont la formule traditionnelle repose sur l’additivité des séries traitées). On la présente ici pour les données annuelles, sachant que la méthode mise au point par l’Insee et Eurostat pour les comptes trimestrielles est encore plus complexe.

Or ce calcul est indispensable à la présentation des comptes nationaux pour toutes les variables de solde dans les comptes trimestriels, à savoir les exportations nettes de biens et services et les variations de stocks [9] . Ces agrégats pouvant changer de signe, il n’est en effet pas significatif d’en calculer ni les taux de croissance, ni les déflateurs; de ce fait, le calcul même de niveaux en volumes chaînés est également inapproprié pour ces variables.

S’il est relativement aisé de parer cette difficulté pour des séries annuelles, le procédé est plus complexe pour les séries trimestrielles; jusqu’à présent, la formule de calcul des contributions à la croissance traditionnelle applicable à des séries additives était improprement utilisée.

Au début des années 2000, dans les publications trimestrielles en Belgique, les contributions à la croissance du PIB sont calculées selon une méthode dite «simpliste», à savoir la méthode appliquée auparavant aux prix constants. Cette approche a pour avantages sa simplicité de calcul, et le fait qu’elle est familière à tous les utilisateurs. La formule pour la contribution de la composante C à la croissance du PIB au temps t est la suivante (soit la formule classique).

Cette méthode n’est mathématiquement correcte que si les données sur lesquelles elle porte sont additives. Or, les volumes chaînés ne l’étant pas, elle présente l’inconvénient que les contributions ainsi calculées ne sont pas additives non plus, c’est à dire que la somme des contributions des composantes n’est pas égale à la croissance du PIB, ce qui rend l’exercice nettement moins intéressant.

La méthode utilisée ensuite a résolu le problème de la non-additivité en travaillant sur les séries exprimées en prix de l’année précédente.

La composante C, au temps t, au prix de l’année précédente (PYP), est définie comme:

Les séries PYP sont, elles, additives, et présentent par définition les même évolutions que les données chaînées («chain linked volumes» ou «CLV»).

Les contributions à la croissance pourront être calculées à partir de ces séries et des séries de l’année précédente évaluées à prix courants.

En annuel, le calcul de la contribution de la composante C à la croissance du PIB pour l’année T ( «Contrib, C PIB») se résume à:


En ce qui concerne les agrégats calculés par solde, l’approche, appliquée notamment par l’Insee et Eurostat, est de définir leur contribution par différence entre les agrégats qui les composent, et ceci tant en fréquence annuelle que trimestrielle.

  • la contribution des exportations nettes de biens et services (X nettes) à l’évolution du PIB est définie comme la différence entre la contribution des exportations à cette variable et des importations à cette même variable:

  •  La contribution des variations de stocks, qui constituent le poste d’ajustement de l’optique dépenses, est calculée par différence entre la croissance du PIB et les contributions de toutes les autres composantes de cette optique:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VII – CONSÉQUENCE DE L’ABSENCE D’ADDITIVITÉ : DES EXEMPLES

On s’appuie ici sur le document de travail de la DGTPE déjà cité, guide pratique des comptes, montrant quand même certaines difficultés d’interprétation des volumes chaînés qu’on retrouverait toutefois dans les volumes à prix constants. chaînés, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/a006b7f0-d960-4d36-aa13-3613ca62cbe3/files/732452e1-60e6-4e0f-afc1-bbe4412ef1b4.,

« La pratique des comptes chaînés Le Bureau of Economic Analysis aux États-Unis, confronté à la demande des utilisateurs dont le cadre comptable traditionnel est l’équilibre emplois-ressources en niveau, publiait au début des années 2000  des séries de volumes en niveau reconstruites à partir des indices de volume chaînés. La présentation des comptes américains en volume est donc double : en indices et en niveaux (les prix sont présentés en indices uniquement).

Les séries de volume en niveau, auxquels les comptes non chaînés avaient habitué les utilisateurs, doivent toutefois être utilisées avec beaucoup de précaution quand elles sont construites à partir d’indices chaînés, puisque la propriété d’additivité des volumes n’est plus vérifiée dans ce cas. Certains comptables n’hésitent pas à s’interroger sur l’utilité même de séries en niveaux : à quoi peuvent servir des niveaux, si l’absence d’additivité empêche de réaliser des opérations aussi simples qu’une addition ou une soustraction ?

Dans les comptes chaînés, les additions, les soustractions et certaines divisions de séries en volume ne peuvent être effectuées de manière habituelle. De nouvelles méthodes doivent être mises en œuvre.

La présentation des comptes en niveau nécessite de choisir une date de référence, de sorte que même les comptes chaînés font l’objet de « rebasages ». Ces rebasages n’ont pas d’effet sur les taux de croissance (puisque ces derniers sont obtenus par chaînage) mais par contre ils provoquent des révisions sur les niveaux. Les niveaux restent donc dépendants de la date de référence retenue.

Les volumes en niveau reconstitués à partir des indices chaînés ne sont pas additifs. Un résidu sépare ainsi le PIB de la somme de ses composantes aux dates autres que la date de référence (le résidu n’a donc ici rien à voir avec des erreurs de mesure). Le signe de ce résidu n’est pas prévisible a priori. Aux États-Unis, le résidu est très volatile ; il a valu, en moyenne 1,5% du PIB depuis 1929, soit un niveau de l’ordre des variations de stocks ».

 

 

« L’absence d’additivité a pour conséquence que le calcul d’agrégats réels ne peut être réalisé directement en additionnant ou en soustrayant des séries en volume fournies par la comptabilité nationale. Par exemple, l’agrégat « production hors biens d’investissement » n’est pas égal à la différence entre la série de PIB et celle d’investissement.

L’absence d’additivité a aussi pour conséquence que les parts en volume (telles qu’elles sont mesurées par le rapport d’une composante à son agrégat) peuvent difficilement être interprétées comme le « poids » d’une variable ; il est en effet possible que cette part dépasse l’unité ! Ce problème d’interprétation n’est toutefois pas la seule raison pour laquelle les poids en volume doivent être considérés avec prudence : ces rapports présentent un biais ».

 

« L’analyse des rapports de séries en volume occupe une place importante dans l’étude des conséquences du chaînage des comptes. On ne traite ici que du rapport d’une composante à l’agrégat qu’elle contribue à composer (ce qu’on appelle couramment le « poids » d’une variable) ; on ne traite pas du rapport de deux agrégats non liés par une relation . De plus, on traite du poids des composantes faisant l’objet de phénomènes de substitution36.

Si l’on observe le poids en volume d’une composante dans un agrégat et que, de surcroît, cette composante voit son prix relatif décroître par rapport aux autres composantes de l’agrégat tandis que sa croissance réelle est relativement plus élevée, alors deux propositions peuvent être énoncées :

– Aux dates postérieures à la date de référence3, le poids en volume de la composante est plus élevé s’il est mesuré avec des indices chaînés qu’avec des indices de Laspeyres non chaînés (partie suivante 1).

– Aux dates postérieures à la date de référence, le poids en volume chaîné est biaisé vers le haut si on le compare au poids en valeur (partie 2) ».

 

 

1/ Poids en volumes chaîné et non chaîné

« Le poids en volume d’une composante à croissance réelle forte et croissance des prix faible est, aux dates postérieures à la date de référence, plus élevé s’il est mesuré avec des indices chaînés qu’avec des indices de Laspeyres non chaînés.

En effet, les indices de Laspeyres non chaînés surestiment la croissance de l’agrégat après la date de référence, alors que les indices chaînés corrigent ce biais de substitution. Comme, de surcroît, le poids en volume à la date de référence est identique dans les comptes chaînés et non chaînés (à cette date, le rapport des volumes est égal à celui des séries en valeur), alors le poids de la composante dans l’agrégat tend à être plus faible en comptabilité non chaînée après la date de référence et l’écart entre les deux mesures s’accroît à mesure qu’on s’éloigne de cette même date.

Pour des raisons symétriques, le poids en volume sera plus élevé en comptabilité non chaînée aux dates antérieures à la date de référence et l’écart entre les mesures chaînée et non chaînée se creusera à mesure que l’on s’éloigne de cette date ».

 

 

2/ Poids en volume chaîné et poids en valeur

 « Les poids en volume non chaîné sont donc biaisés, car les taux de croissance des séries en volume non chaîné sont biaisés. Toutefois, même si les taux de croissance étaient mesurés sans biais, les poids en volume resteraient biaisés. Ce résultat peu intuitif a pour conséquence que les poids en volume chaîné sont biaisés, alors même que les indices chaînés mesurent correctement les taux de croissance des séries en volume ».

 

a) Caractérisation du biais sur les poids en volume chaîné

« Aux dates postérieures à la date de référence39, les comptes chaînés tendent à surestimer l’importance relative des composantes en volume dont le taux de croissance réel est fort mais dont les prix décélèrent ou diminuent. Ainsi, les poids en volume chaîné peuvent dériver pour des raisons purement statistiques.

L’existence du biais peut être attestée en comparant les poids en volume chaîné et les poids en valeur. Par exemple, en 2003, les ventes finales d’ordinateurs constituaient 4,9% du PIB américain en volume chaîné et seulement 0,7% en valeur, l’année de référence étant 1996.

 Le biais sur les poids en volume se retrouve dans la mesure des contributions à la croissance (quand ces dernières sont calculées, de manière habituelle, sur des données chaînées). Il a ainsi été largement documenté que la contribution des ordinateurs (en volume) à la croissance du PIB était surestimée par les comptes chaînés » :

Contributions de l’investissement high-tech à la croissance du PIB

« On remarque que le biais sur les poids en volume est indépendant du fait que les données chaînées ne vérifient pas la propriété d’additivité (les séries en volume non chaîné, pourtant additives, présentent aussi ce biais) ».

 

b) Explication du biais sur les poids en volume chaîné

« Le biais qui porte sur les poids en volume chaîné est un biais de substitution, qui apparaît lorsque les évolutions de volume relatif et de prix relatif des composantes d’un agrégat sont corrélées négativement (ce qui est le cas habituellement quand il y a des effets de substitution entre les composantes de l’agrégat).

Il est nécessaire, pour comprendre ce biais, de rappeler la façon dont son calculés les volumes en niveau en comptabilité chaînée  : une série de volume en niveau est construite en supposant qu’elle est égale à la série en valeur à la date de référence ; pour les autres dates, on applique, à cette valeur initiale, le taux de croissance entre la date de référence et la date courante (ce taux de croissance étant mesuré par un indice chaîné de volume).

Le rapport entre deux volumes chaînés est donc égal au rapport des taux de croissance réelle multiplié par le rapport des séries en valeur à la date de référence. Ce rapport de valeurs peut être considéré comme une sorte de pondération appliquée au ratio de taux de croissance. Bien que ce ratio soit non biaisé, la pondération en valeur peut, en revanche, devenir obsolète à mesure que l’on s’éloigne de la date de référence, de sorte que le rapport des volumes en niveau est biaisé in fine.

Il reste à comprendre pourquoi la pondération en valeur devient obsolète au fil du temps. Imaginons, par exemple, que le taux de croissance réel de l’investissement en ordinateurs (mesuré avec un indice de volume chaîné) soit très élevé en comparaison de la croissance des autres biens d’investissement et que, parallèlement, le prix relatif des ordinateurs diminue ; supposons également que la part en valeur de la production d’ordinateurs dans les biens d’investissement totaux reste stable (la hausse des volumes des ordinateurs étant compensée par la baisse des prix). Alors la méthode de construction des volumes chaînés, qui consiste à appliquer un taux de croissance réel élevé à une donnée de départ en valeur fixe, va donner à tort l’impression que le poids des ordinateurs en volume augmente, alors que la hausse relative des volumes s’explique par la baisse des prix relatifs et ne peut en être artificiellement isolée.

En réalité, comme la hausse relative des volumes s’explique par un effet de substitution, le poids des ordinateurs n’a pas véritablement augmenté ; d’ailleurs, la part en valeur de la production d’ordinateurs dans la production totale de biens d’investissement reste stable. Pour corriger le biais de substitution, il faudrait que la pondération en valeur appliquée au ratio de taux de croissance diminue avec le temps, de manière à tenir compte de la baisse du prix relatif des ordinateurs.

Au total, le biais sur les poids en volume chaîné s’explique par le fait que la croissance des séries en volume est pondérée par un rapport de valeurs à la date de référence ; ce rapport de valeurs reflète lui-même un prix relatif qui n’est pas mis à jour au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la date de référence ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VIII – UN EXEMPLE FICTIF DES PRIX CHAÎNÉS ÉQUILIBRÉS

tableau 17 prix chainés équilibrés

Le comptable national allemand, Utz Peter Reich, a proposé un calcul des agrégats du TES en conservant l’égalité comptable des prix chaines équilibrés [10]. La méthode repose sur une distinction conceptuelle entre «valeur réelle», d’une part, et changement de «volume», d’autre part, la première correction de la variation monétaire de l’unité de compte résultant de l’inflation du niveau général des prix, tandis que le second isole la variation d’un prix du produit par rapport aux autres produits, causée par les rapports de l’offre et de la demande sur chaque marché de produits de base. Si l’incorporation de l’additivité dans les formules d’indice de chaîne semble simple, l’exprimer dans des tableaux peut même l’être davantage. L’auteur prend un exemple.

Le tableau montre le PIB pour ces années et sa décomposition des emplois et des importations en prix courants (table 1, T1), et dans ceux de l’année précédente (table 2). Ils fournissent les données à partir desquelles commencer notre test.

Les 3 premières tables présentent les agrégats de la méthode classique : valeur, volume, prix chaînés non équilibrés base 100 en 1995. Aucune de ces données n’est additive au fil du temps. Ajouter les importations de l’année 1995 à celles de l’an 2000 serait inacceptable, non parce que les prix ont changé, mais parce que l’unité dans laquelle ils sont mesurés l’est. De même pour les données de la table 2, en s’appuyant sur les prix des années précédentes respectives. La table 3 montre la méthode traditionnelle de chaînage des données dans le temps. On multiplie les ratios d’agrégats des prix des années précédentes par rapport à leur valeur nominale de l’année précédente, et on les applique à la valeur de l’année de base pour atteindre un nombre en euros. La formule correspondante est A gauche du tableau on calcule notamment les indice de prix chaînés du PIB.

Ces séries temporelles ne sont pas additives à partir de 1997 : Le PIB en 2000 en prix chaînés n’est pas égale la somme de ses composantes. L’écart est de -0,4 (tableau ci dessous).

 

 

 

 

IX – COMMENT RENDRE ADDITIFS LES PRIX CHAÎNÉS ?

Une déflation additive se déroule en deux étapes, dont la première consiste à corriger les flux nominaux pour le simple changement de l’unité de mesure, c’est-à-dire l’inflation de la valeur monétaire. Le résultat dépend du choix du panier de marchandises par rapport auquel la monnaie est évaluée. Deux d’entre eux sont utilisés, l’indice des prix à la consommation et le déflateur implicite du PIB. On opte ici pour la seconde, car ce choix place les deux variables clés de l’analyse économique, croissance et inflation, dans une relation comptable cohérente. La valeur réelle du PIB est donc égale à son volume, par définition, ou, inversement, son prix réel est toujours égal à un. Il n’en va pas de même pour tout autre agrégat ou sous-agrégat. La table 4 est donc établie en utilisant l’indice des prix du PIB comme niveau général des prix et le divise en toutes les entrées nominales du tableau 1. La table 4 consiste à déflater les agrégats par l’indice de prix du PIB en le chaînant. Les comptes sont donc équilibrés. Contrairement à la table 3, ces valeurs réelles sont comparables et additives .

Nous pouvons définir la «valeur réelle» d’une transaction de la manière suivante :

La table 5 consiste à calculer l’effet volume en faisant pour chaque composante la différence entre le volume de deux années (table 2) divisé par l’indice de prix du PIB, chaîné. Les comptes sont encore équilibrés.

 

La formule de la table 5 est :

Elle indique que le mouvement en volume d’un agrégat est calculé par son changement de prix des années précédentes, corrigé pour changement de l’unité de mesure.

La table 6 calcule l’effet prix en divisant la valeur d’un agrégat par l’indice du prix chaîné moins le volume de ce même agrégat divisé par l’indice de prix chaîné de l’année précédente. Les comptes sont encore équilibrés.. La formule de changement de prix pour la table 6 se lit comme le complément correspondant sous la forme Paasche.

La table T5 montre que tous les changements de volume des composants s’ajoutent au changement de volume du PIB, et la tabla T6 montre comment les différents changements de prix relatifs s’annulent, lorsque le PIB est choisi comme panier de produits pour l’indice général des prix. Les tables 5 et 6 sont la somme de la table 4. Enfin, les agrégats en prix chaînés équilibrés sont dans le cadre en bleu clair en ajoutant pour chaque année la valeur de l’année de base aux effets volume de chaque année. Ainsi pour l’année 1997, on ajoute à la valeur de 1995 les variations de volume de 1996 et 1997 pour chaque agrégat. On obtient des prix chaînés équilibrés. Le a colonne additivité a des valeurs nulles. LE PIB en 2000 en prix chaînés équilibrés est égale à la somme de ses composantes.

Pour résumer, on commence par déflater les valeurs nominales au moyen de l’indice du prix du PIB uniforme, en arrivant ainsi à des tables en euros constants (valeurs réelles). En soustrayant, pour chaque année, les chiffres nominaux des chiffres de l’année suivante aux prix de l’année précédente, on parvient à la croissance (et au taux de croissance, si on le souhaite) en euros nominaux, comme c’est le cas avec la méthode conventionnelle (table 5). Mais au lieu de multiplier les taux de croissance successifs, on ajoute les différences absolues de croissance après les avoir rendues comparables en les déflatant chacune par l’indice de prix du PIB uniforme correspondant. L’équilibre entre les variations de volume ainsi obtenues et les variations de la valeur réelle produisent la variation complémentaire des prix réels.

 

 

 

 

 

X – LE TABLEAU FINAL DES PRIX CHAÎNÉS ÉQUILIBRÉS

Les tableaux des entrées-sorties, et les comptes nationaux en général, requièrent l’addition de leurs entrées, contrairement aux statistiques des prix, pour deux raisons. L’un est l’axiome du circuit économique complet, ce qui signifie qu’aucune valeur ne peut se perdre dans le système, ce qui est exprimé par l’équation fondamentale que l’entrée est égale à la sortie. L’autre est lié au premier en disant que la différence de la production et de l’intrant intermédiaire mesure la valeur ajoutée du produit (tout en le consommant dans la production d’un nouveau produit). Il est assez raisonnable de postuler ces axiomes non seulement pour les valeurs nominales, mais aussi pour celles en termes réels.Pourquoi postuler l’additivité pour les valeurs nominales, si pour les valeurs réelles, cela n’est pas jugé souhaitable? La valeur ajoutée à prix constants était naturellement additive, sinon elle n’aurait guère été acceptée comme variable analytique. Alors pourquoi la valeur ajoutée des prix des années précédentes ne serait-elle pas aussi additive ? D’autant plus que l’additivité est déjà donnée pour chaque paire d’années consécutives et que le seul problème est de composer une longue série temporelle sur ces éléments.

 

[7] Le partage volume-prix, base 2014 : Lorraine Aeberhardt, Claire Bidault,  https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/fichier/Tome_1_partage_volume_prix_base_2014_20181022.pdf

[8] https://www.cso.ie/en/interactivezone/statisticsexplained/nationalaccountsexplained/chainlinking/

[9] https://www.nbb.be/doc/dq/f_method/m_nfa10ii.pdf

[10] Additivity of deflated input-output tables in national accounts, Utz Peter Reich,Input Ouput conference, Istanbul, juillet 2007, https://www.iioa.org/

 

Tableau entrées-sorties mondial (T.E.S.)